Il y avait près de 10 000 personnes à Lausanne ce lundi 14 juin 2021. En ce jour historique de la Grève des femmes, tous et surtout toutes ont crié leur colère, leur révolte et leur indignation. Les voix ont scandé des slogans et autres messages coup-de-poing notamment contre les inégalités hommes-femmes.
Parmi celles-ci, de nombreuses manifestantes sont apparues décidées, révolues et... seins nus. Défiant alors les convenances miroir d'une société qui, selon elles, doit changer.
Mais pourquoi le revendiquer en dévoilant sa poitrine? Lise, 21 ans, a marché topless dans les rues de Lausanne lundi et a accepté de répondre à nos questions. Son maître-mot: «déconstruction».
Lise: La question est surtout de savoir pourquoi les hommes ont le droit de montrer leur torse et les femmes non. Depuis le plus jeune âge, on apprend aux filles à cacher leur corps qui est sexualisé malgré elles. On leur apprend que le téton doit être caché, comme s'il n'était pas joli.
On nous impose des diktats que nous n'avons pas choisis. Pour moi, montrer mes seins, de mon plein gré, c'est une manière de me réapproprier ce corps et de déconstruire les diktats qui l'entourent.
D'une certaine manière, oui. Car si personne ne le fait, comment entamer ces déconstructions? A partir du moment où des femmes n'osent pas montrer leurs seins, c'est déjà la preuve que le combat doit avoir lieu.
Je n'ai pas toujours manifesté seins nus. À vrai dire, c'est même la première fois. L'année passée, j'ai participé à la Grève des femmes à Sion en étant habillée et seules deux ou trois femmes y étaient avec le haut du corps dénudé. C'est en grandissant, en m'informant, et en côtoyant d'autres milieux sociaux que j'ai pu me réapproprier mon corps. J'ai dû entamer un processus pour comprendre tout ce fonctionnement et pourquoi cet acte était nécessaire.
Le faire durant une manifestation comme celle du lundi 14 juin a une portée profondément politique. Ça permet à tout un groupe de porter de manière plus étendue un message fort qui cherche à déconstruire les diktats.
Voir autant de femmes nues, ça aide vraiment à se rendre compte à quel point tant de personnes luttent ensemble contre la sexualisation de leur corps. On veut juste être libres, sans craindre de se faire mater par des regards imposants ni risquer des amendes d'ordre. Ce qui pourtant est encore d'actualité lorsqu'on est seins nus. On a pris le risque lors de la Grève des femmes. Tout ça, ce n'est pas normal.
Personnellement, je suis pour la libération totale du corps, tant chez les femmes que chez les hommes. D'autres personnes, comme moi, seraient également d'accord de manifester complètement nues. Mais il y a une raison toute particulière si c'est précisément mes seins que je montre.
Elle est liée aux différences de traitement entre les hommes et les femmes lorsqu'il s'agit de cette partie du corps. Chez une partie de l'humanité, le torse totalement nu ne pose aucun souci pendant que chez l'autre, c'est tout un problème.
Je leur demanderais pourquoi cela les dérange tant de voir des seins dehors, alors même qu'ils en voient probablement dans leurs relations intimes, à la plage et même dans l'art.
Pour moi, ce sont des gens qui ne comprennent pas le mouvement. Et c'est notamment pour ce genre de personnes qu'il est important de maintenir ces manifestations. Il faut continuer à déconstruire toutes les idées qu'il y a autour du corps féminin.