La Suisse, la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays ont commencé, dimanche, à évacuer leurs ressortissants ou personnel diplomatique du Soudan. Les combats meurtriers entre armée et paramilitaires y font rage depuis plus d'une semaine.
Plusieurs pays mènent des opérations de rapatriement de leurs ressortissants du Soudan où la guerre entre armée et paramilitaires fait rage depuis plus d'une semaine. Les violences, principalement à Khartoum et au Darfour (ouest), ont fait selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) plus de 420 morts et 3700 blessés.
Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont annoncé l'évacuation de leurs diplomates, avec leurs familles. L'Italie, la Turquie et d'autres pays ont aussi indiqué qu'ils allaient tenter d'évacuer leurs ressortissants.
Une «opération très complexe», selon le ministre néerlandais des Affaires étrangères Wopke Hoekstra qui a annoncé l'évacuation de deux groupes de Néerlandais: le premier à bord d'un avion français et l'autre a quitté Khartoum par la route dans un convoi de l'ONU.
L'ambassade de Suisse à Khartoum est fermée depuis dimanche. Les sept membres du personnel helvétique ainsi que cinq accompagnants ont pu être évacués en collaboration avec des pays tiers, a indiqué dimanche soir le Département fédéral des affaires étrangères. «L'exercice a été rendu possible grâce à une collaboration avec nos partenaires, notamment la France», a aussi écrit sur Twitter le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis.
#Soudan: pour des raisons de sécurité, nous fermons notre ambassade à Khartoum. Notre personnel et leurs familles ont été évacués & sont en sécurité. L’exercice a été rendu possible grâce à une collaboration avec nos partenaires, notamment la France 🇫🇷. Merci pour leur soutien. pic.twitter.com/WCeMFFNFPp
— Ignazio Cassis (@ignaziocassis) April 23, 2023
«Les acteurs internationaux auront moins de poids quand ils auront quitté le pays», estime Hamid Khalafallah, chercheur spécialiste du Soudan. Il plaide:
A Khartoum, les cinq millions d'habitants craignent une intensification des violences après le départ des étrangers, dans leur ville privée d'eau courante et d'électricité, avec des réseaux téléphonique et internet souvent défaillants. Les raids aériens de l'armée et les tirs de canon des paramilitaires ont déjà détruit ou obligé à fermer «72% des hôpitaux» dans les zones de combat, selon le syndicat des médecins.
Dans les rues, des lampadaires gisent au sol, des magasins incendiés fument encore. Ici, une banque a été éventrée. Là, malgré tout, un mécanicien tente de garder son échoppe ouverte au cas où un des très rares passants aurait besoin de ses services.
Le conflit a éclaté le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les très redoutés paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Les deux généraux avaient pris le pouvoir avec un putsch en 2021 qui a brutalement interrompu la transition démocratique lancée à la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019. Mais ils se sont divisés sur la question de l'intégration des FSR aux troupes régulières, après des mois de négociations politiques sous égide internationale.
Alors que les deux camps se livrent aussi à une guerre de l'information, il est impossible de savoir qui contrôle les institutions du pays ou les aéroports et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats.
Des prisonniers ont été libérés d'au moins une prison, ont indiqué des avocats alors que d'autres sources rapportent, sans que personne n'ait pu le vérifier, des attaques contre deux autres prisons, notamment celle de Kober qui accueille l'ensemble des détenus politique dont Béchir.
Cette semaine, l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin du ramadan, a eu un goût amer pour les habitants de Khartoum. «On vit dans le noir: d'abord, on nous a coupé l'eau courant, puis on n'a plus eu d'électricité», se lamente l'un d'eux, Awad Ahmed Chérif.
Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, théâtre déjà d'un terrible conflit dans les années 2000, où personne ne peut se rendre dans l'immédiat. Sur place, un docteur de Médecins sans frontières (MSF) évoque une «situation catastrophique».
Au Soudan, troisième producteur d'or d'Afrique et pourtant l'un des pays les plus pauvres au monde, les services de santé sont à genoux depuis des décennies et un tiers des 45 millions d'habitants souffre de la faim.
L'arrêt des opérations de la plupart des organisations humanitaires va aggraver la situation. Et le conflit menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts. (jah/ats)