Les trous qu'il forme dans le sol sont partout, dans presque tous les jardins suisses. Quand le beau temps et la chaleur reviennent au printemps, le Stewi réapparaît telle une fleur. Il suffit de tirer fort sur la corde centrale, de vite rentrer la tête, de faire quelques pas en arrière, et l'invention suisse se tend de toutes ses tiges, prête à recevoir le linge fraîchement lavé.
Le Stewi est à la Suisse ce que les cordes à linge des ruelles sont à l'Italie. Impensable de s'en passer. Et pourtant, après 77 ans, l'entreprise annonce fermer ses ateliers de production à la fin du mois de septembre. Elle n'existera plus à la fin de l'année. «Je n'ai plus envie», explique le directeur Lorenz Fäh. «C'est devenu trop fatigant sans le partenaire commercial Stephan Ebnöther, malade depuis longtemps.»
Il n'a pas été possible de trouver un successeur, mais selon Lornez Fäh, des négociations sont en cours pour que les produits de la marque Stewi continuent d'être fabriqués ailleurs.
Une chose est sûre: pas en Suisse. Le directeur estime que ce n'est plus possible avec l'augmentation des coûts des matières premières de 40 à 80%. «C'est le marché qui décide.» Aux pressions sur les prix venant de toutes parts se sont ajoutées les séquelles de la pandémie de Covid. Dix-neuf employés sont concernés, y compris la direction.
Le statut culte de Stewi n'a pas suffi à maintenir l'entreprise à flot. Il est pourtant rare qu'une marque soit immédiatement identifiée à un objet – comme pour Kleenex ou Tupperware. En Suisse, on a connu cela avec Natel (pour les téléphones portables) et Zyliss (une râpe à fromage avec tambour et manivelle). Le nom du fabricant d'ustensiles de cuisine Zyliss et celui de Stewi proviennent d'ailleurs tous deux du site géographique et du nom du propriétaire: Karl Zysset a fondé l'entreprise à Lyss, et Walter Steiner la sienne à Winterthour.
Mais ni le Natel ni le Zyliss ne sont aussi représentatifs de l'ordre et de la bienséance suisses que le Stewi: on suspend les grands draps aux longues et hautes ficelles extérieures et les sous-vêtements aux courtes, situées à l'intérieur – c'est une question de bon sens. Aujourd'hui encore, un ménage suisse digne de ce nom ne ferait jamais l'inverse – du moins dans le champ de vision des voisins.
En outre, chaque ménage a souvent un régime d'étendage strict: dans un foyer de quatre, chacun a son côté, de sorte que le linge est étendu selon l'armoire à laquelle il est destiné – efficace. Celui qui ne maîtrise pas cette méthodologie se voit généralement attribuer le balayage des escaliers de la cave ou le ramassage des bacs à compost. En revanche, il est permis de déroger à l'ordre d'étendage lorsque l'orage éclate. Et malheur à ceux qui étendent leur linge le dimanche. C'est interdit par la loi en Suisse.
Au vu de tout ce qui précède, on peut comprendre que de plus en plus de ménages se dotent d'un sèche-linge.
Il y a aussi la manipulation délicate des pinces à linge qui tombent tout le temps par terre. Ou encore les chemisiers en soie que le vent dépose sur le pommier.
Mais nous ne voulons pas le dénigrer, le Stewi reste un objet fascinant. Tirez encore une fois sur la ficelle et le Stewi s'élance – attention aux doigts! – avec un bruit de glissement et se replie en une tige peu encombrante.
Une femme au foyer, dont le Stewi a servi pendant près de 30 ans à suspendre le linge d'une famille de six personnes, confie:
A l'époque, elle avait immédiatement acheté l'étendoir pliable. Mais aujourd'hui, elle ne s'en sert plus.
Va-t-il disparaître peu à peu des jardins suisses? Pour la raison que de plus en plus de gens vivent dans des appartements sans jardin et pour cette autre raison que les célibataires, dont le nombre est en hausse, n'ont pas besoin d'un support aussi grand? La disparition du Stewi créerait un vide, un manque dans notre identité suisse.
Que peut-on dire d'autre sur le Stewi? Peut-être encore qu'il ne fonctionne pas très bien comme tourniquet pour les enfants. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé. (aargauerzeitung.ch)
(Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder)