A les écouter, la Suisse est le plus beau pays du monde et ses habitants sont aussi polis que gentils. Et si leurs propos sont sans doute sincères, impossible de ne pas se souvenir que ceux qui les prononcent ne sont pas tout à fait libres de leurs mots. Les huit jeunes migrants que watson a pu rencontrer sont, pour la plupart, dans l'attente d'obtenir le sésame leur permettant de rester en Suisse. Dans ces conditions, difficile de dire du mal de son pays d'accueil:
Rahel, 19 ans, est le parfait exemple de cette volonté de ne pas fauter: «J'aime la Suisse parce que c'est très calme et que j'ai la possibilité d'y étudier. Ce n'est pas la même culture que chez moi, mais c'est à nous de nous adapter et de respecter votre culture», confie timidement celle qui est venue seule d'Erythrée, alors qu'elle était encore adolescente.
Au moment de décrire son périple, elle ne lâche qu'un mot: «difficile». Fabhad ne se montre pas beaucoup plus bavard sur son parcours. «Il y avait des dangers», se contente de glisser le jeune Afghan. A 14 ans, il a traversé l'Europe tout seul, avant de débarquer en Suisse.
Un pays dont il avait entendu parler sur les réseaux sociaux et qui l'a attiré pour son respect des règles. «On m'a dit, en Suisse tout dépend de toi. Si tu travailles bien, tu gagneras bien.» De son côté, Omid a appris les 26 cantons et la capitale helvétique sur YouTube. Il faut dire que le jeune homme ne connaissait rien à la Suisse en quittant l'Afghanistan, à 16 ans, avec sa maman.
Séparé d'elle en Grèce, il a poursuivi seul, traversant des moments difficiles dans plusieurs pays, avant de finalement rallier la Suisse. «Ici, on m'a tout de suite bien accueilli, on m'a donné à manger, un lit, une brosse à dent, une couverture», se souvient celui qui effectue désormais un apprentissage dans le domaine de la santé et rêve de devenir infirmier.
Venue du Sri Lanka, Nilakshana a, elle aussi, été séparée de ses parents en cours de route. Elle ne s'est pas retrouvée seule pour autant: «On est arrivés en Suisse avec mon petit frère et ma petite sœur. On était des enfants au milieu des adultes. Tout le monde se demandait ce qu'on faisait là.» De ses premiers pas dans le canton de Vaud, elle se souvient du foyer d'accueil et de sa peur de la police et des bagarres.
Aujourd'hui, elle vit dans en foyer à Lausanne, alors que son frère et sa sœur sont placés dans une famille d'accueil à Yverdon. Heureusement, après sept mois sans nouvelles de ses parents, elle a réussi à les retrouver grâce aux réseaux sociaux et les appelle désormais régulièrement: «ils aimeraient nous rejoindre ici.»
C'est accompagné de ses parents qu'Omar s'est installé en Suisse à 14 ans. Pourtant, l'acclimatation a aussi été compliquée. «Au début, ce n'était vraiment pas facile. Je n'avais pas d'ami, je ne parlais pas la langue, je voulais retourner en Irak», se souvient l'apprenti coiffeur. Trois ans plus tard, cela a bien changé: «La Suisse, c'est ma vie, c'est vraiment génial. Je fais les choses comme si j'avais grandi ici.»
Alors, même si ses parents ont déjà reçu plusieurs réponses négatives de la part de la Confédération, le jeune homme garde espoir de pouvoir rester. «C'est un peu bizarre cette situation, on n'est jamais vraiment tranquilles. J'essaie de ne pas y penser, mais je sais que ma mère stresse beaucoup à cause de ça», confie-t-il.
Et même en attendant que la décision tombe, son statut a déjà un impact sur son quotidien. «Je n'ai pas de carte d'identité, mais un papier blanc (réd: un document provisoire). Donc parfois c'est un peu triste, mes amis peuvent faire des choses que je ne peux pas, comme aller au fitness, par exemple.»
Du haut de ses 23 ans, Nabila est l'aînée du groupe. Si la jeune Afghane décrit son pays d'accueil comme un «endroit paradisiaque» où elle se sent en sécurité, elle fait preuve d'un certain recul et reconnaît que tout n'est pas si rose. «L'administration, par exemple, c'est trop compliqué, on ne comprend jamais comment ça fonctionne pour obtenir les bons papiers. Parfois, je trouve ça un peu injuste.»
La manière dont sa date de naissance a été fixée l'interroge également. «Comme je n'avais pas de papiers, j'ai eu droit à un examen médical pour déterminer mon âge. J'avais 17 ans, ils ont dit que j'en avais 20. Cela a été vraiment dur à accepter. En quelques minutes, j'ai pris trois ans.»
Elle raconte aussi avoir eu une mauvaise expérience avec le premier Helvète auquel elle a adressé la parole. «Mais je préfère ne pas prendre en compte ces quelques cas isolés. Je sais que de manière générale les Suisses sont vraiment gentils, qu'ils ne sont pas racistes.»
Nabila confie d'ailleurs que le risque d'être renvoyée en Afghanistan l'inquiète en permanence. «Ce serait un cauchemar pour moi. La situation est vraiment trop dangereuse pour vivre et je n'arrive pas à accepter le système très strict pour les femmes.»
Malgré cette incertitude, la jeune femme a la ferme volonté d'aller de l'avant. «Si je dois repartir, il faut que je parte avec quelque chose. Le mieux, c'est donc de profiter de toutes les possibilités que nous offre la Suisse», explique celle qui s'apprête à commencer un apprentissage dans le domaine informatique.
Aujourd'hui, Nabila assure que les nombreuses personnes et cultures rencontrées tout au long de son parcours l'ont enrichie. Elle pose d'ailleurs un regard philosophique sur notre pays: