Depuis la parution à l’automne 2020 de l’enquête du Temps sur des faits de harcèlement sexuel présumés au sein de la RTS, l’audiovisuel public romand n’a cessé de vouloir s’amender. Si les sanctions se sont finalement comptées sur les doigts d’une main, les initiatives de type sociétal, destinées à réformer la «culture d’entreprise», ont été nombreuses. Citons, entre autres: des formations au langage épicène et à l’écriture inclusive; un sondage pour mesurer le degré de «diversité» et d’«inclusion» parmi le personnel de la SSR (la Société suisse de Radio et Télévision, organe de tutelle de la RTS); la nomination, dans la foulée, d’une personne en charge de ces aspects. Dernière initiative toujours en cours, a appris watson: l’instauration d’un «leadership équitable et bienveillant».
Cette démarche s’accompagne d’une formation d’une durée de deux jours. Non obligatoire, elle est toutefois «recommandée», précise Emmanuelle Jaquet, cheffe relations médias à la RTS. Le cours est donné par le Genevois Raphaël Cohen, qui dirigea pendant 20 ans la spécialisation «entrepreneuriat» du MBA de l’Université de Genève.
Quelque 230 responsables d'équipe sont potentiellement concernés par ce qui s'apparente à une formation continue au management, dont la première session s’est tenue l’automne dernier. «A ce stade, 150 personnes l’ont suivie», détaille Emmanuelle Jaquet. Deux sessions sont encore planifiées. Si bien qu’au total, 170 à 180 responsables d'équipe auront acquis des compétences censées améliorer les rapports hiérarchiques à l’intérieur de l’entreprise publique.
Fait notable:
Y compris, donc, le directeur de la RTS, Pascal Crittin. La direction aura voulu montrer l’exemple.
Est-ce la fin des déboires pour la RTS? «Cette formation fait partie des recommandations du collectif de défense», explique-t-on en interne. Ce collectif indépendant, constitué d’avocats et d’avocates, avait été mandaté en novembre 2020 par la RTS pour recueillir les témoignages de tout salarié estimant avoir été victime de situations abusives, et à l’époque, on supputait principalement des cas de harcèlement sexuel.
Lorsque les rapports d’enquêtes externes commandés par la SSR furent livrés en avril 2021, il apparut que c’était moins le harcèlement sexuel que la souffrance psychologique au travail qui était au cœur de la problématique. On apprenait que des femmes aussi, et pas seulement des hommes, s’étaient montrées injustes ou dures avec leurs subordonnés. Le patriarcat n’était plus central dans l’affaire, sauf à considérer, comme le soutient une partie du courant féministe, que l’abus d’autorité relève d’une culture masculine.
«La formation au leadership équitable et bienveillant permettra de limiter les abus de pouvoir», veut croire Raphaël Cohen, auteur de plusieurs livres sur le sujet.
«Etre équitable et bienveillant, cela veut dire bien se comporter avec ses subordonnés, avec ses collègues et avec ses supérieurs», poursuit Raphaël Cohen. Qui ajoute:
Cette formation pourrait donner lieu à une charte du management «équitable et bienveillant», ainsi qu’à des «chartes d’équipes», de façon à ce que de plus petits groupes puissent adapter les principes globaux à leur environnement propre. Mais «il n'y aura pas de service dédié à cette question au sein de la RTS», précise Emmanuelle Jaquet.
Tous, parmi les cadres de la RTS, ne se sont pas rendus de gaité de cœur à la formation dispensée par Raphaël Cohen. Certains y ont vu une forme d’exercice de contrition, voire une injuste punition. A l’inverse, d’autres ont dit avoir beaucoup appris lors de ces sessions.