Dimanche 1er juin, 15 heures et des poussières. L’avion easyJet doit nous ramener de Stockholm à Genève, le départ est prévu dans quelques minutes. Le temps est radieux. Sauf que…
Bon, si c'est le prix à payer, d'accord. Le personnel est aux petits soins, l'ambiance est détendue, on discute entre voisins de rangée. «Restos et musées entre copines, et vous?» Nous? Mmmh, glucides et marathon de Stockholm; pour la gastronomie suédoise, on reviendra.
«Malheureusement, les conditions météo à destination ne se sont pas améliorées, au contraire», reprend le commandant de bord une heure plus tard.
Au même moment, l'avion d'une connaissance, à Londres, est lui aussi suspendu aux caprices du ciel au-dessus de Cointrin. Finalement, avec un peu plus de deux heures de retard, notre avion décolle, celui de Londres aussi, avec 2 heures 30 de délai. Pour nous, il ne s'agit que d'un retard, sans conséquences; pour d'autres en revanche, à voir l'interminable file des passagers devant le stand d'information près des tapis à bagages, les galères ne font que commencer.
Contacté le lendemain, le service de presse de Genève Aéroport confirme: 38 vols ont été annulés dimanche (16 à l’arrivée et 22 au départ), et de nombreux autres ont subi des retards «pouvant aller jusqu’à 2 à 3 heures», nous précise l'entreprise. Et ce n’est pas qu’un phénomène local: ce jour-là, des orages violents ont balayé une bonne partie de l’Europe, du nord de l’Espagne à la Pologne, en passant par les Alpes.
Résultat? De nombreuses régulations ont été imposées à travers le réseau d’Eurocontrol, l’organisme européen chargé de la gestion du trafic aérien. Chaque perturbation dans une région peut avoir un effet domino sur l’ensemble du continent, nous explique Genève Aéroport. Mais pourquoi suspend-on tout?
Contrairement à une pluie battante ou au vent, la foudre est l’ennemi numéro un des opérations aéroportuaires. En cas d’alerte rouge – le niveau de risque maximal – plus rien ne bouge sur le tarmac: ni bagagistes, ni véhicules, ni passagers.
Autre question qui agace souvent ceux qui voyagent: pourquoi garde-t-on tout le monde dans l’avion si ce dernier ne décolle pas avant «au moins deux heures», selon les prévisions? Réponse: parce qu’un avion prêt, portes fermées, sera prioritaire dès que la fenêtre météo se rouvre, et parfois, les prévisions peuvent évoluer très vite. Quitter l’appareil, c’est renoncer à cette priorité – et risquer d’attendre bien plus longtemps encore. Une attente qui, en plus d'être un brin pénible pour les passagers, a un coût.
Et que se passe-t-il si des voyageurs insistent pour sortir? Cela dépendra des compagnies. A Genève Aéroport, on rappelle que la décision revient à l’exploitant du vol. Certaines compagnies sont plus souples, d'autres plus strictes, mais, dans tous les cas, être autorisé à sortir d’un avion en pleine alerte météo relève plutôt de l’exception.
Comme le rappelle Genève Aéroport, les orages sont évidemment plus fréquents entre mai et septembre. Et avec le réchauffement climatique, leur intensité et leur imprévisibilité augmentent. La position centrale de la Suisse dans les couloirs aériens européens aggrave la situation: même si Genève n’est pas directement frappée, un orage à Munich, Milan ou Lyon peut perturber son propre trafic.
Une étude d’Eurocontrol, publiée en 2024, confirme que les phénomènes extrêmes météo deviennent plus fréquents, plus intenses, et plus coûteux pour l’ensemble du secteur aérien. Tempêtes, précipitations, vagues de chaleur, montée des eaux… Les aéroports européens doivent désormais s’adapter pour continuer à fonctionner dans un climat de plus en plus hostile. A Londres-Luton, le tarmac a littéralement fondu lors de la canicule de 2022. Et ce n’est qu’un début.
Pour faire face, certains hubs, comme Paris-Charles de Gaulle ou Munich ont déjà revu leur système de drainage, par exemple, et adapté leurs infrastructures.
En Suisse, Genève Aéroport n’a pas détaillé ses propres mesures d’adaptation, mais confirme qu’il suit de près les travaux d’Eurocontrol et participe à des réflexions plus larges sur la résilience du secteur. Car prévoir l’imprévisible, c’est aujourd’hui la mission première des aéroports.
Et les orages perturbant le trafic aérien ne font peut-être que commencer. Ce mercredi 4 juin, MétéoSuisse prévoit une situation particulièrement instable sur l’ensemble du territoire. Des supercellules – ces orages rotatifs très violents capables de provoquer des rafales descendantes, de la grêle ou des mini-tornades – pourraient se former en fin d’après-midi, notamment sur le Plateau.
Les prévisionnistes devraient émettre dans la journée une alerte aux intempéries. Et dans le ciel comme sur le tarmac, mieux vaudra lever les yeux et garder son calme.