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«Vous vous sentez discriminés», l'enquête de trop à la SSR?

Siège de la RTS, Genève, 18 juillet 2021.
Siège de la RTS, Genève, 18 juillet 2021.image: antoine menusier

«Vous vous sentez discriminés», l'enquête de trop à la SSR?

Alors qu'une enquête interne sur des sujets parfois intimes semble rencontrer peu de succès auprès des 6900 employés de la SSR, certains, au sein de l'audiovisuel public, pointent, sous la démarche, la «trouille» de la direction.
16.02.2022, 06:2716.02.2022, 09:29
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Jeudi 10 février, soit deux semaines après son lancement, seuls 17% des 6900 employés de la SSR avaient répondu au questionnaire «Diversité et Inclusion». Visiblement préoccupée par cette faible proportion de répondants, la société bernoise MindStep, chargée de mener cette enquête pour le compte du Diversity Board, l’organe de promotion de la diversité au sein de l’audiovisuel public suisse, relançait les personnels en leur rappelant qu’ils ont jusqu’au 18 février pour s'y mettre, l'exercice étant toutefois facultatif:

Extrait: «Déjà 17% du personnel de la SSR ont répondu à l'enquête sur la diversité et l'inclusion – un grand merci à toutes et à tous. Vous n'y avez pas encore participé? Saisissez l'occasion qui vous est donnée de vous exprimer sur votre situation actuelle dans l’entreprise.»
La société MindStep, agissant pour le compte du Diversity Board de la SSR.

Comme révélé par watson le 25 janvier, cette enquête entend mesurer le degré de «diversité» et d’«inclusion» des collaborateurs et collaboratrices de la SSR, sur des aspects de langue, d’origine et de genre, entre autres.

En fonction des réponses obtenues et s’il le juge nécessaire, le Diversity Board «pourra prendre des mesures concrètes afin de rendre les conditions de travail plus inclusives, tant à des niveaux nationaux que régionaux», nous expliquait alors Sibylle Tornay, porte-parole francophone de la SSR. Il s’agirait selon les cas de créer des univers de travail plus épanouissants, prenant en compte la sensibilité et la personnalité de chacun, comprend-on.

«La direction de la RTS est morte de trouille»

«Encore un questionnaire, franchement, y’en a marre», réagit sous couvert d’anonymat une collaboratrice de la RTS, la Radio Télévision Suisse, l’entreprise publique romande placée sous la tutelle de la SSR. «Quand on n’arrive pas à gérer un problème, on commande une étude ou on réalise un sondage», ajoute l’un de ses collègues de travail. Un autre se veut plus explicite: «La direction de la RTS est morte de trouille sur les questions touchant au personnel. Elle n’arrive plus à prendre une décision.»

Mais quels sont au juste les domaines abordés dans l’enquête «Diversité et Inclusion»? Et dans quel contexte cette dernière a-t-elle été lancée? Parmi les questions posées ou réponses proposées par le questionnaire, que watson a pu consulter, il y a celles-ci:

«Les personnes de mon équipe ou de mon de travail:

  • me laissent être moi-même, comme je suis
  • me laissent être vrai et authentique (par exemple: je n'ai pas besoin de faire semblant)
  • me laissent montrer librement ma personnalité
  • m'encouragent à être moi-même, comme je suis
  • m'encouragent à être vrai et authentique (par exemple: je ne dois pas faire semblant)
  • m'encouragent à montrer librement ma personnalité»

A chacune de ces propositions de réponse correspond le nuancier suivant:

  • tout à fait inexact
  • plutôt inexact
  • partiellement exact
  • plutôt exact
  • tout à fait exact

«Femme, homme, autre»

Rédigée en écriture inclusive, l’enquête demande à chaque employé de déterminer son «sexe»: «femme», «homme», «autre».

Autre question posée:

«Quelles caractéristiques particulières pourraient amener les salarié.es à se sentir désavantagé.es ou discriminé.es dans votre entreprise?»

