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Roger Federer

On: «l'entreprise me répugne d'un point de vue éthique»

Schuhe des Sportartikelherstellers On, stehen in einem Regal, waehrend der Kleiderabgabe von Swiss Olympic im Distributionszentrum Dosenbach-Ochsner Sport in Luterbach, am Dienstag, 6. Juli 2021 in Lu ...
Une chaussure On avec une croix suisse ne peut être vendue qu'à l'étranger. En effet, dans notre pays, la chaussure ne remplit pas les normes minimales pour pouvoir être commercialisée comme «swiss made».Image: keystone

Chaussures On: «l'entreprise me répugne d'un point de vue éthique»

La célèbre marque de chaussures suisse, On, rémunère ses fabricants au Vietnam à un coût par chaussure encore plus bas qu'Adidas et Nike. Bernhard Bauhofer, expert en réputation, analyse la durabilité de cette stratégie pour l'entreprise et anticipe les possibles répercussions sur l'image de son ambassadeur emblématique, Roger Federer.
19.01.2024, 12:0019.01.2024, 16:49
Aylin Erol
Aylin Erol
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Avez-vous des chaussures de la marque On?
Bernhard Bauhofer:
Non, je ne veux pas de ces chaussures chez moi!

Pourquoi pas?
D'une part, il n'y a pas beaucoup d'innovation dans les chaussures On, bien que l'entreprise s'en vante. En termes de fonctionnalité, de qualité et de confort, elles sont, à mon avis, absolument comparables avec des modèles moins chers. D'autre part, l'entreprise me répugne d'un point de vue éthique.

Reputationsberater Bernhard Bauhofer direkt aus Davos vom WEF.
Bernhard Bauhofer accompagne certains de ses clients cette semaine directement au WEF à Davos (GR).Image: zvg
A propos de l'expert
Bernhard Bauhofer se qualifie lui-même d'«expert en réputation» et est l'auteur de nombreux ouvrages sur le thème de la réputation des entreprises. Il a étudié la sociologie en Allemagne, à l'université Ludwig Maximilian de Munich, et dirige aujourd'hui sa propre entreprise de conseil à Wollerau (SZ), en se concentrant sur la gestion de la réputation. Il conseille des personnes et des entreprises sur la manière de soigner et de protéger leur réputation auprès du public pour se vendre avec succès.

Vous abordez directement le sujet. K-Tipp a rendu publique l'importance des marges réalisées sur les chaussures On. Si un client paie 190 francs pour une chaussure de sport, la marque On réalise une marge de 155,13 francs. Le fabricant au Vietnam ne reçoit que 18 francs par chaussure, soit moins que d'autres marques comme Adidas ou Nike. Cela vous surprend-il?
Pas du tout. Ce n'est pas la première fois que la presse parle des pratiques douteuses de On.

Par exemple?
Pour commencer, il faut mentionner les salaires exorbitants de ses dirigeants. Alors que l'entreprise a enregistré une perte de 170 millions de francs, la direction a encaissé plus de 80 millions de francs. Et l'entrée en bourse de On était également douteuse. Quelques jours après son entrée en bourse, l'entreprise a fait part de soudaines difficultés d'approvisionnement. C'est une information importante qui existait certainement déjà avant son entrée en bourse, mais la marque a probablement délibérément omis de la communiquer. Le cours de l'action a donc immédiatement chuté.

«J'ai été surpris que la Commission des opérations de bourse n'ait pas émis de reproche à ce sujet»

Cela signifie-t-il que les choses vont mal chez On?
Tout d'abord, il faut noter que la marque a réussi à devenir très grande en très peu de temps. C'est une performance remarquable. Il est compréhensible que ce démarrage en flèche ait eu quelques difficultés initiales, des clients se sont par exemple plaints de problèmes avec les chaussures. Et l'entreprise a rapidement résolu ces problèmes.

Mais?
Mais On a un modèle d'entreprise qui date du siècle dernier et sa direction est tout droit sortie des années 1990. Seule la valeur pour les shareholders compte. Il s'agit de verser le plus rapidement possible un maximum d'argent aux managers. Ce système repose en fin de compte sur l'exploitation. Et au bout de la chaîne alimentaire se trouvent les travailleurs des usines qui cousent les chaussures, au Vietnam, un pays où les syndicats n'existent pas et où les gens sont heureux d'avoir un travail.

