Le sommet Biden-Poutine fait tourner les têtes. Au point d’en oublier la liberté d’expression et de manifestation, ces droits fondamentaux? C’est l’avis de beaucoup au bout du lac après l’interdiction la semaine dernière des rassemblements à proximité de la rencontre et de tout cortège en ville.
La décision du Conseil d’Etat a fait l’effet d’un petit séisme alors que Genève est déjà particulièrement crispée (et enjouée) par l’arrivée de ces deux grands du monde.
Lundi, trois partis politiques de gauche (Parti socialiste, Les Verts et Ensemble à gauche) ont écrit au Conseil d’Etat pour dénoncer ces interdictions.
«La sécurité primerait sur la démocratie ce qui est particulièrement grave […]. Cela constitue une négation de plusieurs droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et de réunion, desquels découle le droit de manifester», écrivent ces partis qui, fun fact, sont majoritaires à l’Exécutif du canton depuis quelques mois.
«Ce qui est d’autant plus choquant», soupire Yann Woodcock, membre du comité de la Coordination genevoise pour le droit de manifester. Il rappelle que la liberté de manifester est reconnue dans plusieurs textes fondamentaux:
Dès lors, en interdisant le déplacement d’une manifestation critique envers le sommet de Genève prévue mercredi soir, le «le gouvernement a violé le principe de proportionnalité», dénonce-t-il.
Contacté, le canton de Genève se défend avec véhémence. «L’interdiction des cortèges, c’est pour d’évidentes raisons sécuritaires. Nous ne pouvons pas autoriser des manifestations qui se déplacent, car cela mettrait en danger les participants eux-mêmes», développe Laurent Paoliello, directeur de la communication du département de la sécurité.
Surtout qu’à Genève, plus de 95% des quelque 1500 agents de police du canton sont mobilisés pour le sommet. Or, assurer la sécurité d’un cortège demande une importante organisation et une logistique importante.
Le communicant l’assure: des alternatives comme la plaine de Plainpalais ont été proposées pour garantir le respect des droits fondamentaux. «Dès lors, les organisateurs avaient le choix. Si leur manifestation est annulée, c’est simplement parce qu’ils n'ont pas accepté de se réunir ailleurs».
Selon nos calculs, en plus de la manifestation de mercredi, au moins quatre autres rassemblements ont été priés de se tenir sur la plaine de Plainpalais au lien de la place des Nations, traditionnelle lieu de lutte sociale à Genève:
«C’est une insulte», s’insurge Thomas Vachetta, l’un des organisateurs de la manifestation de mercredi soir et membre du mouvement SolidaritéS. Pour lui, cette grande place au centre de Genève, s’apparente à une «réserve indienne»: elle est loin des dirigeants, loin des caméras et loin des yeux et des regards du monde entier.
Reste la question des potentielles violences: la tenue de réunion non autorisée n’est pas exclue, ce qui pourrait générer des débordements. Et le canton ne nie pas une certaine crainte. Raison pour laquelle il lance un appel à la raison et espère qu’aucune manifestation sauvage n’ait lieu.