«Une loi qui n'a rien de révolutionnaire.» Lundi soir, quand Patrick Cohen décapsule son édito dans l'émission C à vous, on prend (un peu) peur. Le célèbre journaliste français aurait-il une dent contre les pays qui font un effort politique pour la planète? Il enchaîne sur le même ton: «Une loi sans interdiction, sans taxe, ni impôt supplémentaire». Aïe. Mais encore?
On croit rêver. Certes, Patrick Cohen n'est pas l'homme de média le plus à gauche de la gauche, mais on ne l'imaginait pas capable de gâcher quatre minutes d'une émission française archi populaire, pour se moquer du geste écolo des voisins.
Un débat et un vote «passionnant», qu'il balance ensuite comme pour poncer son introduction aiguisée. Cette Suisse «très attachée à son mode de vie», mais aussi «particulièrement touchée par le changement climatique». En gros, on aime bien se vautrer dans notre petit confort inestimable, mais nos glaciers fondent et le «réchauffement des Alpes augmente deux fois plus vite que la moyenne mondiale.»
Magnéto! Patrick Cohen prend soudain appui sur l'émission du 6 juin de Forum, de la RTS, pour stabiliser son propos.
D'un côté, la Verte genevoise Lisa Mazzone. De l'autre, Pierre-André Page, ménestrel de l'UDC, ce «parti populiste» qui minimise l'impact «de la petite Suisse» pour freiner le réchauffement climatique «à l'échelle mondiale», en brandissant «tous les arguments qui font peur». Une «musique bien connue», précise le journaliste, qui fait référence aux fainéants climatiques de son propre pays. Puis, enfin, la première conclusion balaie le sarcasme (volontaire) de son début d'édito.
Nous voilà (presque) rassuré. Un doute subsiste encore: si cette loi climat «n'a rien de révolutionnaire», où la star des ondes et du petit écran veut-elle en venir? A la France, pardi.
C'est vrai qu'on imagine mal une émission française se priver de retourner le miroir contre elle, après avoir braqué sa loupe à l'étranger. Surtout, entre les lignes, Patrick Cohen dit que la Suisse avance. Certes, lentement, mais plus franchement que chez lui. C'est là qu'il s'engouffre soudain dans un tunnel made in Switzerland et empoigne soudain un livre d'Histoire, pour taper sur le crâne de ses compatriotes.
«Septembre quatre-vingt douze, les Suisses approuvent à plus de 63% le projet NLFA», pour nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes. Le verbe du journaliste devient extatique, il veut marquer le coup et réveiller le téléspectateur en plein dîner. Coucou le Lötschberg et le Gotthard! Patrick Cohen aligne les kilomètres et les milliards pour expliquer que notre pays a finalement réussi à déménager le fret de la route, au rail. Il sort même un graphique pour que tous les Français comprennent bien que les Suisses sont des gens super.
Pardon (encore une fois) mais, en quel honneur? C'est simple, l'actualité bouillante, en France. Malin, Patrick Cohen n'a même pas évoqué l'affaire dans sa chronique: en ce moment, des écologistes (mais pas que) grognent contre un chantier qui ressemble comme deux rails à notre Gotthard: la Transalpine. Une voie ferrée longue de 200km, pour laquelle il faudra creuser un tunnel de 50km, qui facilitera le transport de fret par train entre... la France et l’Italie.
Sans juger le fond du débat sur le tunnel français, pour Patrick Cohen lundi soir, ce fut un joli strike rhétorique et un twist étonnant.
Petit bonus, juste pour rire: ce week-end, le PLR Philippe Nantermod avait justement profité de la guerre autour de la Transalpine, pour tacler ses ennemis préférés.
Si, dimanche, la Suisse a fait un petit pas pour le climat, certains n'ont manifestement pas l'intention de changer d'itinéraire.
Les leçons du référendum Suisse sur le climat : décryptage dans l'édito de #PatrickCohen ⬇️#CàVous pic.twitter.com/MeO7NgJrHk
— C à vous (@cavousf5) June 19, 2023