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Femmes et AVS

AVS 21: «Face à la retraite, je suis dans une forme de déni»

AVS: «Je n'ai pas les moyens de cotiser à un troisième pilier»
Trois Romandes se sont confiées à watson avant la votation du 25 septembre sur la réforme de l'AVS. Deuxième épisode: Mélina Schröter, 43 ans. image: dr
Femmes et AVS

«Face à la retraite, je suis dans une forme de déni»

Elles ont 27, 43 et 63 ans. Trois Romandes se sont confiées à watson avant la votation du 25 septembre sur la réforme de l'AVS. Deuxième épisode: Mélina Schröter, 43 ans, secrétaire syndicale, séparée, mère d'une fille en Valais.
30.08.2022, 12:1425.09.2022, 17:44
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Pensez-vous que les femmes ont un rapport particulier à la retraite?
Melina Schröter: C’est ce que la réalité nous montre. Il y a dans la société des inégalités économiques lorsqu’on est une femme, et la retraite en fait partie. C’est factuel. Les chiffres des rentes des femmes le montrent.

Cette inégalité hommes-femmes, l’avez-vous observée dans votre propre famille?

Oui. Je pense à la génération de ma maman et bien sûr à celle d’avant encore. Il y a dans ma famille des femmes qui, mères au foyer, n’ont pas exercé d’activités professionnelles. Certaines se sont retrouvées dans des situations précaires, de fait de séparations d’avec leur conjoint. Elles n’avaient versé aucune ou que très peu de cotisations vieillesse.

«Il y a eu des temps de travail partiels pour pouvoir élever les enfants. Donc, oui, c’est une inégalité que j’ai observée autour de moi»

A partir de quand avez-vous commencé à songer à votre retraite?
C’est assez récent et c’est paradoxal, car je suis plutôt consciente du problème de l’âge de la retraite des femmes, pour lequel je lutte depuis longtemps. C’est l’arrivée dans la quarantaine, le fait me retrouver à une vingtaine d’années de la fin de ma carrière professionnelle, qui font que j'y pense. Même si je fais partie des gens privilégiés, comparé à des femmes qui risquent d’arriver à la retraite dans des états de santé peu enviables après avoir exercé des métiers pénibles, je me rends compte que je serai confrontée à des défauts de prévoyance. Je commence à m’en inquiéter. Ce qui ne m’empêche pas de maintenir une forme de déni.

Angoissée par cette retraite qui se profile?
Oui.

Quand avez-vous commencé à cotiser pour l’AVS?
Aux alentours de 25, 26 ans, après mes études universitaires.

Avez-vous déjà estimé ce que vous percevrez comme retraitée?

«Non, pas du tout. Le seul calcul que j’ai fait pour l’instant, c’est de voir si j’étais en mesure de me constituer un troisième pilier. Et dans ma situation, c’est quelque chose qui n’est pas possible»

De quoi nourrir cette angoisse…
Oui, tout à fait.

Etes-vous pour ou contre le rehaussement à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes?
Absolument contre, définitivement contre.

Pourtant, en travaillant un an de plus, ce serait une manière de cotiser plus longtemps et d’avoir ainsi une retraite un peu plus étoffée, non?

«Ce que vous dites, c’est un argument que j’ai lu pas plus tard que ce matin (réd: jeudi 18 août) dans un courrier des lecteurs, sous la plume d’un élu vert’libéral, dont le nom s’est effacé de ma mémoire et c’est très bien comme ça. Il disait que cette mesure des 65 ans pour les femmes était féministe, qu’en travaillant plus longtemps, elles cotiseraient plus longtemps. J’ai failli tomber de ma chaise.»
Melina Schöter

Vous n’êtes pas d’accord?
Ce que les femmes demandent, et à haute voix, il me semble, depuis très longtemps, c’est de pouvoir cotiser correctement pendant leur activité professionnelle et non pas de travailler plus longtemps pour vivoter un peu moins mal à compter d’une année de plus de travail. Je suis donc contre la retraite à 65 ans pour les femmes.

Pour les hommes aussi?
Pour les hommes aussi. Ce que je trouve assez faux dans le débat actuel, c’est qu’on essaie d’opposer les hommes et les femmes, en disant que ce qui est en jeu c’est la retraite des femmes. Or, ce n’est pas du tout une question de femmes.

Pourquoi?

Parce que, tant que la variable d’ajustement de l’AVS sera l’âge de la retraite, après l’avoir portée à 65 ans pour les femmes, ce sera 66, puis 67 pour tout le monde, les hommes comme les femmes.

«C’est pour ça que je ne comprends pas que les hommes ne voient pas que c’est là un verrou qui va sauter. On ne pourra plus revenir en arrière»

A propos de la vie professionnelle des femmes, que voulez-vous dire par «cotiser correctement»?
Cela veut dire qu’on sait très bien que les femmes subissent des inégalités salariales pendant toute leur carrière, que l’accès aux fonctions dirigeantes, qui sont les mieux payées, est pour elles compliqué, que ce sont elles qui font, encore, le principal des tâches domestiques, que ce soit avec les enfants, mais aussi avec les anciens, des tâches dévalorisées dans ce dernier cas et en grande partie dévolues aux femmes.

Sauf qu’une femme qui commencerait à travailler à 22 ans dans une entreprise horlogère, par exemple, qui n’aurait pas d’enfant au cours de sa vie, toucherait aujourd’hui le même montant qu’un homme à sa retraite.
On est bien d’accord, à situation parfaitement égale. Mais cette femme, même sans enfant, même en travaillant à temps plein, a statistiquement moins de chances de devenir cheffe d’atelier. Il faut bien voir que la moitié des inégalités salariales en Suisse sont à l’heure actuelle inexpliquées, sinon par le genre.

Avez-vous pensé à vous exiler lorsque vous aurez atteint l’âge de la retraite? A partir vivre dans un pays moins cher que la Suisse?

«Je trouve extrêmement triste d’y être obligé parce qu’on n’a pas les moyens de passer sa retraite dans son pays, et de devoir ainsi quitter famille, petits-enfants et amis. J’espère ne pas me trouver devant ce choix-là à l’âge de la retraite»

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