Un oui, un grand oui pour la «Lex Netflix». Plus grand que les partisans de la loi eux-mêmes ne l'auraient espéré. La modification de la loi sur le cinéma, incluant une obligation pour les plateformes de streaming tels que Disney+ ou Netflix (d'où le surnom de la votation) de réinvestir 4% de leur chiffre d’affaires réalisé en Suisse dans des productions helvétiques et de proposer au moins 30% de contenus européens dans leur catalogue, a passé la rampe de la population à hauteur de 58% d'opinions favorables ce dimanche 15 mai.
Parmi les vainqueurs, le conseiller national socialiste Baptiste Hurni se réjouit à plus d'un titre. «Le résultat me satisfait beaucoup pour le message qu’il sous-tend: la majorité des Suisses estiment qu’il est normal que les plateformes de streaming contribuent à la création cinématographique.» Un message qui parle aussi au Neuchâtelois dans la mesure où il avait déposé, l'an dernier, un postulat demandant au Conseil fédéral de se pencher sur le cas des plateformes de streaming... musical. Un projet qui avait obtenu l'aval du collège, mais qui avait été refusé par le Conseil national.
Cette proposition pourrait bien revenir sur la table des discussions dans le souffle des résultats de ce 15 mai. «Mes collègues et moi sommes plus que jamais motivés à continuer à mener une discussion sur la situation des créateurs de musique en Suisse», confirme Baptiste Hurni. La préoccupation est légitime: actuellement, il faut obtenir environ 25 000 écoutes sur une plateforme de streaming musical pour toucher 100 francs et un million d'écoutes pour toucher un salaire de 4000 francs.
Attention toutefois à ne pas mal interpréter sa démarche, avertit le parlementaire. Il ne s'agit pas de mettre la charrue avant les bœufs:
Le conseiller national déposera un nouveau postulat à la prochaine session. Celui-ci reprendra la partie la plus importante du texte précédent: un état des lieux de la situation socio-économique des acteurs musicaux, surtout après le Covid. «Cela inclura d’étudier si les plateformes telles que Spotify permettent ou non d’avoir une rémunération décente.» Pour éventuellement légiférer ensuite en la matière, comme l'a fait récemment le Canada.
Mais cette fois-ci, l'élu fera une proposition plus ouverte. Outre les arguments de la droite libérale, selon laquelle une écoute sur Spotify ne rapporte pas moins qu'une écoute à la radio par une seule personne, il s'agit aussi pour le socialiste de «faire son autocritique»: «Ce n’était pas très malin de mentionner clairement la possibilité d’une taxe, car c’était déjà répondre en quelque sorte à la question.» Sans doute certains membres de la chambre basse ont-ils préféré refuser sa proposition pour ne pas donner des arguments aux anti-Lex Netflix. Or, voilà qu'elle est maintenant acceptée:
Baptiste Hurni préside la Fondation Romande Pour la Chanson Et les Musiques Actuelles (FCMA), qui s'occupe de distribuer les principales subventions en Suisse romande. Il sait qu'il ne part pas au combat à Berne avec un lobby aussi puissant que les milieux du cinéma. Non seulement, ceux-ci disposent d'un plus grand budget, mais il y a aussi une question d'échelle: la musique, contrairement au septième art, relève des cantons aux yeux de la Confédération.
Cependant, l'élu relève une différence entre les deux secteurs culturels qui est aussi un argument en faveur de son projet: «Les acteurs musicaux ont ceci comme avantage que tout le monde consomme de la musique suisse – ce qui n’est pas le cas du cinéma.» Le parlementaire de prendre l'exemple de la radio, mais aussi du Paléo Festival ou encore de concerts de musique plus folklorique.
Le membre du Parti socialiste dit également avoir noué beaucoup de contacts avec le milieu depuis le refus de son premier postulat. Et il en est convaincu: si ce ne sont pas les mêmes personnes qui écoutent de la musique traditionnelle ou du hip-hop, elles peuvent certainement se retrouver autour d'un projet commun. Pari lancé.