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Pourquoi les prix de la santé ne cessent d'augmenter en Suisse

On paye un max pour notre système de santé: la preuve avec le sirop pour la toux

Au rang des sujets dont les Suisses se plaignent le plus souvent, on peut citer l'augmentation des prix de la santé. Il arrive même qu'ils augmentent involontairement, suite à des prises de décision de la Confédération. La preuve avec un exemple bien connu... le sirop pour la toux.
08.06.2022, 05:5108.06.2022, 06:54
Doris Kleck / ch media
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Pendant des années, le sirop contre la toux Resyl Plus a fait partie des classiques de presque toutes les pharmacies familiales.

Depuis trois ans cependant, il est nécessaire d'avoir une ordonnance de médecin pour l'obtenir. Un changement qui émeut encore ses consommateurs et autres habitués de longue date lorsqu'ils avaient du mal à déglutir.

Resyl Plus
Resyl plus est soumis à ordonnance depuis trois ans. Toutefois, ce sirop pour la toux peut être vendu par les pharmacies sans ordonnance, sous certaines conditions.Bild: zvg

On doit ce changement à la grande révision de la loi sur les produits thérapeutiques, entrée en vigueur en 2019. Cette révision est l'histoire d'un succès, qui a permis à de nombreux patients d'obtenir plus facilement un grand nombre de médicaments. Les grands gagnants de cette réforme mise en place par la Confédération ont été les drogueries. Lesquelles peuvent, depuis lors, vendre des médicaments sans ordonnance, auparavant réservés aux pharmacies. De même, les détaillants peuvent désormais vendre des pastilles contre la toux ou des infusions qui n'étaient auparavant disponibles qu'en droguerie. Jusque-là donc, tout va bien.

Mais, outre les quelque 536 médicaments qui peuvent désormais être achetés plus facilement, il y en a aussi 92 dont l'acquisition s'avère désormais nettement plus compliquée - impliquant, de ce fait, des coûts plus élevés.

Comment cela se fait-il?

Le controversé déclassement

Avant 2019, les médicaments appartenaient à la «catégorie C», dite «des pharmaciens». Les médicaments étaient certes disponibles sans ordonnance, mais ils ne pouvaient être vendus qu'en pharmacie. Avec la réforme de la loi sur les produits thérapeutiques, la Confédération a supprimé cette catégorie. La plupart des médicaments ont été «déclassés». 15% ont été reclassés dans la catégorie B pour des raisons de risque - dont les médicaments contenant de la codéine, comme Resyl plus. Cela signifie qu'ils sont soumis à ordonnance.

La mobilisation des pharmaciens

Toute victoire exige des gagnants... et des perdants. Dans le cas présent, il s'agissait des pharmaciens. Péjorés par cette réforme, ils se sont mobilisés avec succès pour imposer une nouvelle règle: pouvoir délivrer sans ordonnance des médicaments soumis à ordonnance. Petite subtilité de ce nouveau règlement: il concerne les médicaments qui étaient en vente libre avant la réforme, mais qui se trouvent désormais dans la catégorie B depuis son application.

Revenons à notre exemple du sirop contre la toux Resyl Plus. De nombreux patients l'ignorent, mais en fait, ce médicament est soumis à ordonnance. Les pharmaciens peuvent toutefois le vendre sans ordonnance sous certaines conditions - ce qui implique de documenter la vente.

La taxe de conseil des pharmacies entraîne un prix de vente plus élevé. Il en va de même pour la marge de distribution plus importante qui s'applique aux médicaments délivrés sur ordonnance. Elle est remboursée par la couverture de base.

Avant la réforme, Resyl Plus coûtait 5,65 francs. Aujourd'hui, les coûts sont trois fois plus élevés, calcule l'association professionnelle Vips (Vereinigung Pharmafirmen in der Schweiz), l'association des entreprises pharmaceutiques en Suisse.

Dans le même temps, davantage de patients se sont procuré une ordonnance auprès de leur médecin pour se procurer les précieuses gouttes contre la toux - comme il est désormais indiqué sur l'emballage. Les nouveaux chiffres de la Vips le prouvent: si en 2019, à peine un sirop contre la toux sur 4 a été acheté en pharmacie avec une ordonnance, ce chiffre a augmenté de 48% en 2021. Resyl Plus n'est pas un cas isolé. Pour le somnifère Sanalepsi, par exemple, la part des ordonnances est passée de 25 à 83% en deux ans. Les insomnies se paient cher.

