C'est certain, tous les yeux et caméras seront rivés sur Roger Federer s'il venait, cette année encore, en visite à Wimbledon, comme il l’a fait les années précédentes.
Avec ses huit couronnes, le Bâlois reste le joueur le plus titré en simple sur le gazon londonien. Son ancien rival Novak Djokovic – qui dispute son 3e tour ce samedi contre son compatriote Miomir Kecmanovic – tente une nouvelle fois de devenir le co-recordman. Le Serbe compte actuellement sept victoires.
Voilà près de trois ans que Federer a mis un terme à sa carrière. Son dernier match à Wimbledon remonte à presque exactement quatre ans, le 7 juillet 2021, lorsqu’il s’était incliné en trois sets face au Polonais Hubert Hurkacz en quart de finale. L'homme aux vingt titres du Grand Chelem avait même perdu la dernière manche 6-0.
Depuis septembre 2022, Roger Federer semble savourer sa retraite. Il a récemment confié vouloir rejouer davantage au tennis, notamment pour s'aligner lors d'exhibitions. Mais les tournois, la pression, les voyages et surtout la charge physique ne lui manquent pas du tout.
Ses admirateurs, eux, regrettent beaucoup le Bâlois. Pour certains, la fin de sa carrière a même marqué la fin d’un chapitre de leur vie.
D’autres se sont inquiétés de l’avenir du tennis, une fois ses anciens rivaux eux aussi retirés. Rafael Nadal et Andy Murray ont franchi ce cap l’an dernier. Du glorieux quatuor, le «Big 4», seul Novak Djokovic est toujours sur le circuit. Pour combien de temps encore?
Mais on peut d’ores et déjà affirmer une chose: le tennis se porte à merveille. Il se porte même mieux que jamais!
Les tournois du Grand Chelem battent des records d’affluence. Le dernier Open d’Australie a attiré 1,2 million de spectateurs. En 2019, dernière participation de Federer, ils n’étaient que 800 000. L’US Open a dépassé pour la première fois le million de visiteurs l’an dernier – soit un tiers de plus qu’il y a six ans, lors du dernier passage du Bâlois à New York. Roland-Garros et Wimbledon ont également vu leur fréquentation progresser, quoique plus modestement.
Les revenus des quatre tournois majeurs sont également en hausse, passant de 1,2 milliard de francs suisses en 2019 à 1,6 milliard en 2024.
Même les audiences TV, pourtant globalement en recul, restent remarquablement stables. Plus de deux milliards de personnes, dans 200 pays, suivent les matchs. En France, 5,5 millions de téléspectateurs ont regardé la finale hommes de Roland-Garros 2025 entre Carlos Alcaraz et Jannik Sinner. C’est autant que pour la dernière des quatre finales parisiennes entre Nadal et Federer, il y a quatorze ans.
Quant à la finale de Wimbledon ayant enregistré la meilleure audience sur la BBC britannique, elle s’est également disputée sans Roger Federer. C'était en 1980, quand 17,3 millions de téléspectateurs étaient devant leur poste pour regarder Björn Borg battre John McEnroe. A titre de comparaison, ils étaient 16,9 millions en 2012 à suivre la victoire de Federer sur Andy Murray.
Il va de soi qu’une finale impliquant un joueur britannique attire toujours davantage de public. En 2023, lorsque Carlos Alcaraz a battu Novak Djokovic, l’audience a atteint un niveau inédit depuis le deuxième sacre de Murray en 2016 – soit davantage encore qu’en 2019, lorsque Federer avait perdu contre Djokovic après avoir manqué deux balles de match.
Le tennis professionnel semble ainsi parfaitement capable de se renouveler. Tous les tournois du Grand Chelem ont parfois vu, depuis la retraite de Federer, leurs audiences en streaming plus que tripler. Il en va de même pour les accès via les réseaux sociaux, particulièrement prisés par les jeunes.
Les tournois du Grand Chelem cartonnent dans toutes les situations, ce qui n’est pas le cas des tournois plus modestes, comme les Swiss Indoors de Bâle. Ces derniers dépendent beaucoup plus du succès des joueurs locaux. Dans le pire des cas, ils disparaissent du calendrier – un phénomène qui reste toutefois rare et isolé.
Même l’organisation professionnelle masculine, l’ATP, est bien préparée pour l’avenir. En 2023, son chiffre d’affaires s’est élevé à 260 millions de francs suisses, soit près de 50 % de plus qu’en 2021. Il pourrait dépasser les 300 millions en 2025. L’une des raisons est un partenariat stratégique sur plusieurs années conclu fin 2024 avec l’Arabie saoudite. Jusqu’à 9 milliards (!) pourraient être injectés dans le tennis masculin via le fonds souverain PIF.
D’après une étude, quelque 100 millions de personnes ont joué au tennis en 2024 – un record absolu. Les Etats-Unis arrivent en tête avec 23,8 millions de pratiquants. Au Royaume-Uni, plus d’un habitant sur dix s’empare régulièrement d'une raquette. Lors de la dernière évaluation en 2019, ils n’étaient encore «que» 84 millions dans le monde.
Le potentiel est loin d’être épuisé. Les marchés à forte croissance sont les pays très peuplés comme la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Indonésie. À eux quatre, ils rassemblent 3,4 milliards d’habitants – soit plus d’un tiers de la population mondiale.
Roger Federer a remporté des succès pendant des décennies. Par son jeu et son charisme, il a fasciné des millions de personnes à travers le monde. Mais le tennis – et ça ne peut sans doute que réjouir le Bâlois, qui est avant tout un amoureux de ce sport – continue d’écrire sa propre histoire sans lui. Aujourd’hui et demain. À Wimbledon aussi.
Adaptation en français: Yoann Graber