Stakeholders et shareholder, ça veut dire quoi?
Un shareholder, ou actionnaire, est une personne ou une entité qui possède des actions d'une entreprise. Un stakeholder, ou partie prenante, est toute personne ou entité qui a un intérêt dans une entreprise. Les stakeholders comprennent les actionnaires, mais aussi les clients, les fournisseurs, les employés, l'environnement, etc.
wikipédia

Toutes les entreprises ne fonctionnent-elles pas ainsi?
Oui, des marques comme Gucci ou Dolce & Gabbana fonctionnent aussi selon cette logique. Mais dans les entreprises modernes, l'accent est de plus en plus mis sur la valeur pour les stakeholders (en français, actionnaires). Cela signifie que la valeur de l'entreprise pour les clients et les collaborateurs est également importante, et pas seulement pour les actionnaires. Raison pour laquelle je trouve si décevant qu'une entreprise suisse comme On, qui est de surcroît très jeune et se présente comme moderne, ne s'adapte pas à ces changements. Surtout à une époque où l'équité et la durabilité sont importantes pour les clients.

«On peut déjà se demander combien de temps le modèle commercial de On va encore fonctionner»

Vous dites que ces valeurs sont de plus en plus importantes pour les clients. Mais malgré les critiques, On continue à avoir du succès. Quand on arrive à l'aéroport de Zurich par exemple, on voit leurs chaussures à presque tous les pieds.
Oui, je pense que les Suisses portent avec une certaine fierté une marque de chaussures suisse. Les chaussures sont devenues un produit lifestyle portés par des bobo qui veulent paraître cools. Mais le label «Swiss made» fonctionne aussi extrêmement bien à l'étranger. Même si je me demande depuis longtemps ce que ces chaussures ont de vraiment «Swiss made» – la production se fait justement à bas prix au Vietnam.

Le succès en Suisse est-il dû à Roger Federer, le visage de la marque?
Oui, tout à fait. La success story de On est presque digne d'un conte de fées, mais elle était calculée d'avance. On a pris le sportif le plus connu du pays, avec l'image la plus impeccable, on lui a donné une grande part de l'entreprise et a mis le paquet sur la publicité. Il était certain que ça allait fonctionner. La question est maintenant, pour combien de temps?

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Bientôt plus le chouchou des Suisses? Roger Federer en septembre 2023 lors d'un cours de tennis pour enfants organisé par Mercedes-Benz au Canada. Chaussé, bien sûr, de baskets OnImage: keystone

Lorsque des titres négatifs sont publiés sur la marque de manière répétée, cela n'égratigne-t-il pas aussi l'image de Roger Federer?
Oui, surtout maintenant que sa carrière sportive est terminée. Sans le tennis, on ne voit presque plus rien de lui en tant que personne, sauf lorsqu'il fait de la publicité pour quelque chose. Pour moi, Roger Federer n'est donc plus qu'une figure publicitaire. Et de surcroît, toujours pour des entreprises douteuses à mes yeux. Je lui recommanderais donc de bien regarder avec qui il collabore à l'avenir. Sinon, il ne fonctionnera bientôt plus comme visage publicitaire.

Vous pensez qu'il le fera?
Je pense plutôt qu'il va surfer sur la vague publicitaire jusqu'au bout, jusqu'à ce que cela ne soit vraiment plus possible. Peut-être que cette carrière se terminera plus brutalement qu'on ne le pense. De nos jours, il suffit qu'une vidéo l'associant au scandale d'une entreprise devienne virale sur les réseaux sociaux.

Vidéo: YouTube/On

Et l'enquête de K-Tipp aura-t-elle des conséquences pour On?
Je pense que oui. Et je l'espère. En Suisse, ses clients sont pour la plupart des personnes bien éduquées, qui gagnent bien leur vie. Ils s'informent et veulent acheter des produits qui correspondent à leurs propres valeurs.

Pensez-vous qu'On existera encore dans 50 ans?
Je ne pense pas. Pour cela, l'entreprise devrait transformer ses modèles commerciaux. Mais à mon avis, On continuera simplement à faire ce qu'il fait jusqu'à ce que cela ne soit plus possible.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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Video: watson
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