Plus d'ordonnances impliquent plus de consultations médicales... et donc, plus de coûts. En 2019, les ventes de Resyl Plus se sont élevées à 108 000 emballages. La Vips calcule approximativement 50 francs pour la consultation médicale. Selon ce calcul, les coûts supplémentaires s'élèvent à 2,6 millions de francs - auxquels s'ajoute le prix trois fois plus élevé des médicaments.

Du coup, le dossier devient politique

Pour tous les médicaments revalorisés, la Vips estime les coûts supplémentaires à plus de 100 millions de francs.

Le Conseil national veut remédier à cette situation. Il y a trois ans de cela, il a clairement approuvé une motion de sa commission de la santé qui demande au Conseil fédéral de veiller à ce que le reclassement de médicaments sur la liste n'entraîne pas de coûts et de charges supplémentaires pour le système de santé. Sont principalement concernés les médicaments en vente libre avant la révision de la loi.

Mercredi, le Conseil des Etats se prononcera sur cette fameuse motion: s'il l'approuve, le Conseil fédéral devra agir. S'il dit non, l'affaire est classée. La commission consultative de la Chambre basse propose de rejeter la motion - le Conseil s'annonce déjà serré.

Une «conséquence non intentionnelle»

Certes, le Conseil fédéral a admis que cette répartition en 2019 avait entraîné l'augmentation du prix de certains médicaments. Une hausse des coûts qu'il a qualifiée de «conséquence non intentionnelle de la suppression de la catégorie de remise C».

A l'époque, il avait estimé que les coûts supplémentaires pour les assurances de base se situaient entre 2,5 et 5 millions. Mais ce montant ne concernait que l'augmentation des coûts due au système de formation des prix - c'est-à-dire à la marge de distribution plus élevée.

Les coûts pour l'ensemble du système de santé - notamment en raison de l'augmentation des consultations médicales ou de la taxe de conseil par les pharmaciens - ne peuvent pas être estimés, car les conséquences dépendent du comportement des consommateurs, des pharmaciens ou de l'industrie.

Les partisans estiment que les coûts supplémentaires sont «à prendre en compte»

Pour avoir une meilleure idée des coûts supplémentaires induits par cette réforme de la loi, la commission de la santé du Conseil des Etats a commandé à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) un tout nouveau rapport. Celui-ci n'a pas été rendu public.

Selon la commission, l'OFSP estime ainsi les coûts supplémentaires:

  • 4 à 6 millions de francs pour les assurances de base.
  • 3 à 4,5 millions pour les consommateurs.

Soit un total entre 7 et 10,5 millions de francs. A noter que la minorité bourgeoise de la commission met en doute ces chiffres sur la base des calculs de Vips.

Les partisans se montrent en revanche satisfaits «que les coûts supplémentaires de la nouvelle classification des médicaments soient relativement limités». Ils rappellent que les dépenses pour les médicaments dans l'assurance de base s'élèvent à 7,5 milliards de francs. Les coûts supplémentaires, générés par l'acte bureaucratique d'une redistribution, doivent donc être acceptés.

Pourquoi la Vips se fait la fervente défenseuse de cettet motion?

Selon le président de la Vips, Marcel Plattner, les conséquences financières de la redistribution de certains médicaments ne concernent pas les entreprises pharmaceutiques. Non: les coûts plus élevés sont à la charge des patients et des caisses maladie, c'est-à-dire des payeurs de primes.

Marcel Plattner souligne que son association s'engage pour un système de santé qui fonctionne bien et qu'elle ne veut pas être simplement réduite aux prix des médicaments.

Mais il reconnaît aussi ce qui a été le déclencheur de ce soutien: l'OFSP vérifie tous les trois ans si un médicament est efficace, approprié et économique. En 2019, ce contrôle a entraîné une baisse des prix des médicaments de 100 millions de francs, ce qui a fait mal aux entreprises pharmaceutiques. 100 millions, c'est précisément le montant que la réforme de la loi sur les produits thérapeutiques est censée avoir entraîné en termes de coûts supplémentaires.

Traduit et adapté de l'allemand par mbr

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