Le nombre d'homicides, en Suisse, est deux fois plus élevé que la cinquantaine de cas recensés par les statistiques annuelles, explique Christian Jackowski à la NZZ am Sonntag. Selon le directeur de l'Institut de médecine légale de l'Université de Berne, l'homicide parfait est plus fréquent qu'on ne le pense.
En d'autres termes:
C'est trop, estime le monde politique. La commission juridique du Conseil des Etats a décidé, il y a une semaine, d'approfondir la question, rapporte la NZZ am Sonntag. Pour ce faire, elle demande au Conseil fédéral un rapport, celui-ci doit:
Un politicien s'est déjà penché sur la problématique: Daniel Jositsch, conseiller aux Etats socialiste zurichois et professeur de droit pénal. C'est également lui qui a initié la demande de clarification. En collaboration avec Jackowski et le médecin légiste saint-gallois Roland Hausmann, il a examiné des études sur les crimes mortels en Allemagne. L'objectif? Déterminer combien de décès ont d'abord été jugés naturels avant qu'ils ne s'avèrent être des crimes.
Ils ont interprété les résultats pour la Suisse et sont arrivés à la conclusion suivante:
Le nombre élevé de cas non déclarés s'explique probablement par le processus en trois étapes qui permet de déterminer le type de décès: le constat du décès, l'inspection du corps et l'autopsie. Ce sont les deux premiers points qui posent problème, selon les analyses des trois hommes.
Tout commence par le médecin qui constate la mort. Celui-ci procède à un examen du corps et établit le certificat de décès. Il doit choisir:
C'est là que réside la première partie du problème, selon Christian Jackowski. Souvent, l'examen du corps n'est pas effectué avec suffisamment de soin.
Même si tout cela est fait correctement, des homicides peuvent passer inaperçus. Dès que les médecins considèrent un décès comme exceptionnel, celui-ci est transmis à l'autorité de poursuite pénale.
L'étape suivante (quand le corps est transmis à l'autorité de poursuite pénale) consiste en une inspection dite légale. Celle-ci ne comprend, toutefois, que l'examen extérieur du corps. Ce n'est que si elle révèle des indices que d'autres examens – comme l'autopsie du corps – sont ordonnés. On arrive ainsi à la troisième et dernière étape du processus.
Mais selon Jackowki, on n'en arrive que rarement là, car tous les crimes ne sont pas reconnaissables par simple observation du corps. Et, le code de procédure pénale ne tient pas compte de ces cas. Si rien n'indique extérieurement un crime, les médecins légistes doivent souvent terminer leur travail sans que l'on sache exactement ce qui s'est passé. Il peut s'agir:
Les meurtres par empoisonnement, asphyxie ou noyade sont ceux qui passent souvent entre les mailles du filet, car ils ne sont pas toujours reconnaissables de l'extérieur.
La Société suisse de médecine légale reconnaît le problème et s'engage pour une adaptation du code de procédure pénale. Daniel Eisenhart, médecin légiste en chef du canton d'Argovie et membre du comité de la société, a déclaré à la NZZ am Sonntag:
Que peut-on y faire? L'avocat zurichois André Wernli s'est penché sur cette question dans le cadre de sa thèse de doctorat. Sa conclusion: les obstacles juridiques à la poursuite des examens médicaux devraient être abaissés. Cela signifie que chaque fois qu'une mort naturelle ne peut raisonnablement pas être exclue, une inspection légale doit être ordonnée.
La voie que suivra le monde politique à l'endroit de cette problématique reste encore ouverte. Dans un premier temps, le Conseil fédéral doit simplement faire la lumière sur la question. (saw/jah)