
Fabienne Fischer, conseillère d'Etat, s'exprime sur les avancées du dossier Uber.Image: KEYSTONE
Le département de l'économie genevois va examiner la proposition d'Uber concernant les indemnités dues à ses chauffeurs. La firme californienne obtient donc un sursis de quelques semaines.
14.10.2022, 11:5514.10.2022, 17:24
Le compte à rebours touchait bientôt à sa fin. En effet, Uber avait jusqu'à samedi 15 octobre (oui, demain) pour appliquer la décision du Tribunal Fédéral du 3 juin 2022 qui stipule que ses chauffeurs doivent avoir le statut de salariés. Mais le département de l'économie et de l'emploi genevois laisse un sursis à la firme californienne, le temps d'étudier la proposition d'Uber concernant les arriérés des cotisations sociales de ses chauffeurs.
«Il n’est désormais plus question ni d’accord, ni de négociation entre partenaires sociaux, mais de contrôle de l’autorité de surveillance»
Département de l'économie et de l'emploi, Etat de Genève
Uber VS Etat de Genève, les origines de la saga
Le bras de fer entre Uber et l'Etat de Genève a été initié par Mauro Poggia, conseiller d'Etat alors en charge de l'emploi de 2013 à 2019.
Février 2019: Mauro Poggia déclare lors d'une interview qu'il sifflait «la fin de la récréation» pour les entreprises qui fonctionnent sur le même modèle économique qu'Uber. Cette attaque en règle va lancer le début des hostilités entre Genève et la firme californienne.
Novembre 2019: Genève prononce une interdiction d'activité à l'encontre d'Uber, raison évoquée: le non-respect de la loi cantonale sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur.
Décembre 2020: La Chambre administrative de la Cour de justice de Genève tranche sur le fond et considère que les chauffeurs Uber doivent être traités comme des employés et non comme des partenaires ou des indépendants. Uber doit alors se mettre en conformité avec le droit du travail. La réaction de la société californienne ne se fait pas attendre, elle fait recours contre la décision auprès du Tribunal fédéral.
3 juin 2022: la plus haute cour du pays tranche en faveur de la Cour de justice de l'Etat de Genève en considérant que les chauffeurs Uber sont bel et bien des employés et non des indépendants.
Les autorités genevoises expliquent qu'elles vont examiner la proposition d'Uber du point de vue du droit public, en s'attachant à la déclaration aux assurances sociales et au respect du salaire minimum légal durant la période concernée.
En clair, il s’agit ici de calculer la différence entre les montants dus et les montants perçus, et de déterminer si les mesures annoncées par l’employeur permettent ou non de la couvrir. Ces calculs, très complexes, requièrent d’estimer notamment la durée du travail et les frais professionnels.
Département de l'économie et de l'emploi, Etat de Genève
«La prochaine décision marquera la fin d'une étape dans cette saga»
Esther Mamarbachi, secrétaire générale adjointe du département de l'emploi et de l'économie
En effet, c'est aux autorités genevoises de statuer aujourd'hui sur la légalité de la proposition d'Uber faite mercredi 12 octobre. Et si l'Etat de Genève est satisfait des propositions d'Uber, les syndicats peuvent-ils toutefois le contester? A cette question, le département de l'économie affirme:
«La décision administrative qui émanera du Service de l'inspection du travail ne peut être contestée que par les parties concernées, soit Uber, uniquement»
Esther Mamarbachi, secrétaire générale adjointe du département de l'emploi et de l'économie
Les syndicats n'ont donc plus de rôle à jouer dans cette étape.
Refus de signer l'accord
Le sursis octroyé à l'entreprise californienne est le dernier épisode du feuilleton qui lie Uber à l'Etat de Genève. En effet, le 5 octobre dernier, les syndicats ont annoncé l'échec des négociations avec l'entreprise de VTC. Selon le Syndicat interprofessionnel des travailleurs (SIT), Uber prévoyait le versement de 15,4 millions de francs d'arriérés pour les cotisations sociales de ses chauffeurs sur la période allant de janvier 2017 à juin 2022, à celui-ci s'ajoute un montant de 4,6 millions en tant que complément d'indemnisation.
«Cette proposition n'était pas à la hauteur. S'y ajoute le fait que les frais représentent la moitié de leur revenu»
Luc Ferrière, cosecrétaire général du SIT
En gros, la somme proposée par l'entreprise californienne est largement en dessous des indemnités attendues par les chauffeurs. Avec la prise en compte du temps d'attente à 28 francs l'heure, les syndicats arrivent à 46 millions, selon l'avocate Caroline Renold d'Unia. Du côté du département de l'économie, on ne cache pas le caractère complexe du dossier Uber et on rappelle que le canton du bout du lac fait office de pionnière en exigeant la mise en conformité d'Uber. (cr/ats)
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