L'homme, un ancien gardien du camp nazi de Sachsenhausen en Allemagne, sera jugé en octobre prochain pour complicité de meurtre sur plus de 3 500 personnes entre 1942 et 1945. Il serait notamment impliqué dans «la fusillade de prisonniers de guerre soviétiques en 1942» ou la mort de plusieurs détenus «par l’utilisation du gaz toxique Zyklon B» rapporte Le Temps.
Mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de le juger? Et est-ce que cela vaut encore la peine 76 ans plus tard? On a posé ces questions à Christian Ingrao, historien français, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’histoire du nazisme et de la violence de guerre.
Selon Christian Ingrao, c’est lié au mécanisme juridique. Dans les années 50, la justice allemande a commencé à s’intéresser de manière systématique aux crimes nationaux et elle a décidé de le faire en adoptant une ligne juridique qui évitait la question de la rétroactivité.
En 1937, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou le génocide sont des concepts qui n’existent pas encore. Aujourd'hui, les seules accusations possibles pour ces crimes sont le meurtre ou la complicité de meurtre. Et celles-ci demandent énormément de preuves.
D’après Christian Ingrao, même si on connaît parfaitement les coupables, on n’a pas forcément de preuves pour les incriminer et mettre en place un procès. C’est donc un travail minutieux que la justice allemande fait depuis des années, avec des enquêtes qui pour la plupart n’aboutissent pas.
L'homme poursuivi aujourd'hui en Allemagne occupait un échelon ultra subalterne : Il n’était donc pas une cible durant les premières décennies, précise Christian Ingrao.
Si on prend une approche strictement financière absolument pas, car d'après Christian Ingrao, on va dépenser des centaines de milliers d'euros pour condamner un centenaire.
Par contre, d'une point de vue symbolique, cela compte énormément. Christian Ingrao souligne que ce jugement a un intérêt politique, civique et pédagogique. Ces grands procès sont en fait un prétexte et représentent une obligation morale de se souvenir d'un événement historique tragique pour faire en sorte que cela ne se reproduise pas.
D'après Christian Ingrao, ce jugement apporte non seulement une médiatisation de l'évènement mais rappelle surtout que l’impunité n’existe pas et que ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité seront jugés, tôt ou tard.
D’après Christian Ingrao, environ une demi-douzaine de procédures sont en cours que ce soit en Allemagne, en France ou en Italie. Ces pays ont choisi de donner à ces crimes et à leurs sanctions une chronologie qui n'est pas celle de la vie humaine, c'est pourquoi 60 ans plus tard, les accusations peuvent retomber.