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À l’Uni de Genève, la liberté attaquée par des activistes LGBTIQ+

Uni Bastions, à Genève, où la conférence de mardi devait se tenir.
Uni Bastions, à Genève, où la conférence de mardi devait se tenir.image: shutterstock

A l’Uni de Genève, la liberté attaquée par des activistes radicaux

Mardi soir, des activistes LGBTIQ+ ont empêché avec violence la tenue d'une conférence dans l'enceinte de l'Université de Genève. Une plainte pénale a été déposée. Spécialiste de ces questions, la journaliste Peggy Sastre juge sévèrement ces actes militants.
19.05.2022, 06:0019.05.2022, 11:22
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L’invité aspergé d’eau, ses notes déchirées, son livre jeté dans la salle. Eric Marty, professeur à l’Université de Paris, se souviendra de sa venue à l’Université de Genève (Unige). Mardi soir, rapporte notre confrère Le Temps, des activistes LGBTIQ+ ont fait irruption dans la salle où l’hôte, venu de France, s’apprêtait à donner une conférence sur son livre, «Le sexe des modernes» (éditions Le Seuil), à l’invitation du Département de français moderne. «Ton bouquin c’est de la merde, on ne l’a pas lu», ont scandé les intrus, une vingtaine, plus nombreux que l’assistance présente pour écouter le conférencier.

Contacté mercredi soir par watson, le rectorat de l’Unige annonce qu’il va «déposer plainte contre inconnus» suite à cette intrusion. Les étudiants de l’Université de Genève qui y auraient participé s’exposent à une «exclusion».

C’est la deuxième fois en moins de trois semaines qu’une conférence se tenant dans l’enceinte de l’Université de Genève est bâillonnée. Par la même mouvance, celle des LGBTIQ+, peut-être une dissidence. Le 29 avril, la rencontre, annoncée et finalement empêchée, portait sur la médicalisation précoce des enfants trans. Les psychanalystes Caroline Eliacheff et Céline Masson devaient présenter au public leur ouvrage, «La Fabrique de l’enfant-transgenre» (éditions de L’Observatoire), jugé «transphobe» par les agitateurs LGBTIQ+, tout comme «Le sexe des modernes» du conférencier malmené mardi soir, en date de la Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie.

L'épreuve de force

On pourra voir dans cette dernière action une possible réponse de ces activistes aux propos tenus la veille dans Le Temps par le recteur de l’Université de Genève, Yves Flückiger, qui déplorait une liberté d’expression en danger au sein de l’institution qu’il dirige. Auquel cas, l’épreuve de force serait engagée.

«Ils me font penser aux fascistes des années 20-30»

«Pour ce genre d’activistes, tout est rapport de force», note la journaliste et essayiste française Peggy Sastre, qui s’intéresse au genre «sous un angle biologique». L’auteure de «La haine orpheline» (éditions Anne Carrière) a étudié ces profils militants:

«C’est sciemment qu’ils ne passent pas par le débat et qu’ils rejettent la raison, dans laquelle ils voient un instrument pour justifier la domination des Blancs, des mâles, etc. Ils me font penser aux fascistes des années 20 et 30, qui faisaient irruption avec fracas dans des assemblées. On ne discute pas, on détruit: tel était leur mode d’action.»

Cette radicalité est désormais mise au service de combats contre le «racisme», l’«islamophobie» ou encore le «patriarcat». En empêchant la tenue de réunions publiques, ils participent de la «cancel culture», cette culture de l’annulation dirigée contre des œuvres, des individus, des conférences ou même des représentations théâtrales.

Intimidations en France

En janvier 2018, des étudiants parisiens avaient ainsi demandé l’annulation de la représentation de la pièce de Charb, «Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes». Charb, le dessinateur de Charlie Hebdo, assassiné avec d’autres de ses camarades par un commando islamiste en janvier 2015. La pièce, qu’ils taxaient d’«islamophobe», avait finalement pu être jouée à l’endroit prévu, une université parisienne, mais sous protection policière.

En octobre 2019, à l’Université de Bordeaux, les censeurs avaient réussi leur coup en obtenant l’annulation de la venue de la philosophe Sylviane Agacinski, l’épouse de l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin. Elle devait y donner une conférence intitulée «L'être humain à l'époque de sa reproductibilité technique». Sylviane Agacinski, qualifiée d’«homophobe» en raison de son opposition à la gestation pour autrui (GPA), ainsi qu’à la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, n’était pas la bienvenue aux yeux de ses détracteurs.

Le but? «Avoir l'hégémonie culturelle»

En empêchant ou en perturbant des conférences, ces militants défenseurs de causes cherchent à «intimider», à «effrayer», à provoquer la «sidération», à alimenter l'«autocensure», estime Peggy Sastre. Dans quel but? «Pour avoir ou pour conserver ce qu’on appelle l’hégémonie culturelle, en l’occurrence à l’université», poursuit l’essayiste.

«Ils attaquent de préférence les ventres mous, les facs qui passent pour plus laxistes face à ce type d’activisme»
Peggy Sastre

L’Université de Genève est-elle laxiste? Le 26 mai 2021, la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s, l’association faîtière des étudiants et étudiantes de l’Université de Genève, en préparation de la Grève des femmes, avait tenu une assemblée en «mixité choisie» excluant les «hommes cisgenres» (les hommes se sentant à l’aise dans leur «genre assigné à la naissance»). Ce faisant, la CUAE faisait preuve de discrimination, en contradiction avec le principe d’universalité qu’elle est censée servir. Le rectorat s’était contenté de désapprouver cette initiative, affirmant que, légalement, il ne pouvait contraindre l’association universitaire d’y renoncer, ni la sanctionner après coup.

Soutien du syndicat étudiant aux activistes LGBTIQ+

La CUAE, citée par Le Temps, a apporté son soutien aux activistes de mardi soir: «Nous regrettons que l’Université organise des conférences relayant un discours transphobe, et regrettons également que cela soit aux étudiants de les empêcher.»

«L’Uni a une grande part de responsabilité dans ces dérives gauchistes»

Membre du comité directeur du Parti libéral-radical genevois, Mohamed Atiek, joint par watson, estime que «l’Unige a une grande part de responsabilité dans ces dérives en donnant un poids trop important à des structures étudiantes gauchistes». Il y a bien eu un syndicat étudiant libéral à l’Unige, mais il n’a pas fait long feu. «Il s’agissait d’apporter une alternative au syndicat de gauche», se souvient Mohamed Atiek, conscient de l’échec de cette tentative. Le PLR genevois a twitté son soutien à l’Unige suite à l’action mardi soir de militants LGBTIQ+:

Le rectorat: «C'est inacceptable»

Le rectorat juge cette attaque inacceptable. «Nous ne pouvons tolérer de tels comportements contre la liberté académique et nous tenons à faire le distinguo entre la lutte contre la transphobie, à laquelle l’Université de Genève s’associe, et les éléments activistes de mardi soir», réagit Marco Cattaneo, directeur de la communication de l’UNIGE. Nous avons essayé de joindre, sans y parvenir, la Fédération genevoise des associations LGBT pour avoir sa réaction.

La communauté LGBT+ réjouie à Genève
Video: watson
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