L’affront ne restera pas sans réponse. «Ejaculate», la performance artistique à forte charge idéologique, samedi en la cathédrale de Lausanne, dans le cadre du Festival de la Cité, a fait bondir des membres éminents de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). Comment l’institution protestante, financée par l’impôt cantonal, a-t-elle pu se laisser berner? S’est-elle trop investie ces dernières années dans des engagements sociétaux de type LGBTQIA+?
Des questions qui seront abordées à la rentrée par le Conseil synodal, le gouvernement collégial de l’EERV. L’arrivée en son sein, le 1er septembre, de l’ancien conseiller d’Etat libéral-radical Philippe Leuba n’est pas sans lien avec ce qui s’annonce comme un recadrage en règle. «Il va y avoir du grabuge», prédit une élue PLR, irritée par le spectacle présenté samedi dernier dans ladite cathédrale par la chorale Hot Bodies Choir, à l’initiative de l’artiste français «non binaire» Gérald Kurdian. Ce dernier revendique une approche «révolutionnaire» de la sexualité.
C’est le média Le Peuple, critique envers le wokisme, qui a mis le feu au carnotzet en révélant le contenu sexuellement «chaud», et explicitement à gauche, de la performance de cette chorale. Laquelle avait été programmée par la direction du Festival de la Cité, avec l’accord formel de la Commission d’utilisation de la cathédrale (CUT). «La pasteure en charge de l’animation cultuelle du lieu et un représentant de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud désigné par le Conseil synodal» en font partie, rappelle le quotidien 24 Heures.
Précision: la CUT n'était pas au courant des textes qui font scandale, écrits après qu’elle eut accordé son blanc-seing. Mais il n’est de toute manière pas dans son habitude de vérifier en amont les contenus des spectacles accueillis par la cathédrale lors du Festival de la Cité.
Deux aspects du travail de Hot Bodies Choir ont choqué, étant donné les lieux, y compris parmi le public ayant assisté ce soir-là à la représentation: un chant à la gloire de l’éjaculation, avec force détails, ainsi qu’un passage politique s’en prenant, pêle-mêle, aux «bourgeois», aux «flics», aux «assurances». Tout cela rappellera aux plus anciens le vent libertaire incarné dans les années 60 aux Etats-Unis et en Europe, par le Living Theatre. Sauf que cela se déroulait dans la rue.
La présidente du PLR vaudois, Florence Bettschart-Narbel, élue au Grand Conseil, interpellera le Conseil d’Etat à la rentrée. Jointe par watson, elle déclare:
La cheffe du PLR cantonal dénonce «le double langage pas mal véhiculé par des milieux liés à la gauche». Interrogée par 24 Heures, la directrice du Festival de la Cité, Martine Chalverat, se dit «navrée si des sensibilités ont pu être heurtées, bien que rien dans ce spectacle n’appelait au blasphème», mais relève que «les messages de tolérance, d’ouverture et d’inclusivité portés par le travail de Gérald Kurdian sont proches de ceux que véhiculent les Églises». Serait-ce là un exemple du double langage dénoncé par Florence Bettschart-Narbel?
Contacté par watson, l’ex-conseiller d’Etat PLR Philippe Leuba, futur membre du Conseil synodal, l’affirme:
Philippe Leuba ajoute: «Le problème n’est donc pas l’œuvre en elle-même, mais sa présentation dans un lieu sacré. Qu’on le veuille ou non!» Ce que confirme la présidente du Conseil d'Etat vaudois, la PLR Christelle Luisier Brodard, interrogée par Blick.
Le spectacle controversé donné dans la cathédrale de Lausanne témoignerait d’une inclination toujours plus marquée de l’Eglise protestante vaudoise pour les questions sociétales et la thématique LGBTQIA+ en particulier. Une évolution qui a ses partisans, mais aussi ses opposants.
Philippe Leuba tient à faire la part des choses. «Notre Église est universaliste, par là même ouverte et accueillante, quelle que soit l’orientation politique ou sexuelle des fidèles. La loi civile reconnaît les mariages entre personnes de même sexe. L’Eglise réformée a accepté de bénir ces unions.»
Dans un éditorial, le rédacteur en chef du Peuple, Raphaël Pomey, aimerait que le Parti socialiste donne son avis sur le spectacle de samedi dernier, comme l’a fait le PLR, en l’occurrence sur un ton réprobateur.
Romain Pilloud, le président du PS vaudois, s’exécute si l’on peut dire:
Toute proportion gardée, le spectacle polémique de la cathédrale de Lausanne présente, par ses aspects sulfureux, des points communs avec l’«appel au lynchage» d’Emmanuel Macron par la chanteuse française Izïa Higelin, le 6 juillet, sur une scène de la Côte d’Azur. Une performance qui a suscité un tollé et l’ouverture d’une enquête pour «provocation publique à commettre un crime ou un délit».
La conjoncture politique est tendue, certes davantage en France qu’en Suisse. Il n’en reste pas moins que ces prestations, financées tout ou partie avec l’argent du contribuable, pourraient se payer cash dans les urnes.