«Ils se sont piégés eux-mêmes», réagit Mohamed Hamdaoui, élu centriste au conseil de ville de Bienne, engagé dans la lutte contre l’islamisme. «Ils»? Ceux qui voulaient accueillir le prédicateur germano-grec Abu Alia al-Yunani à la mosquée albanaise Zemzem de Bienne. Sous surveillance des services de renseignements allemands, ce salafiste radical devait y prononcer une conférence samedi 30 mars à 18 heures. Il s’en est fallu de peu qu’il y parvienne.
A force de publicité, l’information est remontée jusqu’à l'Office fédéral de la police (Fedpol). Avant cela, un flyer distribué dans le chef-lieu seelandais annonçant la venue du prêcheur n’était pas passé inaperçu. Le prédicateur lui-même avait posté un message – depuis effacé – sur son compte Instagram, où il disait sa satisfaction de se rendre à Bienne. Message relayé et dénoncé sur X par une journaliste indépendante, spécialiste de l’extrême droite et des théories du complot. A la suite de quoi, le 29, nos confrères du 20 Minutes alémanique écrivaient un article signalant la venue de l’extrémiste germano-grec dans la ville horlogère.
Wir dürfen vor den radikal salafistischen Gruppen nicht die Augen verschliessen!
— Lotta Maier (@maier_lotta) March 28, 2024
Sie sind antisemitisch, homophob und demokratiefeindlich! pic.twitter.com/ft0rbgD70k
Mise au parfum, la police cantonale bernoise demandait à Fedpol de prononcer une interdiction d’entrer sur le territoire suisse à l’encontre d’Abu Alia, de son vrai nom Efstathios T., un converti à l'islam. Fedpol accédait à la requête bernoise, comme l’indiquait dimanche l’édition alémanique de Blick, reprise le lendemain sur le site en français.
Tout semble s’être passé à la dernière minute. L’interdiction d’entrer en Suisse, une prérogative de Fedpol, aurait été édictée samedi seulement, le jour où le salafiste devait prononcer sa conférence. Etant déjà présent à Bienne, ce dernier aurait été intercepté par la police dans cette ville-même, avant le rendez-vous de 18 heures à la mosquée. Il a été reconduit à la frontière allemande.
Qui avait lancé l'invitation à Abu Alia? Selon Blick, les responsables de la mosquée Zemzem, après avoir pris connaissance de l'article de 20 Minutes, ne souhaitaient plus que leur futur hôte allemand fasse sa conférence.
Abu Alia est connu comme le loup blanc en Rhénanie du Nord Westphalie, où il a ses attaches. Jointe par watson, la Suisso-Tunisienne Saïda Keller-Messahli, spécialiste des mouvements islamistes, constate:
Et c'est à Duisbourg, justement, que le même Abou Alia devait donner une conférence le 9 février dernier. Là aussi, l’événement a été interdit au dernier moment. Pareil six jours plus tôt à Minden, non loin de Hanovre. Citée par le média en ligne allemand Der Westen, une enseignante allemande alerte contre l’«endoctrinement fanatique» d’élèves via une galaxie d’influenceurs dont les prédicateurs salafistes font partie.
Dans son dernier rapport, Fedpol indiquait avoir prononcé en 2022 un total de 19 interdictions d'entrée à l'encontre d'islamistes. Fin janvier, Blick révélait que l’islamiste australien Mohamed Hoblos, connu pour ses prêches virulents, avait été arrêté à l’aéroport de Zurich avant de pouvoir se produire en Suisse. Ces prédicateurs salafistes surfent sur la vague rigoriste en vogue dans une partie de la jeunesse musulmane et séduisent également des non-musulmans qui viennent ainsi à l’islam.
Le Biennois Mohamed Hamdaoui avait été contacté par la RTS pour un sujet sur la conférence empêchée du salafiste germano-suisse. «Finalement, il n’y a pas eu de sujet, en tout cas pas pour l’instant. C’est un peu dommage, je trouve, alors qu’il y avait eu, à juste titre, un sujet début mars sur l’interruption par la police d’une conférence donnée par un Autrichien d’extrême droite dans le canton d’Argovie. L’extrême droite islamiste n’est pas moins dangereuse que l’extrême droite remigrationniste.»