Benjamin Roduit est un des visages de l’opposition au mariage pour tous. Membre du comité de votation, le conseiller national (Le Centre/VS) n’a finalement rien pu faire dimanche alors que 64,1% de la population ont approuvé la loi, qui faisait l’objet d’un référendum.
watson l’a appelé en milieu d’après-midi pour prendre sa réaction et son analyse. Interview à chaud!
Près de 63% de «oui», soutien de tous les cantons… Vous attendiez-vous à une telle défaite?
Selon moi, dans un tel débat de société, il n’y a pas lieu de parler de victoire, de défaite ou d’analyser les pourcentages de «oui» et de «non». Notre objectif était de rendre attentive la population à certains enjeux derrière cette votation, notamment celui de la procréation médicalement assistée (PMA) ou de la question du père et de la mère comme cœur de la famille. Aujourd’hui, nous prenons acte du résultat et espérons que ceux qui ont voté «non» seront entendus quand la loi sera mise en œuvre.
Donc, malgré le score, c’est une réussite pour vous?
Oui. Au fur et à mesure de la campagne, les sondages prédisaient un «oui» toujours plus faible, preuve que les thématiques que nous avons amenées ont pesé dans le débat. Notamment le fait que le mariage pour tous et la PMA sont deux objets différents qui rendaient complexe le choix de voter «oui» ou «non». Car c’est bien le principal: il y a eu un débat démocratique sur certains des vrais enjeux de cette votation.
Certains évoquaient un vote caché, avec un résultat très différent des sondages. C’était le cas en 2005, quand la Suisse a voté sur le Pacs, mais pas aujourd’hui. Pourquoi? Est-ce que le changement dans les mentalités est désormais acquis?
Je ne saurais pas dire s’il s’agit d’un changement dans les mentalités, ou bien d’une forme de nécessité de changement. J’adhérais tout à fait à la proposition d’améliorer les conditions des homosexuels et l’élimination des dernières discriminations qu’ils subissaient. Pour moi, ce devait, toutefois, se limiter aux droits de succession et à la naturalisation facilitée, en évitant d’élargir à la PMA. Je pense que beaucoup de personnes ont voté «oui» sans pour autant être d’accord avec la PMA.
C’était votre critique du paquet «mariage pour tous + PMA».
Oui et c’est quelque chose que même les couples homosexuels peuvent regretter. Si le mariage pour tous avait été présenté seul, je pense qu’il n’y aurait même pas eu de référendum. Là, d’un seul coup, ça va trop loin. Il y avait sûrement mieux à faire et nous allons devoir bien travailler sur les incidences de la PMA sur la société. Je rappelle en passant que l’Allemagne et l’Italie ont leur version du mariage pour tous ou du Pacs, mais pas la PMA pour les couples lesbiens.
La campagne des opposants a été assez «crue» ces dernières semaines. Finalement, n’était-ce pas contre-productif de la jouer «à la dure» contre le discours d’«amour» des partisans?
Évidemment que ça a été contre-productif. Je me suis désolidarisé de ces groupes comme «Non à l’enfant-objet». Ils n’étaient pas du tout attendus dans la campagne et ont été excessifs. Après, il ne faut pas se leurrer non plus: s’ils étaient excessifs, c’est parce qu'en face, il y avait aussi des excès. Nous avons tous fait l’objet d’attaques personnelles, de menaces, d’insultes. Alors que notre but était vraiment de susciter un débat démocratique sur un des enjeux essentiels pour nous: la PMA.
Dans votre canton, le Valais, le «oui» est aussi clair, tout comme dans votre commune, Saillon. Dans le comité contre le mariage pour tous, il y avait aussi plusieurs Valaisans. Est-ce à dire que même chez vous, vos arguments n’ont pas porté?
Regardez les pourcentages: tant le Valais que la commune de Saillon ont certes dit «oui», mais à une hauteur inférieure à la moyenne nationale. Je pense surtout que cela amène d’autres questions. Nous faisions face à une véritable machine de guerre, soutenue par d’importants sponsors privés. Quand on regarde le déséquilibre des moyens, il est inutile de voir de liens direct entre le vote des régions et les personnes engagées. Au final, c’est bien heureux qu’il n’y ait pas de leaders d’opinion pesant trop dans un débat de société comme celui-ci.
Craignez-vous désormais que les partisans se sentent pousser des ailes et demandent rapidement la gestation pour autrui?
Oui, c’est une crainte. C’était aussi notre objectif avec cette campagne: nous n’avons rien contre la cause homosexuelle, mais voulions simplement rendre attentive la population à des enjeux importants à nos yeux. Nous avons, toutefois, été vus comme des trouble-fêtes. Pourtant, c’est un fait: il a été déjà clairement annoncé qu’il y aura d’autres combats pour éliminer d’autres discriminations. Il ne faut pas être devin pour connaître les prochaines revendications – la gestation pour autrui. Au besoin, nous serons à nouveau là pour conscientiser la population.