Mercredi, 11h30, la pause de midi et une salve de clients affamés approchent de la Métropole, à Lausanne. Le moment est mal choisi pour une panne de courant: pourtant, c'est précisément à cette heure-ci que le centre commercial se retrouve paralysé par une panne de courant.
Devant les commerces plongés dans le noir, les vendeurs désabusés trépignent dans l'attente d'informations, tandis que leurs clients en pleins achats se retrouvent dans l'impossibilité de payer par carte.
Un scénario typique d'un black-out généralisé qui fait frissonner les grandes enseignes depuis quelques semaines. S'il n'a pu être évité, ce mercredi, à la Métropole, les principaux magasins de distribution alimentaire de Suisse travaillent d'arrache-pied à l'élaboration d'un plan d'urgence.
Au centre de leurs préoccupations: la manière dont les clients pourront s'acquitter de leurs achats, même en pleine panne du système de paiement électronique. Voici une ébauche des plans esquissés.👇
Pour éviter le chaos aux caisses, Coop mise désormais sur une méthode qui n'a rien de nouveau: l'«ardoise». Comme à l'époque des bonnes vieilles épiceries du village, les clients pourront régler leurs dettes plus tard.
«En cas de défaillance du paiement par carte, nous offrons depuis peu la possibilité de faire reporter les paiements. En indiquant leurs coordonnées, les clients peuvent ainsi régler les montants impayés dans les trois jours au point de vente», explique une porte-parole interrogée par le groupe CH Media.
Par ailleurs, des échanges ont lieu avec la Confédération et des propositions ont été faites pour assurer malgré tout l'approvisionnement en cas de pénurie.
Migros a également mis en place une cellule de crise nationale et offre «la possibilité de paiements hors ligne aux terminaux de paiement en cas de perturbations», selon un porte-parole. Ces transactions devraient être possibles jusqu'à un certain montant maximum.
Le principe est le suivant: le montant impayé s'enregistre sur le terminal. Dès que le courant et la connexion au réseau sont rétablis, la transmission des données et la facturation peuvent s'opérer. Les clients qui veulent utiliser cette solution dépendent néanmoins de leur fournisseur de cartes.
Avec la méthode de l'ardoise, Coop réagit à la panne qui a paralysé tous ses terminaux de paiement il y a deux semaines.
Ce dysfonctionnement a montré une fois de plus à quel point le trafic des paiements électroniques est vulnérable, même en temps normal. En mai, juin et août, des pannes généralisées de terminaux de cartes avaient déjà touché l'ensemble du secteur.
Lors de la récente panne chez Coop, les clients ont eu un avant-goût de ce qui pourrait se passer aux caisses en cas de pénurie d'électricité. Certes, ce n'est pas le manque de courant qui a empêché les paiements par carte, mais un problème technique. L'effet a cependant été le même: une clientèle mécontente, des achats abandonnés aux caisses en libre-service et des millions de pertes pour le distributeur.
Dans une lettre envoyée récemment à ses membres, l'Association pour les paiements électroniques (VEZ) met en garde contre de tels scénarios si la Confédération devait contingenter l'électricité ou même ordonner des coupures de réseau en cas d'urgence. Des interruptions dites «en alternance» toucheraient à chaque fois une zone déterminée pendant quatre heures.
L'association, qui regroupe des acteurs de poids comme Coop, Migros, les CFF ou la Poste, craint que les paiements par carte ou par téléphone portable soient totalement ou partiellement annulés en cas de contingentement de l'électricité.
«Le tableau est particulièrement sombre pour le commerce en cas de coupure de réseau. On s'attend alors à ce que le trafic des paiements électroniques s'effondre complètement», peut-on lire dans la lettre que CH Media s'est procurée.
Dans ces conditions, il est impossible d'assurer un fonctionnement stable:
En d'autres termes, une coupure d'électricité même partielle ferait régner le chaos dans toute la Suisse en matière de paiement. Avec des conséquences massives pour les entreprises, qui verraient leur chiffre d'affaires baisser sensiblement.
A court terme, les consommateurs pourraient se rabattre sur l'argent liquide. Mais là aussi, sans électricité, la situation risque de dégénérer.
«Les transactions en espèces se sont numérisées depuis longtemps et dépendent désormais de l'électricité», constate l'association. En effet, les distributeurs de billets ne fournissent pas de cash sans électricité. Ils sont en outre couplés au trafic des paiements électroniques. Si la crise se prolonge, les clients manqueront aussi d'argent liquide, craint la VEZ.
Elle conseille donc à ses membres d'équiper les terminaux de batteries et d'une carte SIM, d'informer la clientèle à temps et d'étudier la possibilité d'achat sur facture.
«La Banque nationale suisse (BNS) joue un rôle central dans l'approvisionnement en espèces en fournissant les banques. Celles-ci se chargent ensuite de la distribution finale. Une pénurie d'électricité est possible et représente un défi pour la place financière», explique une porte-parole de la BNS.
Afin de réduire les risques à un «niveau supportable», les principaux acteurs se sont coordonnés. Les mesures concrètes ne sont pas claires. La Banque cantonale de Zurich (ZKB), qui examine différents scénarios, n'en dit guère plus. Il s'agirait «d'utiliser les installations électriques de secours déjà existantes et de réaliser des économies sur la consommation d'électricité».
La ZKB ne souhaite pas dire si, en cas de panne de courant, elle utilisera aussi ses générateurs de secours pour faire fonctionner les distributeurs automatiques de billets, et surtout pour quels sites. L'information sera communiquée en temps voulu.
L'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) travaille actuellement sur les ordonnances qui définiront la manière exacte dont les contingentements et les coupures de réseau seront effectués en cas d'urgence.
On peut se demander s'il y aura des exceptions pour le commerce de détail lors des interruptions. Des interruptions qui ne se concrétiseraient qu'en tout dernier recours, en cas de risque d'effondrement du réseau, explique l'OFAE. «Les exceptions ne seront donc accordées que de manière très restrictive, et si cela est techniquement possible.»
La Confédération souligne qu'elle analyse avec la branche la manière de garantir le trafic électronique des paiements. «Un groupe de travail a été constitué avec des représentants du secteur bancaire afin d'élaborer des recommandations à l'intention des banques.» (avec mbr)
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker