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Comment les sociétés de recouvrement font peur aux Suisses

En haut à gauche, un exemple de lettre envoyée par une société de recouvrement.
En haut à gauche, un exemple de lettre envoyée par une société de recouvrement.watson/shutterstock

Ces sociétés qui font peur aux Suisses et en veulent à leur argent

Les sociétés de recouvrement entrent en jeu lorsqu'une facture est impayée. Ces intermédiaires ont souvent recours à des méthodes insistantes pour forcer les consommateurs à s'acquitter de montants abusifs. Comment se protéger? Et pourquoi peuvent-elles exercer en toute impunité? La FRC nous répond.
26.06.2023, 06:1626.06.2023, 18:41
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C'est une histoire qui commence simplement, par une commande sur internet. Par inadvertance, je me trompe d'adresse de livraison. Branle-bas de combat, prise de contact avec l'enseigne et correction de tir: tout rentre dans l'ordre, le colis devrait arriver à destination.

Il ne va cependant jamais atterrir dans ma boîte aux lettres. Celle qui a, toutefois, bel et bien trouvé mon adresse, c'est une société de recouvrement qui me réclame plus du triple de la facture initiale «pour une créance ouverte en retard». En cause: je n'ai pas réglé le montant du colis non reçu (24.60 francs) et je dois désormais m'acquitter de 88.50 francs. Comment expliquer une telle augmentation? C'est simple, aux frais initiaux s'ajoutent:

Une pratique qui tend à se généraliser

Heureusement, à force de contestations, l'affaire a été classée et je n'ai pas eu à verser un seul centime. Jean Tschopp, responsable juridique de la Fédération romande des consommateurs (FRC), explique que cette pratique abusive – ajouter des frais qui ne sont pas dus à un simple rappel de payement – s'avère être récurrente, qu'elle concerne de nombreuses sociétés de recouvrement en Suisse et qu'elle tend à se généraliser à tous les secteurs d'activités (entreprises de transports publics, prêt-à-porter, opérateurs téléphoniques).

«Les sociétés de recouvrement peuvent être très insistantes, intimidantes. Les courriers s'enchaînent et se multiplient et les frais augmentent rapidement»
Jean Tschopp, responsable juridique de la Fédération romande des consommateurs (FRC)

Dès lors, la panique s'installe – notamment lorsqu'il est mentionné sur un courrier en lettres majuscules «dernière sommation avant poursuite» –, ce qui engendre le payement du montant réclamé.

Pourtant, assure Jean Tschopp, il est très rare que ces affaires aillent aussi loin. Car pour mettre la personne en poursuite, la société de recouvrement doit racheter la créance auprès de l'enseigne qui l'a mandatée, parce que le contrat conclu par le consommateur avec le vendeur ne le lie pas à la maison de recouvrement.

En tant que consommateur, que peut-on faire?

«Avant toute chose, il faut vérifier si la créance de base existe vraiment», conseille Jean Tschopp. Par exemple, si la facture a déjà été payée, mais qu'entre-temps l'enseigne a mandaté la société de recouvrement. Dans ce cas-là, il ne faut pas hésiter à contester l'entier de la facture.

En revanche, s'il existe bel et bien une créance de base, il faut contester tous les dommages supplémentaires facturés, comme les «frais de dossier» ou «d'intervention».

Outre le «montant initial», les «intérêts moratoires» et les «déductions pour les paiements déjà effectués», les autres frais peuvent être contestés.
Outre le «montant initial», les «intérêts moratoires» et les «déductions pour les paiements déjà effectués», les autres frais peuvent être contestés.fédération romande des consommateurs
«Il faut réagir vite, faire les choses par écrit et mettre l'enseigne en copie, car c'est avec elle que le consommateur a un contrat»
Jean Tschopp, responsable juridique de la Fédération romande des consommateurs (FRC)

Soucieuses de leur réputation, les enseignes peuvent également aider à stopper la machine. Il est donc important de les mettre dans la boucle, précise le responsable juridique de la FRC. Et d'ajouter: «Le problème est que beaucoup de consommateurs ne connaissent pas leurs droits. Ils sont intimidés et finissent par céder. Pourtant, à coup d'arguments solides et en s'appuyant sur les bonnes bases légales, les sociétés de recouvrement finissent souvent par renoncer.»

Contactée, une société de recouvrement non liée à cette affaire a accepté de répondre à nos questions. Pour comprendre comment elle justifie certains frais supplémentaires, notamment les «dommages de retard», elle nous renvoie à la section FAQ du site internet de l'association suisse de recouvrement. Les frais qu'elle a le droit de facturer y sont listés, par exemple «recherche d'adresse». Ils ne sont toutefois pas détaillés. Une responsable précise:

«Nous indiquons sur chaque lettre que les consommateurs doivent se manifester s'ils estiment que la demande n'est pas justifiée»

Concernant les méthodes insistantes, la société affirme toujours proposer des solutions si la personne ne peut pas s'acquitter du montant de la facture, comme des paiements partiels. Et d'ajouter:

«Ce n'est qu'en cas d'absence de coopération que nous utilisons les moyens juridiques à notre disposition pour faire valoir les intérêts légitimes de nos clients et les protéger contre le non-paiement.»

«Un manque de contrôle et de surveillance»

Une question demeure en suspens. Comment se fait-il que ces pratiques parfois abusives puissent être exercées en toute impunité? «Il y a un manque de contrôle et de surveillance», déplore Jean Tschopp.

En mai 2021, la Conseillère nationale Sophie Michaud Gigon (Les Vert-e-s/VD) a interpellé le Conseil fédéral. Elle a demandé, notamment, un changement de loi pour encadrer le fonctionnement des sociétés de recouvrement et la mise en place de mesures en amont pour freiner leurs pratiques abusives. En réponse, le Conseil fédéral a jugé «qu'au vu des moyens actuellement à disposition, une réglementation générale de la branche (...) serait disproportionnée et ne se justifiait pas».

De son côté, la FRC continue d'exiger une modification de loi, qui imposerait la mise en place d'un régime d'autorisation et de surveillance indépendant.

Plus récemment, en mai 2023, le Conseiller national Vincent Maitre (Le Centre/GE) a déposé une motion demandant l'encadrement et le plafonnement des frais des sociétés de recouvrement, par paliers en fonction des montants des créances. Le texte n'a pas encore été traité au Conseil national.

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