Ils n’en font qu’à leur tête. Mais pas touche à la bête! Les castors, on les adore. Ils sont chez eux chez nous. A Colombier, dans le canton de Neuchâtel, l’un d’eux a construit un barrage sur un ruisseau. Une mare est apparue, faisant craindre des débordements préjudiciables au bon fonctionnement d’une station d’épuration située en contrebas. «On est là pour résoudre les conflits entre l’homme et la faune», philosophe Ludovic Genoud, le garde-faune cantonal.
Temps doux et pluvieux, ce vendredi 9 février, le long du canal de la Thielle, sur la commune du Landeron. Entre les lacs de Bienne et de Neuchâtel, des airs de bords de Seine plantés de hauts arbres que le peintre Monet aurait aimé croquer. Sauf que ce ne sont pas les pinceaux de l'artiste, mais les incisives du maître des lieux qui se régalent du présent paysage.
Ludovic Genoud, à propos des castors:
Ce peuplier presque centenaire doit au grillage enroulé à sa base de n’être pas plus mangé. D’autres troncs grillagés à temps ont prévenu les premières morsures du mammifère à queue plate. «C’est moi qui installe ces protections», indique le garde-faune du domaine cantonal, les communes et les privés gérant leurs parcelles respectives.
Les castors du coin, au nombre d’une quinzaine, opèrent à partir de leur camp de base, la Vieille Thielle, un site naturel protégé où ils ont leurs terriers.
Réintroduite en Suisse dans les années 1950, l’espèce est protégée. Le pays compterait 3500 individus, selon l’Office fédéral de l’environnement (Ofev). Tuer un castor, détruire un terrier, un barrage ou une hutte peut vous en coûter 40 000 francs. Les agriculteurs le savent plus que personne. Les autorités les dédommagent des pertes causées par le rongeur préféré des Suisses. En 2023, le garde-faune neuchâtelois n’a eu connaissance que d'une infraction relative à la protection des castors. Il s'agit d'un barrage détruit en toute illégalité. La procédure est en cours, le nom du fautif n'a pas été communiqué.
Jeune agriculteur à La Chaux-de-Fonds, Valentin Stauffer – ce n’est pas lui le coupable – se souvient, en toute bienveillance pour l’animal, avoir vu «partir deux à trois ares» de culture sur une parcelle située dans les environs d’Estavayer, rive sud du lac de Neuchâtel.
En dehors de ces désagréments et de quelques autres, l’apport du castor à la biodiversité est jugé hautement bénéfique. L'Ofev ne tarit pas d'éloges:
En 2020, le peuple aurait pu réviser la loi sur la chasse. Le projet soumis à votation ouvrait la voie à la régulation, autrement dit à l’abattage, si nécessaire, de castors. Le texte a été rejeté.
Cela ne signifie pas que l’espèce échappe à la régulation. Elle se fait naturellement ou accidentellement, explique le garde-faune:
«Dans le cadre naturel, poursuit Ludovic Genoud, c’est l’offre de nourriture et le parc habitable disponible qui font office de régulateur. L’espèce s’adapte. Tous les petits d’une portée, jusqu’à huit, ne survivent pas.»
Ces vingt dernières années, la population de castors présente sur le domaine cantonal neuchâtelois aurait été multipliée par trois. On en dénombrerait une centaine. La tolérance envers l’animal est-elle sans limites? Vrai qu’on n’imagine pas ces petits filous pouvant atteindre un poids de 20 kilos subir le sort d’autres espèces jugées invasives. Pour l’heure, castor fiber, le nom savant de l'animal, reste une exception chère à nos cœurs battants.