Au cours de l'année écoulée, 77% des médicaments importés illégalement confisqués par l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) et Swissmedic étaient des stimulants de la fonction érectile. Il s'agit de quelque 7250 envois au total. Ce chiffre a de quoi interpeller, mais il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau, explique Nicolas Fotinos, pharmacien et collaborateur scientifique chez Swissmedic:
Pourtant, il est «difficile» de donner des raisons à ces commandes, bien que des suppositions peuvent être formulées. «Tout d'abord, certaines personnes peuvent trouver gênant d'aborder ces questions avec un médecin ou un pharmacien», poursuit Nicolas Fotinos. Passer commande sur internet serait donc plus discret. D'autant plus qu'une partie des clients n'est pas toujours consciente du caractère illicite de la marchandise: «Beaucoup de gens s'étonnent d'avoir commandé des produits illégaux, car ces sites ressemblent souvent à ceux d'une pharmacie suisse», complète le collaborateur de Swissmedic.
Mais la pudeur n'explique pas tout et certains acheteurs sont tout à fait conscients de la situation. Dans certains cas, ils font un usage détourné du produit et s'en servent comme un dopant, poursuit Nicolas Fotinos:
Face au risque de confusion, les autorités appellent à ne pas commander des médicaments provenant de sources douteuses, limitant ainsi les risques. Car les dangers peuvent être importants. «Il n'y a aucune assurance qualité», explique Christophe Berger, président de la société vaudoise de pharmacie (SVPH). Autrement dit, on ne peut pas savoir si le produit indiqué se trouve vraiment à l'intérieur du médicament. «Parfois, il n'y a rien du tout. D'autres fois, le dosage est trop bas ou trop élevé. Il se peut également que le médicament contienne une tout autre substance», poursuit-il.
Quelle que soit l'intention derrière ces achats, il faut toujours se souvenir que ces produits ont une origine criminelle. «L'importation de médicaments illégaux intéresse beaucoup la grande criminalité qui a compris qu'on peut faire beaucoup d'argent avec cela», détaille Nicolas Fontinos. Pas facile, dès lors, de combattre le phénomène. «Les criminels sont très flexibles: dès qu'une porte d'entrée est sous la loupe des autorités, ils en cherchent une autre.»
L'exemple de ces dernières années est éloquent, poursuit-il. En 2020, la plupart des médicaments importés illégalement provenaient de Singapour. Une fois que ce canal a été bloqué, les criminels ont cherché une autre option, en faisant notamment passer la marchandise par l'Allemagne, puis par la Pologne. La majorité de produits confisqués l'année passée est fabriquée en Inde.
Et qui dit criminalité, dit punition. Là encore, plusieurs cas de figure existent. «Dans la plupart des cas, il s'agit de petites quantités commandées pour un usage personnel. Les patients reçoivent alors une lettre les avertissant qu'il s'agit de médicaments illégaux et la chose s'arrête là», explique Nicolas Fotinos. La situation change pour ceux qui achètent et revendent de grandes quantités:
Si ce phénomène est connu depuis longtemps, la situation pourrait changer à l'avenir. C'est du moins ce qu'espère Christophe Berger. Et cela à cause de deux phénomènes.
Tout d'abord, ces médicaments deviennent de moins en chers. «Depuis 3 ou 4 ans, l'arrivée constante de nouveaux génériques sur le marché tire les prix vers le bas», explique le président de la SVPH.
Deuxièmement, un changement introduit récemment pourrait dissuader les clients les plus timides. «Depuis début 2022, les patients peuvent accéder plus facilement à certains médicaments sur ordonnance dont font partie les stimulants de la fonction érectile», avance Christophe Berger. «Ces produits ne sont pas en libre accès, mais sont à disposition des pharmaciens, ce qui veut dire que le patient ne doit plus en parler préalablement avec un médecin.»