«Si tu ne lâches pas, je fais avec toi grand problème, fils de p...»
Les rapports entre avocat et client sont généralement empreints de confiance et de cordialité. L'un confie son destin à l'autre, qui se bat pour le faire acquitter ou amoindrir la peine encourue. Autant dire que c'est rarissime qu'un avocat dépose une plainte pénale contre la personne qu'il est censé défendre. Le cas s'est produit avec Taher*, un prévenu palestinien de 48 ans, et son défenseur commis d'office. Jugée en première instance, l'affaire (qui comprend également des vols en série dont sont accusés Taher et un acolyte) a été traitée par le Tribunal cantonal (TC) vaudois. Dans un arrêt publié la semaine passée, le TC est revenu sur les faits.
Poursuivi notamment pour vol par métier, Taher s'était montré très insatisfait par les prestations de son avocat. Après avoir refusé de le voir à deux reprises, le détenu a verbalisé par écrit son mécontentement. En août 2020, depuis sa cellule de la Croisée à Orbe (VD), il a envoyé une lettre d'une violence à doucher l'ardeur du plus irréductible des avocats.
Insultes et menaces
Vindicatif et rédigé dans un français très peu académique, le courrier est un concentré de menaces et d'insultes.
En octobre 2020, l'avocat a déposé plainte pour injure et menaces.
Coupable de contrainte
En mars 2021, après avoir reçu les excuses de Taher, l'avocat a retiré sa plainte. Mais le Tribunal a rappelé que «se rend coupable de contrainte, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte».
Poursuivi notamment pour contrainte, Taher affirme que sa lettre litigieuse doit être replacée dans son contexte. Selon lui, l'avocat s’accrochait au mandat alors que le rapport de confiance était rompu. Son but était donc de faire comprendre au mandataire qu’il ne voulait plus de lui. Selon Taher, l'avocat n’a jamais prétendu avoir craint un passage à l’acte. Mais pour la justice, il y a de sérieux risques que ce délinquant endurci, déjà condamné en Belgique, en France et en Suisse, s’en prenne à l'intégrité physique de l'homme de loi. Les juges ont donc retenu que l'infraction de contrainte avait été réalisée. Mais ce n'est là qu'un des multiples volets de la saga de Taher.
*Prénom d'emprunt
En décembre 2018, il a été condamné par le Tribunal de Lausanne à un an de prison avec sursis de 5 ans pour vol par métier et en bande, entrée illégale, séjour illégal... En 2019, il a récidivé à moult reprises. En février, un complice et lui ont dérobé, dans un restaurant lausannois, un sac à dos contenant trois passeports, un porte-monnaie avec deux cartes de crédit, un Ebook, un ordinateur portable Apple MacBook Pro, une tablette tactile Samsung Galaxy noire, ainsi que 400 francs et 1000 euros.
Les images de vidéosurveillance montrent que seulement onze minutes se sont écoulées entre leur entrée et leur sortie du restaurant où ils ont prétendu avoir mangé. Les deux voleurs et colocataires ont également effectué des visites diurnes dans plusieurs appartements. Pour vérifier que les lieux étaient déserts, ils sonnaient aux portes. En cas de non-réponse, ils arrachaient les cylindres avant de s'emparer de tout ce qui leur tombait sous la main: sacs à main Chanel, Gucci, montres et vêtements de marque, smartphones, ordinateurs, bijoux en or, matériel informatique, cash... Les deux voleurs expérimentés laissaient leurs téléphones chez eux lorsqu'ils commettaient leurs forfaits.
Mais tout a une fin. En janvier 2020, le duo a été interpellé lors d'une tentative de vol dans un appartement à Lausanne. La police a retrouvé dans l'appartement des malfaiteurs un iPhone 6 dérobé en décembre 2019 dans un véhicule à Noville (VD). Le Tribunal cantonal a diminué la peine à 30 mois de prison car la responsabilité de Taher n'a pas pu être établie pour un des vols dont il était accusé. Mais le TC a confirmé l'interdiction de séjour à vie du prévenu en Suisse. Avocate ayant pris le relais de son confrère menacé, Me Véronique Fontana annonce un recours au Tribunal fédéral. «Pour la plupart des vols imputés à mon client, il n'y a ni traces ADN ni empreintes», a soutenu l'avocate.
