Le peuple neuchâtelois veut avoir le dernier mot sur la reconnaissance de nouvelles communautés religieuses. Comment interprétez-vous ce vote ?
Bertrand Leitenberg: La communauté juive est acceptée depuis bien longtemps dans le canton de Neuchâtel. Plus généralement, la multiplicité des religions est une réalité dans ce canton. Il existe un groupe de dialogue interreligieux du canton de Neuchâtel depuis longtemps. C’est une des institutions avec lesquelles l’Etat ou les particuliers ont déjà des discussions. La loi qui était soumise au vote permettait quelque chose en plus, dont la population n’a pas voulu ou qu’elle a mal compris. Ce sera peut-être partie remise. En tout cas:
Vous aviez déclaré que si la loi passait, vous, la communauté juive, feriez une demande de reconnaissance à l’Etat. Pourquoi une petite communauté comme la vôtre (0,1% de la population neuchâteloise) devrait-elle être reconnue officiellement?
Il ne s’agit pas d’avoir la même position que les trois Eglises «historiques» (réformée, catholique romaine et catholique chrétienne). Par exemple, nous ne voudrions pas percevoir d’impôt ecclésiastique récolté par l’Etat; nous avons notre propre mode de financement et nous nous en sortons très bien. De plus, notre communauté dans le canton de Neuchâtel existe en tant que telle depuis 1833. Nos relations avec l’Etat, avec les autres communautés religieuses et avec la population de manière générale sont bonnes. En fait:
Si une nouvelle loi voit le jour ces prochaines années avec l’ajout d’une clause rendant un vote populaire obligatoire, vous ferez votre demande?
Oui, je ne vois pas pourquoi nous changerions d’avis, à condition que la nouvelle loi garde toute la substance de la première, hormis l’ajout de la clause du référendum.
Vu l’actualité du monde, et du monde des idées, c’est vraisemblablement l'islam qui était en jeu dans le choix du peuple neuchâtelois de ne pas laisser dans les mains du Grand Conseil le pouvoir de reconnaître une communauté. La population a-t-elle eu raison d’être prudente?
Non, je trouve dommage que cette loi ait été refusée. Celle-ci aidait justement les communautés religieuses à s’intégrer. Il fallait que les communautés montrent clairement leur volonté d’intégration, acceptent d’être transparents et que l’Etat ait un œil sur leur fonctionnement. Ainsi, en ce qui concerne les religions sur lesquelles les gens peuvent avoir des craintes, c’était justement l’occasion de leur donner la possibilité de dire qu’elles veulent s’intégrer à la société.
En France, un antisémitisme s’invite chez certains adeptes de théories du complot sur le vaccin ou la pandémie que nous traversons. Observez-vous un tel phénomène en Suisse?
Pas aussi fortement qu’en France. Mais malheureusement, on est obligé d’admettre que les réseaux sont devenus un dangereux moyen d’exprimer des opinions malsaines. Internet ne s’arrête pas aux frontières. Hélas, cette menace existe donc aussi en Suisse, bien qu’à moindre mesure. La coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) fait un grand travail de contrôle par rapport à ces messages antisémites d’un autre temps.