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Financement des religions en Suisse: mais qui diable paie pour Dieu?

En Suisse, le financement des communautés religieuses est réglé par les cantons.
En Suisse, le financement des communautés religieuses est réglé par les cantons.Montage waton / Saïnath bovay

Mais qui diable paie pour Dieu en Suisse romande?

Face à l'impôt ecclésial, les contribuables romands ne sont pas égaux. Qui finance quelles Eglises? Comment est utilisé notre argent? L'épineuse question de la relation entre l'Etat et les communautés religieuses est au cœur d'une votation cantonale le 26 septembre. Décryptage.
25.09.2021, 18:0526.09.2021, 10:09
Jonas Follonier
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Le 26 septembre, le canton de Neuchâtel décidera si c'est au peuple de reconnaître des communautés religieuses. L'enjeu est de taille, car une fois reconnues, celles-ci peuvent charger l'Etat de récolter leur dîme, donc mettre en place des impôts.

En amont de ce vote populaire, watson s'est penché sur le financement des cultes. Qui paie le vin de messe et les aubes de curé en Romandie? Le luxueux Vatican? Les fidèles fidèles? Les impôts? Et est-ce que ça fonctionne de la même manière pour les autres Eglises?

La Confédération ne dit mot (ou presque)

«La liberté de conscience et de croyance est garantie.» C'est à peu près la seule politique qu'exige la Confédération en matière de religion (art. 15 de la Constitution). Avec ses corollaires que sont la liberté de professer ses convictions religieuses ou philosophiques, la liberté de suivre un enseignement religieux ou de ne pas en suivre ou encore la séparation nette entre les commandements divins et les droits civiques.

C'est aux cantons de définir les relations entre les Eglises et l'Etat. Ce dossier, qui a donné lieu à des débats acharnés au 19e siècle, opposant libéraux et conservateurs, concerne aussi bien la présence de la religion dans les constitutions et les écoles cantonales que leur mode de financement.

En 1976, une initiative populaire demandait à ce que cette compétence soit retirée aux cantons, que l'Etat soit totalement séparé des Eglises et que les impôts ecclésiastiques soient ainsi supprimés. L'issue du scrutin en 1980 a abouti sur un net refus du peuple et des cantons.

26 cantons, 26 systèmes

Le fédéralisme appliqué à la question des Eglises donne lieu à un joyeux ensemble de 26 systèmes différents. En se cantonnant à la Suisse romande, on a déjà affaire aux principales variantes de financement des communautés religieuses.

Les cantons de Fribourg et du Jura s'occupent eux-mêmes de financer les Eglises qu'ils reconnaissent. Cela se fait au moyen de ce qu'on appelle «l'impôt ecclésiastique», qui consiste en un pourcentage de l'impôt de base dévolu aux frais de culte des Eglises reconnues par l'Etat.

En Valais, où sont reconnus les catholiques romains et les évangéliques réformés, ce sont les communes qui financent les frais de culte de ces Eglises. Elles ont la possibilité de le faire via un impôt ecclésiastique. Si seules trois communes appliquent à proprement parler ce droit, les autres noient cette contribution dans les autres prélèvements.

Dans le canton de Vaud, les frais de culte de l'Eglise évangélique réformée et de l'Eglise catholique romaine, «institutions de droit public dotées de la personnalité morale», sont entièrement à la charge de l'Etat (canton et communes). Mais aucun impôt ecclésiastique n'est perçu. Ce qui veut dire que ces sommes sont directement couvertes par impôts généraux.

Dans les cantons de Genève et Neuchâtel, il n'y a pas d'impôt ecclésiastique, l'Eglise et l'Etat étant séparés. Cela est dû au principe de laïcité adopté par ces deux cantons. Cependant, tous les bordereaux de paiement des impôts dans ces deux cantons comportent une ponction ecclésiastique que le contribuable est libre de payer ou non.

Qui doit payer?

Aucun canton n'oblige tous ses citoyens à payer un impôt ecclésiastique. Ce sont les personnes qui font officiellement partie des Eglises reconnues qui doivent y contribuer financièrement. Pour s'y soustraire, il faut sortir de l'Eglise reconnue dont on fait partie en adressant une demande au Conseil de paroisse de sa commune.

