Suisse
Médecine

Suisse: Un étudiant en médecine répond à toutes nos questions

Témoignage d'un étudiant en médecine
Image: montage watson/KEYSTONE

«On est passionné, mais on ne veut pas s'épuiser»: un futur médecin raconte

Examens, heures supplémentaires, stress et premiers patients, watson a posé toutes les questions possibles à un étudiant en médecine.
10.12.2023, 07:0110.12.2023, 18:27
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34% des étudiants en médecine sont découragés après leurs premières expériences pratiques à l'hôpital et envisagent de renoncer à leur métier, c'est un constat amer que rapporte l'enquête de l'Association suisse des étudiantes et étudiants en médecine. Comment les étudiants vivent-ils ces premiers semestres de stage? Quel regard portent-ils sur leur future profession? Médecin est-il encore un métier prestigieux? On a posé toutes les questions qui nous traversaient l'esprit à un étudiant en médecine.

Avant de me lancer dans les questions tous azimuts, je voulais savoir si le résultat du sondage sur le découragement des étudiants en médecine vous étonne?
Je ne suis pas vraiment étonné par le résultat de ce sondage, car j'ai l'impression d'avoir vécu des situations semblables. On est nombreux à se poser des questions sur la qualité de vie que peut nous apporter le métier de médecin et cela ne m'étonne pas que certains soient découragés et envisagent d'abandonner. La réalité ne correspond pas nécessairement à l’image qu’on se fait du métier et cela peut décevoir.

Qu'est-ce qui effraie tant les étudiants en médecine après leurs premiers stages?
En soi, je ne pense pas que ce sont les heures effectuées par les stagiaires qui coincent, mais les horaires des médecins assistants. En tant que stagiaire, on a des horaires parfois raccourcis, on peut commencer à 8h et finir à 16h ou 17h, voire parfois plus tard, mais on sortira toujours de l'hôpital avant les médecins assistants. Ce qui peut décourager c'est de voir certains médecins assistants qui commencent à 7h30 et qui terminent à 20h. Quand on voit le rythme de travail, on se pose des questions.

«Les médecins assistants nous ont dit que leur semaine durait plus de 50 heures il est clair que ça fait réfléchir»

Un médecin partira quand son travail sera fini, il n'a pas d'heure fixe pour terminer son travail. Parfois ils peuvent partir un peu plus tôt, mais ce sont de grosses journées quand même.

Les exas d'abord

On reviendra sur vos conditions de travail, mais j'aimerais commencer par votre formation, pouvez-vous déjà me raconter le processus de sélection de la première année de médecine?
Pour entrer en médecine, cela dépend des facultés. A Lausanne et Genève, il n'y a pas de processus de sélection, pas de numerus clausus, tous les inscrits sont acceptés en faculté de médecine. La sélection se fait sur les examens des deux premières années.

«En première année, il y a environ 700 étudiants dans l'amphi, après en deuxième, il n'y a plus que 250 places»

Combien d'examens avez-vous chaque année et comment se passe la sélection pour entrer à l'année supérieure?
Il y a cinq ans quand j'ai commencé la médecine, il fallait réussir tous les examens. Si on en ratait un, on devait faire le rattrapage. Si on le ratait une seconde fois, il y avait un échec définitif et on ne pouvait plus continuer médecine. Ce qui est particulier aussi en médecine, c'est que le barème change pour chaque examen, le nombre de points pour avoir la moyenne est variable.

C'est-à-dire?
Et bien, non seulement, vous devez répondre correctement à un maximum de questions, mais en plus cela dépendra du niveau de votre classe.

«Si la classe est très bonne dans une discipline, ça sera plus difficile d'avoir la moyenne et de réussir l'examen»

Et cette compétition avec les autres étudiants ne vous gêne pas?
Non. Je ne pense pas aux résultats des autres étudiants, ce qui m'importe c'est de faire au mieux.

Il y a eu des changements dans le système des examens récemment non?
Oui. Aujourd'hui il n'y a plus de rattrapage en première. Si tu rates un examen, tu dois refaire toute l'année et tous les autres examens. La promotion en deuxième année de médecine se base maintenant sur un classement. En gros, même si tu reçois tes résultats et que tu as réussi, tu n'es pas sûr de passer à l'année suivante.

La première année de médecine a la réputation d'être très sélective et difficile, comment expliquez-vous ces échecs aux examens?
Je pense que ce qui rend les études de médecine difficiles, c'est le volume d'information. A l'université, il y a plein de matières complexes et parfois beaucoup plus difficiles à apprendre que les sujets de médecine, mais ce qui est particulier selon moi, c'est la masse d'information qu'il faut assimiler les deux premières années. On emmagasine énormément d'informations, de choses à apprendre par cœur, cela prend du temps et demande une grande discipline.

«Il est où le stagiaire?»

Vous avez commencé votre première série de stages de 6 mois en 4e année, comment s'est passé le travail de terrain?
Plutôt bien. On a pu plus ou moins choisir les services dans lesquels on voulait être stagiaire et j'ai pris gynéco, obstétrique. J'ai adoré mon premier stage.

En quoi consistent vos journées?
A suivre les médecins assistants. On commence en général avec le colloque du matin puis on suit un médecin assistant au long de sa journée en consultation, en examen, ou dans les chirurgies, cela dépend du type de service.

Vous devez faire des diagnostics comme dans Grey's anatomy ou vous vous taisez?
C'est pas vraiment ça (rire). Le stage est très dépendant de notre comportement. Si on pose moins de questions et qu'on ne demande pas à faire des gestes et des actes médicaux, on apprendra moins.

Ça paraît logique, mais cela dépend aussi de l'attitude du médecin assistant, de son humeur, et de son côté pédagogue ou non.

On peut participer aux consultations et examiner des patients si tous ces facteurs sont réunis.

Il n'y a donc pas de cahier des charges ou des tâches à accomplir pour les stagiaires?
On a quelques objectifs très généraux imposés par l’école de médecin, mais dans les services c’est très aléatoire. En gynécologie on a reçu une checklist d’actes médicaux qui sont soit à faire ou à observer selon l’acte. Dans d’autres, il semble que rien n’est organisé pour notre venue. Il y a même des endroits où on arrive comme un cheveu sur la soupe, on nous dit: «trouver quelqu'un et suivez-le».

Ça vous est déjà arrivé?
Oui, durant mon stage en dermatologie.

«On est arrivé dans le service, on nous a dit d'attendre et on nous a oubliés (rires)»

Oublié? Vous êtes sérieux?
Oui, oui, le médecin-chef est revenu en disant qu'il avait complètement oublié de revenir nous chercher (rires).

Rassurez-moi, vous avez appris quelque chose en dermatologie?
Je ne dirai pas que je n'ai rien appris, mais l'organisation du service et les retards dans les consultations faisaient que les médecins assistants avaient moins de temps à nous consacrer. Ce stage était connu pour ne pas être des plus passionnants, car on était livrés à nous-mêmes.

«Chez les infirmiers et infirmières par exemple, les stages sont beaucoup plus organisés avec des objectifs précis selon l’année d’études. Il y a des évaluations, un suivi et de nombreux critères pour la réussite du stage. Alors qu'en stage de médecine, ce n'est pas le cas.»

Nous les stagiaires en médecine, on doit se montrer beaucoup plus indépendants et proactifs en stage. Ce n’est pas toujours évident de trouver sa place surtout lorsque l’on fait des stages plus courts ou que le service ne se montre pas accueillant.

Gardes, urgences et heures sup

Revenons sur les 34% de vos collègues qui envisagent de laisser tomber le métier après leurs premiers stages, cela ne vous a jamais traversé l'esprit?
Oui, une fois, mais ce n'était pas directement lié à mes stages. Je devais rattraper une matière et j'ai préféré travailler une année pour‹ faire une pause› et repasser l'examen. Avant de me lancer dans les études de médecine, j'avais travaillé dans le secteur de la santé alors, j'ai préféré retourner au travail et sortir la tête de mes livres.

Vous parlez de vos futures conditions de travail entre étudiants?
Oui bien sûr. On voit tout ce qui se passe quand on est en stage avec les médecins assistants et ils en parlent aussi spontanément. Je dirai que cela dépend du style de vie que vous souhaitez.Dans l'idéal, on cherche une spécialité qui nous plait et dont les exigences concernant les nuits et les gardes correspondent à l’équilibre travail et vie privée que l’on recherche.

«C'est bien de faire une chose qui nous passionne, mais on ne veut pas s'épuiser»

On aime la médecine, mais il y a aussi une vie à côté. On veut avoir des hobbies, des amis, une famille. En tant que médecin, on dépasse facilement les 50 heures par semaine, donc rien n'est idéal. Pour en revenir au stage, j'ai aimé faire de la gynéco-obstétrique, mais cette spécialité est connue pour être exigeante au niveau des horaires de travail. En milieu hospitalier, il y a beaucoup de gardes et d'urgences, c'est une discipline qui demande beaucoup de responsabilités, c'est aussi une discipline chirurgicale.

«Le fait de travailler la nuit, le weekend, avec des situations très stressantes, il faut avoir le coeur bien accroché pour faire ça»

Cela va se jouer sur des spécialités avec des horaires plus adaptables ou qui donnent la possibilité de faire du temps partiel. Il faut trouver l'équilibre.

Mais vous pouvez aussi travailler en cabinet, non?
Oui, mais avant d'ouvrir un cabinet, il faut finir toute la spécialisation qui dure en moyenne cinq ans. Les études de médecine durent déjà 6 ans et vous ajoutez cinq ans en moyenne selon les spécialisations. Si vous optez pour la chirurgie, vous pouvez en avoir pour sept ans. Après, il faut aussi pouvoir ouvrir son cabinet. Vous n'avez pas envie de vous épuiser durant dix ans, ce n'est pas tenable.

Les médecins parlent régulièrement de la charge administrative, pouvez-vous m'expliquer en quoi elle consiste?
Voici un exemple type d'une journée dans un service hospitalier. Le médecin va ouvrir les dossiers des patients, il discute avec le personnel soignant, ils vont aller voir leurs patients et les examiner. Une fois que c'est fait, il va falloir faire les notes de suivis, les informations pertinentes à relever de l’entretien et de l’auscultation du patient. Il faut également regarder les résultats d’examens et éventuellement changer les prescriptions et commander des examens complémentaires.

«Vous savez, dans les soins, on est censé tout noter. Tout ce qui n'est pas écrit n'existe pas»

Il faut donc avoir cette rigueur dans la pratique. En plus de tout cela, le médecin assistant doit aussi faire valider son travail par son supérieur. L’arrivée et le départ d’un patient demandent aussi tout un travail administratif.

Mais les médecins ont aussi des secrétaires?
Oui, bien sûr, et elle assure une partie du travail administratif. Il y a des secrétaires qui écrivent les notes des médecins préalablement enregistrées, mais cette pratique ne constitue pas la majorité de ce que j'ai vu.

«Au final, les tâches administratives effectuées par les médecins représentent 60% de leur journée»

Un médecin passe plus de temps devant un écran qu'avec ses patients.

Vous avez quand même rencontré des médecins assistants qui aiment leur travail?
Oui, la plupart sont passionnés et ils nous donnent aussi des conseils sur le choix des spécialités. Aucun médecin assistant ne m'a dit personnellement qu'il était épuisé, je dirai qu'ils font avec. En tout cas, la majorité des médecins assistants que j'ai côtoyés aimaient leur profession.

Questions sans filtre

Vous êtes prêt pour les questions totalement aléatoires, mais que tout le monde se pose?
Allez-y, on verra si j'ai réponse à tout.​

Vous choisissez votre spécialité selon le salaire?
J'ai eu de conversations à ce sujet avec d'autres étudiants. Même si on s'intéresse à ce sujet, ce n'est pas notre principale préoccupation.

«Je n'ai pas fait médecine pour l'argent»

Mais, c'est logique que l'on s'intéresse aussi à notre futur salaire et on espère qu'on sera rémunéré de manière juste pour le travail fourni. Si on regarde par rapport au nombre d'heures travaillées, la rémunération n'est pas si importante par heure, surtout à nos débuts. Après, je remarque que dans le tiers inférieur des rémunérations, on trouve la médecine interne, la médecine de famille généraliste, la psychiatrie, la pédopsychiatrie et la pédiatrie, qui sont les spécialités dans lequel il manque le plus de médecins.

Mais vos camarades qui veulent exercer comme médecin généraliste vont gagner moins que les autres non?
Oui, probablement. Mais si vous en discutez avec eux, vous vous rendez compte qu'ils ont choisi cette spécialité pour des raisons tout à fait personnelles. Ils sont intéressés par le contact avec les patients, la prévention, le côté social de la médecine et cela prime sur le salaire.

Les études de médecine en Suisse
- Formation académique: trois années pour le Bachelor et trois années pour l'obtention du Master, au total six ans de formation avec un travail de Master et un examen à effectuer.
- Examen fédéral en médecine humaine pour tout étudiant ayant obtenu son Master.
- Assistanat en médecine qui dure en moyenne cinq ans ou sept ans pour certaines spécialisations
- Examen FMH pour l'obtention du titre de spécialiste

C'est quoi votre salaire de stagiaire actuellement 5ᵉ année?
En ce moment, je ne suis pas payé. Je le serai l'année prochaine, en stage de 6ᵉ et dernière année. Le salaire dépend des lieux où on exerce, je dirai qu'en moyenne ça correspond à 800 francs par mois.

Et les médecins assistants, combien gagnent-ils?
Durant les cinq années d'assistanat, on peut travailler dans les cabinets ou hôpitaux selon les spécialisations. Au CHUV en tant que médecin assistant, la première année, on gagne dans les 5000 francs bruts. Après l'assistanat et l'obtention de son FMH, on peut travailler comme chef de clinique et ça commence à 10 000 francs bruts par mois.

Vous arrivez bientôt au bout de ta formation de six ans, vous êtes heureux?
Oui, car je suis toujours là, mais il me reste encore de nombreuses années avant le FMH. Ce qui me rassure, c'est que j'ai une spécialisation en tête et qu'en stage, elle s'est révélée passionnante, je serai très heureux de la pratiquer.

Et c'est laquelle?
Je ne le dirai pas, car j’ai encore le temps de changer d’avis, mais elle est passionnante et me stimule intellectuellement tout en ayant des aspects pratiques. Elle est exigeante au niveau de la pénibilité du travail et des horaires mais pour le moment je ne me vois pas faire autre chose.

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