L’Université de Lausanne (Unil) compte une nouvelle association: Palestine. Elle a été inaugurée mercredi 24 avril, en présence d’environ 200 personnes dans un auditoire de l’Anthropole, le bâtiment des sciences humaines. Mais il y a un problème: le nom qu’elle s’est donné et sous lequel elle apparaît dans sa communication, «Unil Palestine», ne correspond pas à celui sous lequel elle a été enregistrée par les instances universitaires.
Sa dénomination statutaire est «Palestine». Ses membres, qui seraient une cinquantaine, lui ont ajouté «Unil», y voyant sans doute un intérêt. Si bien que tout un chacun peut être amené à considérer que la parole de cette association est celle de l’Université de Lausanne, voire du canton de Vaud, l’organe de tutelle de l’alma mater lausannoise.
Joint par watson, le secrétaire général de l’Unil, Marc de Perrot, réagit à ce qui pourrait être interprété comme une usurpation:
Sur son compte Instagram, elle apparaissait jeudi après-midi sous le nom d’Unil Palestine. Un compte partagé avec celui de Lausanne-Palestine, un groupe très présent dans les manifestations pro-palestiniennes depuis le massacre du Hamas, le 7 octobre dans le Sud d’Israël, et la réplique meurtrière d’Israël à Gaza.
Lausanne-Palestine et Unil Palestine forment-ils à présent une seule et même entité? Unil Palestine est-elle appelée à remplacer Lausanne-Palestine? Nous avons cherché à le savoir auprès de la nouvelle association universitaire en la joignant à son adresse e-mail. Pas de réponse à cette heure. Mais un problème, là encore: le mot «unil» apparaît aussi dans l'adresse du courrier électronique. «Nous demandons à ce qu’il en soit également enlevé», insiste Marc de Perrot.
«Nous sommes la première association étudiante [palestinienne] en Suisse», a déclaré une responsable de l’association, mercredi, devant un auditoire visiblement bien rempli, tel qu’on peut s'en apercevoir dans un extrait vidéo publié sur Instagram. La même personne affirme que les activités de l’association seront organisées autour de deux axes: l’un, culturel, l’autre, éducatif.
Le secrétariat général de l’Unil a la haute main sur les 140 structures associatives du campus lausannois. C’est lui qui accorde ou refuse le label associatif.
Les démarches en vue de la création de l'association Palestine ont commencé en janvier. Marc de Perrot:
Dans l’extrait Instagram évoqué plus haut, la responsable de l’association nouvellement créée entend justement œuvrer dans un cadre de «dialogue». Mais autour de quoi? Depuis le 7 octobre, les pro-palestiniens n’ont qu’un souhait: voir Israël disparaître sous sa forme actuelle, au profit, disent-ils, d’un Etat démocratique juif et arabe, dans la Palestine de 1948.
Cette vision est celle, par exemple, de Joseph Daher, qui exerce comme «professeur invité» à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Unil. C’est vers lui que s’est tournée l’association Palestine, cherchant manifestement en lui une caution.
Dans une lettre adressée au secrétaire général Marc de Perrot et dont watson a obtenu copie, un groupe de citoyens suisses juifs et non juifs s’inquiète de la présence de Joseph Daher aux côtés de l’association Palestine.
Et les signataires de la lettre de conclure: «Ceci étant, s’il s’avère que, désormais, les associations à but politique sont admises à l’Unil, l’association Unil-Israël devra également voir le jour, tout prochainement.»
Dans sa réponse, dont nous avons également eu copie, le secrétaire général Marc de Perrot aborde le «cas» Joseph Daher:
Face aux inquiétudes du groupe de citoyens juifs et non juifs signataires de la lettre envoyée au secrétaire général, celui-ci répond: «Nous ne savons pas si les participants (de l'association Palestine) seront amenés à débattre, mais nous relevons que la première manifestation organisée par l’association il y a quelques semaines était précisément un débat structuré entre étudiants israéliens ou juifs et étudiants palestiniens.»
Quant à la création d’une association d'«étudiants israéliens», en réponse à celle qui mentionne «Unil Palestine» sur le logo de son Instagram, le secrétaire général n’y voit pas d’inconvénient: «Nous serions heureux d’en accueillir une (…) si la demande nous en était faite de manière conforme à nos conditions.»
Chez les adversaires de l'association Palestine, on ne décolère pas face à l'attitude des autorités universitaires:
Au mois de mai, c’est sur le terrain académique que la question israélo-palestinienne rebondira à l’Université de Lausanne, lors de deux cours ouverts au public, les 2 et 23 mai: «La genèse d’un conflit» (le 2), «Israël-Palestine: deux sociétés en crise» (le 23). Comme un symbole d’entente par-delà les divergences de points de vue, on y écoutera, à chacune des deux dates, les professeurs Wissam Halawi et Jacques Ehrenferund, titulaires, respectivement, de la chaire d’histoire de l’islam et des mondes musulmans, et de la chaire d’histoire des Juifs et du judaïsme. Tous deux sont rattachés à la faculté de théologie de l’Unil.
Au moment de la parution de cet article ni l'association Palestine, ni Joseph Daher n'avaient répondu à nos sollicitations envoyées par e-mail.