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Santé

La résistance aux antibiotiques en Suisse diminue

Etes-vous parmi les Suisses qui plombent l'efficacité des antibiotiques?

[Staged Picture, Gestellte Szene] A pharmacist explains and sells drugs to a customer at pharmacy Dr. Noyer in Bern, Switzerland, on November 7, 2018. (KEYSTONE/Gaetan Bally)
Image: KEYSTONE
L'utilisation d'antibiotiques en Suisse n'a cessé de diminuer au cours des dernières années. Mais comme c'est un pays de voyageurs, des bactéries résistantes sont constamment importées.
13.11.2022, 07:5913.11.2022, 10:39
Bruno Knellwolf / ch media
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Les personnes malades et les animaux ne peuvent souvent être aidés que par un médicament antibiotique qui élimine les bactéries dangereuses ou mortelles. Or, ces bactéries développent de plus en plus de résistance aux médicaments.

Ainsi en 2019, plus d'un million de personnes sont mortes dans le monde parce que les antibiotiques n'avaient plus d'effet. En Suisse, la résistance aux médicaments entraîne environ 300 décès par an. Lors de la présentation du Swiss antibiotic resistance report 2022 à Berne, Hans Matter de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a déclaré:

«C'est incontestablement une menace sérieuse pour la santé publique, car cela entraîne des maladies graves et des décès»

En 2015, le Conseil fédéral a donc décidé de lutter activement contre ce phénomène avec le programme «Stratégie contre la résistance aux antibiotiques» ou Star. Et ce projet, auquel participent plusieurs offices fédéraux, commence à porter ses fruits. «Dans l'ensemble, les résultats du Star sont plutôt positifs», affirme Hans Matter.

Le rôle de la pandémie

Les diverses mesures prises portent leurs fruits. La consommation d'antibiotiques diminue, les médicaments sont utilisés de manière plus appropriée et mieux dosée. Les résistances des bactéries se sont ainsi stabilisées en Suisse.

Selon Dagmar Heim, responsable des médicaments vétérinaires et des antibiotiques à l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (Osav), la tendance est à la baisse en ce qui concerne l'utilisation d'antibiotiques pour les animaux également. Pour la médecine humaine, l'utilisation d'antibiotiques a, toutefois, encore légèrement augmenté jusqu'en 2019. Mais depuis le début de la pandémie, la courbe est à la baisse, ce qui, selon Heim, est lié aux mesures d'hygiène. En 2021, la plupart des antibiotiques ont été utilisés pour des infections urinaires (40%), suivis par les maladies des voies respiratoires supérieures (23%).

L'avenir nous dira si la situation évolue positivement après le Covid. Mais le succès en médecine vétérinaire n'est pas lié à la pandémie. Et dans ce domaine, la quantité de substance active a pu être réduite de plus de 50%.

Grandes différences régionales

«En comparaison internationale, nous sommes sur la bonne voie», affirme Dagmar Heim. Si l'on considère la prescription d'antibiotiques dans les cabinets médicaux, la Suisse se place en deuxième position en Europe: seule l'Autriche en prescrit moins. En ce qui concerne les prescriptions dans les hôpitaux, la Suisse se situe dans la moyenne. En médecine vétérinaire, la Suisse figure également dans le top 10; seuls les pays nordiques font mieux. Pourtant, développe la responsable:

«Les différences régionales en Suisse sont notables. La Suisse alémanique s'en sort nettement mieux que le Tessin et la Suisse romande»

La baisse de consommation d'antibiotiques se répercute sur les taux de résistance, explique Simon Gottwald, responsable du domaine humain Star à l'OFSP. Ceux-ci indiquent le pourcentage d'une classe de bactéries qui sont résistantes à un antibiotique donné. Ces taux varient, comme le montre Gottwald avec les bactéries Escherichia coli (E. coli): pour celles-ci, la résistance est en baisse chez les volailles et stable chez les porcs.

La résistance aux antibiotiques destinés aux humains varie également. «De manière générale, on observe, toutefois, une certaine stabilisation. La Suisse se situe, à cet égard, dans la moyenne européenne», explique Simon Gottwald. Les pays du sud de l'Europe sont, en revanche, moins bien lotis, et la résistance aux antibiotiques est en augmentation dans le monde entier. Le chiffre de 1,3 million de morts en 2019 pourrait donc encore augmenter dans les années à venir, poursuit-il.

Le problème pourrait s'aggraver

Hans Matter craint lui aussi que le problème ne s'accentue à l'avenir, malgré le succès rencontré en Suisse. Il y a plusieurs raisons à cela. Notamment les développements dans les pays voisins de la Suisse. «La Suisse est un lieu d'échange international pour les bactéries», explique Stephan Harbarth, chef du Service de prévention et contrôle des infections (SPCI) aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). En ce moment, les mesures «humanitaires» prises en raison de la guerre font que de nombreuses personnes arrivent avec des bactéries hautement résistantes.

De plus, la Suisse est un pays riche, les gens voyagent beaucoup. Si des Suisses ont un accident en Crète ou au Maroc et qu'ils se retrouvent dans une unité de soins intensifs, il est alors garanti qu'ils seront colonisés par des bactéries hautement résistantes.

«A Genève, nous avons récemment importé de nombreux cas de maladies graves, avec des patients qui avaient été hospitalisés à l'étranger»
Stephan Harbarth

Andreas Widmer, du Centre national de prévention des infections (Swissnoso), parle d'une étude menée à Bâle sur de jeunes voyageurs d'une trentaine d'années avant et après leurs vacances en Extrême-Orient. Les 80% des voyageurs sont rentrés chez eux avec des agents pathogènes résistants. «Les avions ramènent des gens qui ne sont pas malades, mais qui sont porteurs d'agents pathogènes. Ceux-ci peuvent ainsi se propager en Suisse», explique-t-il.

«La pression extérieure s'accroît. La Grèce et l'Italie sont des zones à risque et les voyages vont augmenter après la pandémie», explique Widmer. Le problème de la résistance reste donc d'actualité en Suisse, même si nous voyons maintenant une bonne évolution.

La résistance réduite de 10 à 100 fois

Les stations d'épuration (Step) contribuent en partie à cette bonne évolution en Suisse. En effet, les bactéries résistantes aux antibiotiques arrivent dans les stations d'épuration avec les selles et l'urine. «La bonne nouvelle, c'est que la résistance y est réduite de 10 à 100 fois», explique Michael Schärer de l'Office fédéral de l'environnement (Ofev). Mais les résidus d'antibiotiques, qui sont également éliminés, ne sont aujourd'hui que partiellement dégradés dans les Step et se retrouvent donc tout de même dans les eaux, où ils contribuent à la résistance des bactéries aquatiques.

Cependant, les stations d'épuration suisses sont continuellement améliorées afin que des étapes de traitement supplémentaires permettent de détruire encore plus d'antibiotiques. «Dans 20 ans, les stations d'épuration seront développées de manière à pouvoir éliminer 70% des micropolluants domestiques», déclare Schärer. Les apports d'antibiotiques dans les eaux seront ainsi massivement réduits.

Des antibiotiques continuent malgré tout à être déversés dans les eaux. En cas de fortes pluies, les stations d'épuration sont surchargées, les eaux usées ne peuvent plus être épurées et une partie de l'eau sale s'écoule temporairement dans les rivières et les lacs sans être épurée. C'est pourquoi l'on veut, dans les années à venir, développer les canalisations de manière à ce que cela se produise moins, même en cas de fortes pluies.

La lutte contre les résistances aux antibiotiques se poursuit donc sans relâche, affirment les spécialistes. Les connaissances de la population ont certes augmenté, mais il existe encore de nombreuses lacunes, notamment en ce qui concerne la durée de prise des antibiotiques et la manière de procéder avec les médicaments excédentaires. Des modules de formation continue et des guides thérapeutiques devraient en partie remédier à cela. La semaine prochaine, divers projets de recherche seront également présentés.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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