Réponses suggérées, plusieurs pouvant être cochées:

  • genre/identité de genre
  • orientation sexuelle
  • personnalité
  • âge
  • formation
  • nom
  • nationalité/origine
  • langue/dialecte/accent
  • couleur de peau
  • apparence/caractéristiques physiques

Ou cette autre proposition encore:

«Dans mon équipe ou dans mon groupe de travail, on dit clairement à tout le monde combien la diversité est importante dans une entreprise:

  • tout à fait inexact
  • plutôt inexact
  • partiellement exact
  • plutôt exact
  • tout à fait exact»

L’enquête s’enquiert en outre de l’«égalité des chances», en particulier sur le plan salarial; des dispositifs qu’il faudrait mettre en œuvre pour lutter contre les «discriminations»; de la possibilité pour chacun et chacune de faire valoir son point de vue.

Les personnes ayant répondu au questionnaire ont alors découvert à quelle catégorie d'employés elles appartiennent. Au nombre de quatre, ces catégories sont classées selon un système d’abscisses (ligne horizontale) et d’ordonnées (ligne verticale), comme l’indique le visuel ci-dessous, tiré du questionnaire:

Extrait du questionnaire «Diversité et Inclusion».
Extrait du questionnaire «Diversité et Inclusion».

La catégorie «reine» est sans conteste celle de l’«inclusion», qui regroupe les personnes ayant un fort sentiment d’appartenance à l’équipe tout en se sentant elles-mêmes.

«Je ne sais pas trop comment je dois le prendre»

«Mes réponses me placent dans la case "Assimilation", je ne sais pas trop comment je dois le prendre», confie une employée à watson. Selon ce classement, si elle a indéniablement le sentiment de faire partie de l’équipe, elle ne peut pas en revanche être elle-même. Autrement dit, elle est un peu aliénée ou un peu malheureuse dans son travail.

«Ce qui me gêne, dans ce type d’enquête, c’est l'importance donnée à des aspects intimes de la vie de chacun, au détriment des impressions sur la ligne rédactionnelle», reprend notre interlocutrice, qui se définit plutôt comme conservatrice. Sur ce point, le questionnaire lui aura cependant permis de dire si oui ou non, elle estime pouvoir faire valoir son point de vue. Mais impossible de dire de quel bord politique on est ou de situer idéologiquement l'entreprise pour laquelle on travaille: de gauche, de droite, woke, boomer, etc.

Contacté via le service de communication de la RTS, le directeur de l'audiovisuel public romand, Pascal Crittin, invoquant la paternité «SSR» de cette enquête et le fait qu’elle soit toujours en cours, n’a pas souhaité répondre aux questions de watson.

Combien ça coûte?

Créé en 2019 dans un contexte féministe, sans lien direct avec la grève des femmes cette année-là, mais avec en point de mire la question de l’égalité, le Diversity Board est rattaché à la SSR. «Il se compose de neuf membres représentant toutes les régions linguistiques, ainsi que différentes compétences professionnelles», précise la SSR. Le Diversity Board n’a pas de budget propre. On ignore ainsi le coût de l’enquête «Diversité et Inclusivité» qui prendra fin ce vendredi.

Outre le présent questionnaire, qui suit d'environ une année la crise ayant secoué la RTS en rapport avec des faits présumés de harcèlement, le Diversity Board a mené jusqu’ici plusieurs actions: en faveur de l’«intégrité» des personnes, pour la promotion de femmes «aux postes-clés» et pour le développement d’un «langage adapté aux genres dans la communication» interne ou externe de la SSR.

Nouvelle salve d'ateliers d'écriture inclusive

A propos de langage, watson a appris que la direction de la RTS avait communiqué lundi aux personnels sa décision de reconduire en 2022 les ateliers de formation à l’écriture «inclusive et épicène». Il y en aura quatre dans les mois prochains, qui s’ajouteront aux six organisés l’an dernier «en présentiel» et qui «ont réuni au total une cinquantaine de participant.e.s», informe le service de communication de la RTS. Comme en 2021, le psycholinguiste Pascal Gygax et son équipe en assureront la conduite.

Le journaliste Alexis Favre taquine Christian Constantin, président du FC Sion
Video: watson
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