Dans les cantons de Fribourg et du Jura, une fois que la personne n'est officiellement plus membre de l'Eglise, la commune en est informée et la personne n'a plus à s'acquitter de ce tribut. En Valais, il faut envoyer chaque année une demande écrite de réduction d'impôt à sa commune, en indiquant ne pas – ou plus – faire partie de l’Eglise.

Dans le canton de Vaud, selon un document officiel de la Conférence suisse des impôts (CSI) datant de 2017, «les non-croyants et les personnes ayant déclaré sortir de l’Eglise peuvent déduire de leur bordereau d’impôt communal un certain pourcentage, correspondant à la quote-part que représentent les frais d’Eglise dans le budget de leur commune de domicile».

Sortir d'une Eglise implique de ne plus pouvoir y bénéficier d'une célébration, par exemple d'une messe de funérailles. Selon l'Institut suisse de sociologie pastorale (SPI), 31'772 personnes ont quitté l'Eglise catholique en Suisse en 2019. En 2018, c'était un quart de moins et, en 2017, déjà un quart de moins qu'en 2018. La tendance est analogue dans les Eglises protestantes (18% de départs en plus en 2019).

Et les entreprises?

En ce qui concerne l'imposition des sociétés, la situation est à nouveau différente selon les cantons.

A Genève et en Valais, les personnes morales ne paient pas d'impôts religieux. Dans les cantons du Jura et de Vaud, si. Dans le canton de Fribourg, la communauté israélite ne prélève rien aux personnes morales, au contraire des communautés chrétiennes.

Selon le rapport de la CSI déjà cité, l'assujettissement des personnes morales à l'impôt ecclésiastique «suscite encore et toujours un vif intérêt et engendre même parfois d’assez vives réactions».

A quoi sert l'argent et combien gagne un prêtre?

Les frais de culte couvrent un ou plusieurs des postes de dépenses suivants, selon les cantons:

  • L'entretien, la restauration, le chauffage et l'électricité des églises et autres bâtiments paroissiaux et diocésains.
  • Le salaire du prêtre, s'élevant en moyenne à 9000 francs par mois (source: le Lohnbuch, la bible des salaires suisses, 2019, sur la base du plus vaste échantillon de données disponibles de curés ou de pasteurs). La rémunération du personnel auxiliaire peut aussi être concernée.
  • Des missions au Tiers-Monde et des subsides à des organismes liés à l'Eglise.

Le cas des communautés non-chrétiennes

En Suisse romande, les Israélites ne sont reconnus officiellement que dans le canton de Fribourg, suivant l'exemple alémanique de Bâle-Ville et de Saint-Gall.

Quant aux musulmans, ils ne sont reconnus dans aucun canton romand. En Suisse, il y a bien un semblant d'association représentative, la Föderation Islamischer Gemeinshaften in der Schweiz, à Zurich, mais les difficultés et l'embarras demeurent pour les autorités face à l'absence de «clergé islamique».

Ces communautés non reconnues, à qui s'ajoutent des organisations bouddhistes, hindouistes ou autres, sont en principe financées directement par leurs membres.

Un vote à Neuchâtel

Le 26 septembre, Neuchâtel s'exprimera sur la reconnaissance des communautés religieuses par l'Etat. Le Grand conseil a accepté une loi en 2020 stipulant qu'il peut reconnaître à lui seul de nouvelles religions. La droite, auteur du référendum, estime que le peuple doit avoir le dernier mot.

Concrètement, si une communauté religieuse est reconnue par l'Etat de Neuchâtel, celui-ci peut récolter pour elle les contributions versées volontairement par ses membres. De plus, cette communauté est exonérée d'impôts et peut, en accord avec l'Etat, organiser des formations religieuses dans les écoles, en dehors des heures de cours.

Cette votation, qui s'invite dans un canton reconnaissant pour l'heure protestants, catholiques romains et catholiques chrétiens, relance ainsi la question de la relation entre l'Etat et les communautés religieuses avec des enjeux nouveaux. A commencer, très concrètement, par la place de l'islam dans la société et la question de savoir dans quelle mesure des affaires de foi justifient un investissement de l'Etat.

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