«Je respecte la décision populaire», se défend le conseiller national UDC bernois Erich Hess. Un élu de l’Union démocratique du centre, la voix du peuple, comme le revendique son acronyme germanophone, ne peut pas laisser croire le contraire. Or, Le Temps le relevait jeudi dernier, Erich Hess, membre de la commission parlementaire traitant de l’énergie, a déposé le 18 juin une motion demandant la levée de l’interdiction empêchant la construction de nouvelles centrales nucléaires.
C’est pourtant bien le peuple qui, en approuvant la loi programmatique sur l’énergie, en 2017, a entériné cet interdit. «Oui, mais le nucléaire n’est qu’un article parmi d’autres de cette législation. Ce que je propose c’est la suppression de cet article, pas de tout le texte», explique-t-il à watson.
L’argument d’Erich Hess est celui de l’indépendance énergétique de la Suisse. Tous les experts et partis politiques reconnaissent qu’elle n’est pas garantie. Surtout en hiver, quand l’eau des barrages fait défaut. Et cela ne devrait pas s’arranger à court et moyen terme:
Résultat, la Suisse se retrouve vaguement seule. D’où la relance, par le conseiller national bernois de l’UDC, de l’idée nucléaire. La gauche l'avait embrassée comme du bon pain dans les années 50 et 60, avant de se retourner contre elle. La catastrophe de Fukushima en 2011 a agi comme un électrochoc sur l'opinion publique, qui a accepté en connaissance de causes la loi sur l'énergie à plus de 58%, non sans avoir rejeté un an plus tôt l’initiative «Sortir du nucléaire», jugée trop radicale.
Erich Hess, qui a voté «non» au référendum de 2017 contrairement au reste du peuple, invoque encore le réchauffement climatique. A l’avantage du nucléaire, nettement moins émetteur de CO2 que les énergies carbonées.
D’où la question qui dérange: Pourra-t-on vraiment se passer des centrales nucléaires? La loi ne fixe pas de date d’arrêt aux quatre réacteurs encore en fonction (celui de Mühleberg (BE) a été désactivé en décembre 2019). Mais on estime qu’ils auront tour à tour atteint la limite d’âge d’ici à 2050. A compter de quoi, selon la loi, il sera interdit de construire de nouveaux réacteurs.
A ce moment-là, la consommation d’énergies fossiles par habitant devra avoir baissé de 43%. Cependant, la consommation d’électricité pour assurer les besoins de la mobilité va croître. Il s’agira d’être prêt avec les renouvelables: L'hydraulique bien sûr – de longue date installée dans le paysage énergétique – mais aussi les émergentes, aujourd’hui produites en trop petites quantités: le biogaz, le photovoltaïque, l’éolien, etc.
Spécialiste de ces questions et opposant au nucléaire, le conseiller national vaudois socialiste Roger Nordmann, plaide entre autres pour deux mesures:
Le patron du groupe socialiste à Berne et président de la faîtière du solaire Swissolar propose par exemple de couvrir en panneaux solaires l’autoroute au niveau de Fully, en Valais. La production d'électricité via l'énergie solaire reste largement inférieure à l’objectif de la Confédération pour 2050. La quantité produite en 2020 a été de 2,6 térawattheures (1 térawattheure = 1 milliard de kilowattheures), quand «la production et la consommation d’électricité en Suisse s’élèvent l'une et l'autre à environ 65 térawattheures», précise Roger Nordmann à watson.
Les panneaux solaires couvrent en Suisse une surface de
6km2. Pour être «bien», il en faudrait 50 fois plus, soit 300 km² (0,7% du territoire suisse). Associé à l’hydraulique (58% de la production d’électricité en Suisse, la plus grosse part), le solaire devrait parvenir à satisfaire la demande, tablent les promoteurs de cette combinaison eau-soleil.
Et l’éolien? Avec 0,145 térawattheure produit en 2020, il est le parent pauvre des énergies renouvelables. Les Suisses n’en veulent pas. Ou alors chez les voisins. Faux, réagit Isabelle Chevalley, conseillère nationale vert’libérale vaudoise et présidente de Suisse Eole, l’association faisant la promotion de cette énergie.
A l'appui de son affirmation, le vote favorable du 22 juin des habitants de Corgémont et Cortébert dans le Jura bernois, à l'installation de trois éoliennes à proximité du parc éolien de Mont-Crosin, le plus important de Suisse. Mais cette décision démocratique se heurte toujours à l'opposition de l'association Paysage libre, qui fait valoir le dérangement sonore des turbines et l'impact visuel de l'ensemble sur la biodiversité.
Les partisans de l'éolien regrettent que l'essentiel des investissements des opérateurs suisses dans ce secteur se fasse à l'étranger, soit environ six milliards de francs depuis le début du millénaire.
Pour l'heure, le compte des énergies renouvelables en Suisse n'y est pas. Le conditionnel reste de mise, malgré la progression régulière du solaire. Cela fait beaucoup de «si», doit penser l’UDC bernois Erich Hess, satisfait des 33% d’électricité nucléaire fournis chaque année aux ménages et aux entreprises helvétiques. Aux pouvoirs publics et au peuple de lui prouver qu’on peut faire sans.