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Le financement des partis politiques doit-il être transparent? Débat

Duel Frédéric Borloz et Ada Marra
Les conseillers nationaux Frédéric Borloz (PLR/VD) et Ada Marra (PS/VD)Image: Keystone / montage watson
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Le financement des partis et campagnes politiques doit-il être transparent?

Faut-il contraindre les partis politiques à être transparents sur leur financement, notamment celui de leurs campagnes? Si oui, jusqu'où doit-on aller? Débat entre les parlementaires vaudois Ada Marra (PS) et Frédéric Borloz (PLR).
06.10.2021, 18:5307.10.2021, 10:31
Jonas Follonier
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Régulièrement, la Suisse est pointée du doigt par le Groupe d’Etats contre la corruption (Greco). Le motif des reproches? La Suisse est le seul pays d'Europe à ne pas connaître de loi exigeant que les partis ou comités de campagnes communique de manière transparente les détails de leur financement à partir d’un certain montant.

Une initiative populaire lancée par la gauche et déposée le 10 octobre 2017, intitulée «Pour plus de transparence dans le financement de la vie politique (initiative sur la transparence)», vise à changer cet état de fait. Elle demande entre autres à ce que les partis déclarent «le montant et l’origine de toutes les libéralités en argent ou en nature d’une valeur supérieure à 10 000 francs par an et par personne qu’ils ont reçues». Idem pour les montants engagés par un candidat pour son élection s'ils dépassent les 100 000 francs.

Cette initiative a accouché d'un compromis adopté par les chambres fédérales, qui fixe un montant à partir duquel les libéralités, dons et soutiens doivent être annoncés publiquement. Ce seuil est fixé à 15 000 francs, soit 5000 de plus que ce que demande l'initiative sur la transparence.

Pour débattre à partir de ce contre-projet indirect, watson accueille les conseillers nationaux Ada Marra (PS) et Frédéric Borloz (PLR). Tous deux représentent à Berne le Canton de Vaud, où une loi vient d'être adoptée pour plus de transparence dans le financement des votations et élections, un élan déjà en marche dans d'autres cantons romands.

1. La Suisse est le seul pays européen à ne pas avoir légiféré sur la transparence du financement des campagnes politiques. Etait-il temps de changer la donne?

Ada Marra (PS): La Suisse était très en retard sur le sujet. Mais face à la pression d’une initiative populaire, le Parlement a adopté en mars 2021 une loi sur la transparence: elle concerne les budgets des partis et le financement des votations et des élections. C’est un plus pour notre démocratie. Les citoyens ont le droit de connaître qui soutient qui.
Frédéric Borloz: Il y a toujours eu une relation de confiance entre les partis et la population. Ce lien était fondé sur les moyens de communication de l’époque. Au jour du numérique, un niveau de transparence supérieur est nécessaire. Or, il ne doit pas s’arrêter au seul mouvement d’argent, mais à toutes les contributions, pour autant qu’elles soient d’une importance significative.

2. La culture helvétique voudrait qu'une certaine discrétion soit respectée sur les sensibilités partisanes des uns et des autres. Faut-il en tenir compte dans les discussions politiques sur le financement des campagnes?

Ada Marra: La culture helvétique change puisqu’au moins 7 cantons pratiquent maintenant une transparence en la matière, parfois avec une votation populaire et une majorité des votants qui a accepté ce changement de paradigme: on passe du secret à la transparence. Dans tous ces projets, il ne s’agit pas d’interdire les financements, mais bien de mettre en lumière quel parti défend quels intérêts. A l’électeur de faire son choix.
Frédéric Borloz (PLR): Oui, absolument. Mais tout est question de proportionnalité. A chaque campagne que j’ai menée, des gens m’ont soutenu alors qu’ils n’étaient pas de la même obédience politique que moi. Ici un coup de main pour une pose d’affiche, là un petit don. La démocratie gagne-t-elle quoi que ce soit en obligeant à publier ce genre de soutien? En revanche, si un seul sponsor payait à lui seul ma campagne, ce serait une tout autre question.

3. Le Grand Conseil vaudois vient d'accepter une loi de compromis pour que soient communiqués tous les dons de plus de 5000 francs pour une campagne de votation. Une transparence totale, c'est irréaliste?

Ada Marra: Pour l’instant, les majorités politiques ne semblent pas prêtes. Mais de ce qui est de la pratique des cantons, il n’est pas exclu d’envisager qu’ils s’alignent dans le futur aux minima contenus dans la législation nationale. Ainsi, le canton de Vaud devra légiférer sur les budgets de partis et les élections.
Frédéric Borloz: A mon avis, la proportion que représente un don ou un soutien en nature par rapport au coût total d’une campagne est bien plus important qu’une limite arbitraire. Concernant le canton de Vaud, j’aurais apprécié qu'il s’inspire pour une fois des débats nationaux, afin de préserver une certaine unité de doctrine.

4. Le PLR et l'UDC ne sont pas les partis les plus transparents sur leur budget. Comment l'expliquez-vous et est-ce que vous pensez que ça joue un rôle dans leur crédibilité?

Ada Marra: Les deux ne le sont pas pour des raisons différentes. L’UDC probablement car elle doit maintenir son image de parti populaire défendant le peuple, alors que dans les faits son financement et la défense des intérêts sont ceux des personnes les plus fortunées de notre pays. Le PLR, quant à lui, a un lien très fort avec les milieux économiques qui eux ont vraiment un problème avec la transparence.
Frédéric Borloz: Je conteste cette idée. Du moins en ce qui concerne le PLR, je peux vous assurer en tant qu'ancien président de parti cantonal qu'il a toujours été attentif à communiquer des chiffres les plus précis possibles lors des assemblées de délégués. Le parti compte plusieurs sources de revenus entre les cotisations des élus et des membres, les abonnements à notre journal et les dons. La proportion de ces derniers n’est pas significative.

5. Quelle que soit la législation sur la question, les entreprises et les particuliers ne trouveront-ils pas toujours le moyen de répartir leurs dons sous divers noms?

Ada Marra: Le risque zéro n’existe dans aucun domaine. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas mettre de cadre et changer de paradigme.
Frédéric Borloz: Si tout le monde est traité de la même manière, l’application ne posera aucun problème. Il s’agira de préciser les directives d’application et de communication.
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