Le pétrole et le gaz: deux ressources assurant à la Russie 200 milliards de dollars par an à l’exportation. Jusqu’ici, elles ont été épargnées par les sanctions européennes imposées au Kremlin depuis l’invasion de l’Ukraine, il y a un peu plus de deux mois. Mais cela pourrait changer dans les prochaines heures. L’Union européenne serait sur le point de décréter un embargo sur les importations de pétrole russe. Un accord, qui requiert l’unanimité des Vingt-Sept Etats membres, pourrait intervenir dans la nuit de mardi à mercredi. L’Europe, après un embargo sur le charbon russe acté le 7 avril, répliquerait ainsi à la décision russe prise le 27 avril de couper le robinet d’approvisionnement en gaz à la Pologne et à la Bulgarie. Non membre de l’UE, que fera la Suisse?
Le 28 février, quatre jours après le début de l'agression russe contre l'Ukraine, les sept Sages, ayant un temps donné l'impression d'hésiter, avaient repris les sanctions décrétées par les Vingt-Sept contre le régime du président Poutine. Une première dans la neutralité suisse.
Contrairement à l’Allemagne, mais surtout la Hongrie et la Slovaquie, ces deux dernières pouvant être dispensées de l’accord sur les sanctions en cours d’élaboration à Bruxelles, la Suisse n’importe pas de pétrole brut de Russie. Que disent les chiffres fournis par l'administration fédérale?
Mais toute dépendance suisse à l’égard du pétrole russe n’est pas pour autant exclue, comme le fait remarquer à watson l’organisation Carbura, chargée du stockage obligatoire des huiles minérales en Suisse.
La question du pétrole russe présente toutefois un enjeu important pour la Suisse dans le cas où l’UE interdirait tout négoce pétrolier avec la Russie. Berne pourrait-il rester en retrait d’une telle mesure? Comme on le sait, la Suisse, et notamment Genève, est un pays de négoce de matières premières, dont le pétrole et le gaz russes. Le site Public Eye indiquait fin mars que les traders présents sur le sol helvétique n’avaient pas mis fin à leurs transactions consistant à acheter et revendre du pétrole russe (50 à 60% du brut russe serait négocié depuis la Suisse, selon des estimations de Public Eye).
Pour l’heure, l’UE n’a pas pris de sanctions contre le gaz russe, dont on sait l’Allemagne grande consommatrice, même si elle a réussi en deux mois à réduire de 20% sa dépendance en ce domaine vis-à-vis de la Russie.
La Suisse, elle, dépend à 43% du gaz russe pour ses importations. «C’est la proportion importée de Russie l’an dernier», précise à watson le porte-parole de l’Association suisse de l’industrie gazière (ASIG), Thomas Egglin. «Le reste, 57%, vient de Norvège (28%), de Hollande (19%), d’Allemagne (2%), d’Algérie (3%) et d’autres pays encore dans de petites quantités», énumère le porte-parole de l’ASIG.
Sans gaz, la Suisse souffrirait: 42% sont consommés par les ménages; 34% par l’industrie, en particulier celle de l’acier et de la céramique, qui nécessitent de hautes températures; 22% par le secteur des services (le chauffage des bureaux, etc.); enfin, 1% par des moyens de transport.
Le gaz naturel russe acheminé en Suisse emprunte un gazoduc passant actuellement par l’Ukraine.
Mardi matin, le chef du Département fédéral de l'économie, Guy Parmelin, a averti les Suisses qu'ils devaient s'attendre à des moments difficiles si le gaz russe venait à manquer. Les particuliers pourraient être amenés à réduire la température de leur chauffage au gaz. Un degré de moins correspond à une réduction de 5 à 7% de la consommation totale.
Certaines entreprises faisant grande consommation de gaz disposent d'installations permettant de passer du gaz au mazout.
L'un des gros problèmes de la Suisse par rapport au gaz naturel est l'absence de toute capacité de stockage, que ce soit dans ses montagnes ou dans son sous-sol. C'est pourquoi, Gaznat, société anonyme assurant l’approvisionnement et le transport du gaz naturel à haute pression en Suisse occidentale, a signé des contrats avec des partenaires français lui permettant d'avoir accès à du gaz naturel stocké en France en cas de coup dur. Mais la guerre, si elle devait se prolonger et s'aggraver, pourrait amener les pays disposant de capacités de stockage à déclarer leurs réserves priorité nationale.