Il faut avouer qu'en ce moment, le travail de la ministre de la Justice Elisabeth Baume-Schneider n'est pas aisé. Du côté de l'Italie, le rapatriement des réfugiés coince. Le Conseil des Etats a rejeté cette semaine l'installation de containers d'asile.
Et le Parlement ne cesse de mettre la conseillère fédérale socialiste sous pression en déposant de nouvelles interventions en matière de politique migratoire. Il semble, en effet, que certains, dans les partis bourgeois, se soient fixé comme cible la ministre de la migration pour la prochaine campagne électorale.
Dans ce contexte, il s'est avéré plus qu'opportun pour la Jurassienne que les ministres de l'Intérieur de l'UE soient parvenus, après de longues négociations lors de leur réunion à Luxembourg, à une percée importante dans le dossier de l'asile. Car cela fait plus de sept ans que les Etats membres de l'UE se battent pour réviser leur système d'asile commun.
L'obstacle le plus important a donc été franchi, juste à temps pour la session spéciale sur l'asile initiée par l'UDC et qui aura lieu la semaine prochaine. Pour Baume-Schneider, cela signifie qu'elle obtiendra à temps les arguments décisifs lui permettant de répondre aux attaques et reproches auxquels elle s'attend.
La pièce maîtresse de la restructuration de l'asile devrait être une procédure d'asile rapide et simplifiée aux frontières extérieures de l'UE. A l'avenir, les personnes ayant peu de chances d'obtenir l'asile en raison de leur origine et d'un faible taux de reconnaissance seront soumises à une procédure express et recevront une décision définitive après seulement trois mois. Si cette dernière est négative, l'expulsion devrait être rapidement mise en œuvre.
Pour la Suisse, cette nouveauté devrait avoir des conséquences concrètes. Les passages clandestins et les déplacements irréguliers deviendraient moins fréquents, ce qui réduirait la pression migratoire sur la Suisse. La question cruciale est de savoir si la solution esquissée sur le papier fonctionnera dans la réalité.
Les pays du Sud dans lesquels les demandeurs d'asile arrivent en premier exigent des aides substantielles pour la grande tâche que représentent les procédures frontalières, ainsi qu'une juste répartition des responsabilités et de la solidarité. Cette solidarité pourrait consister, par exemple, en une répartition fixe entre les autres Etats membres de l'UE des personnes ayant droit à l'asile, ou en une compensation financière. On a récemment évoqué une somme de 20 000 euros par demandeur d'asile.
Il est clair que la réforme du système européen de migration conduira à un durcissement massif du droit d'asile. Cela peut plaire à l'UDC. Mais est-ce que la conseillère fédérale socialiste et son parti considèrent cela comme un succès? Après tout, même les enfants et les familles peuvent être détenus dans les centres frontaliers pendant qu'ils passent par la procédure accélérée. C'est quelque chose qui est particulièrement critiqué par l'Allemagne par exemple.
Elisabeth Baume-Schneider a souligné qu'il était important pour la Suisse de trouver un équilibre entre solidarité et responsabilité. Selon elle, les nouvelles procédures accélérées aux frontières sont «intéressantes», mais il est hors de question de jouer avec les droits fondamentaux et le respect du droit.
Il y a un point qui a ralenti les négociations jusqu'à maintenant: la possibilité d'expulsion vers des pays tiers. C'est le sens d'une motion adoptée cette semaine par le Conseil national qui réclame que les Erythréens, dont la demande a été rejetée, soient expulsés vers des pays tiers sûrs contre le versement d'une somme d'argent si un renvoi vers leur pays d'origine n'est pas possible.
L'UE a déjà conclu un accord similaire avec la Turquie depuis 2016. Il a également été question de ce que l'on appelle le «modèle rwandais», en référence à un accord migratoire controversé entre le Royaume-Uni et ce pays africain.
Au niveau de l'UE, de tels accords migratoires avec des pays tiers restent controversés. Le gouvernement allemand, et les Verts en particulier, craignent que cela n'ouvre la porte à des deals sordides. Mais dans l'ensemble, la pression pour un accord était trop forte jeudi. La question de l'asile n'est pas seulement un sujet hautement explosif en Suisse, mais dans tous les Etats de l'UE, que l'on ne pouvait plus repousser plus longtemps à plus tard. (aargauerzeitung.ch)
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci