Dans les couples, on appelle ça «faire un break». Eh bien, c’est ce que font les partenaires suisses et français de la ligne ferroviaire Bienne-Belfort. Il faut à présent éviter que le break se transforme en divorce. «On a huit mois pour trouver une solution», prévient le conseiller aux Etats jurassien Charles Juillard, membre de la commission des transports et des télécommunications au parlement, à Berne.
Bref rappel des faits: début août, la région Bourgogne-Franche-Comté provoquait la consternation en annonçant qu’à compter de décembre 2025, le train suisse reliant depuis 2018 Bienne à Belfort s’arrêterait à Delle, côté français, à la frontière du canton du Jura. Dans ce dossier aux multiples facettes, la région en question «veut faire appliquer la loi française», indique à watson le premier vice-président de Bourgogne-Franche-Comté, chargé des mobilités, Michel Neugnot.
La loi française, c'est-à-dire? Les explications de Michel Neugnot:
David Asséo, le délégué aux Transports du canton du Jura, confirme à watson que ce type d'exploitation a été proposé aux Suisses au printemps dernier. Il développe:
Dans le cadre du plan «Convergence 2026» soumis aux Français pour sortir «par le haut» d’une situation ne satisfaisant aucune des parties, les Suisses proposaient d’exploiter la ligne Bienne-Belfort jusqu’à Belfort ville, le terminus, et non plus seulement jusqu’à Belfort TGV. Avec introduction de l’horaire cadencé à la demi-heure. Ils entendaient, comprend-on, faire preuve d’efficacité en proposant un service que les Français ne semblent pas en mesure de fournir actuellement.
Le chargé des mobilités Michel Neugnot ne prend en compte que les intérêts français dans l'affaire. «L’actuel ligne Bienne-Belfort a trois fonctionnalités: amener les voyageurs suisses à la gare TGV de Belfort; le trafic des passagers entre Belfort ville et Belfort TGV; le trafic des travailleurs entre Belfort ville et Delle.»
Or, au moins deux de ces trois fonctionnalités ne donnent pas satisfaction. Premièrement, trop peu de Suisses empruntent la ligne pour gagner la gare TGV de Belfort – la faute à la partie helvétique qui n’a pas introduit de trains directs, déplore Michel Neugnot. Ensuite, le trafic des travailleurs reste très faible entre Belfort ville et Delle. C’est pour l’accroître que le partenaire suisse proposait sa formule d’horaire cadencé à la demi-heure.
Michel Neugnot ne croit pas à cette formule. «Nous privilégions l’intermodalité, qui comprend le trafic ferroviaire, le trafic de bus et le covoiturage», dit-il. Le conseiller aux Etats jurassien Charles Juillard est sceptique:
Pour le sénateur suisse, cela tient en partie à une question de mentalité: «La région de Belfort c’est celle des usines Peugeot-Citroën de Sochaux et Mulhouse, la voiture a ici un côté identitaire marqué.»
Tout cela ne dit pas ce qu’il adviendra de la ligne Bienne-Belfort. On sait que les trains suisses devront interrompre leur route à Delle, la partie française l’ayant décidé. Mais est-on sûr que la partie suisse voudra encore aller jusqu’à Delle? Peut-être décidera-t-elle de s’arrêter à Boncourt. D’où la mise en garde de Charles Juillard: «Nous avons huit mois pour trouver une solution.» Pourquoi huit?
Les discussions devraient donc reprendre entre Suisses et Français. Ces derniers sont-ils définitivement fermés à l’idée de voir des trains suisses circuler au moins jusqu’à Belfort TGV? Pourraient-ils y consentir à condition que les Suisses veuillent bien envisager la possibilité d’un direct depuis Delémont? La ville de Porrentruy, en Ajoie, ne dirait pas «non» à cette option, elle qui n’est reliée au chef-lieu jurassien que par des omnibus.
Un compromis sera peut-être trouvé. Charles Juillard, président du groupe d’amitié entre les parlementaires suisses et français, pourrait agir dans la coulisse en ce sens.
Le Mouvement Franche-Comté entre dans la danse. Cette structure régionaliste n’a jamais avalé la fusion de la Franche-Comté avec la Bourgogne en 2015 – «c’est comme si on décidait d’autorité de fusionner Genève et Vaud», compare son président, Jean-Philippe Allenbach, joint par watson. Il est le fils de feu Jean-Pierre Allenbach, animateur vedette à «Radio Genève» dans les années 1960.
Dans un communiqué daté de ce mardi, le Mouvement Franche-Comté et son président affirment:
Voilà qui est dit.