Une mère célibataire de 49 ans a remporté, début septembre, une victoire éclatante contre l'assurance-invalidité (AI). Après une bataille juridique de plusieurs années, le Tribunal fédéral a annulé l'évaluation de l'office AI du canton de Zurich, estimant qu'elle n'était pas «appropriée». En d'autres termes, l'assurance-invalidité était trop chiche.
La dispute sur les économies excessives a commencé en 2014: la plaignante, paraplégique et dépendante d'un fauteuil roulant depuis l'âge de 21 ans, a demandé à l'AI une contribution d'assistance. Celle-ci devait lui permettre de payer un assistant qui l'aiderait au quotidien dans ses tâches de mère.
Il est toutefois rapidement apparu que la mère et l'AI n'avaient pas la même idée du nombre d'heures quotidiennes nécessaires pour élever un enfant. Ce problème s'est aggravé, en 2017, lorsqu'un deuxième bébé est venu au monde: la mère a demandé un soutien complet de 180 heures par mois – l'AI et les tribunaux cantonaux n'ont accordé qu'une fraction de cette demande.
C'est lié à la manière dont les autorités tranchent les cas: sur la base de chiffres tirés de cas moyens. L'AI a développé à cet effet un outil qui permet de calculer, strictement selon un système de sélection, l'ampleur de la dépense autorisée pour une personne assistée.
On peut se représenter cela comme un système d'achat en ligne où l'AI attribue des valeurs symboliques entre 0 et 4 à des tâches telles que:
Selon l'importance estimée du besoin d'aide. Pour le calcul, on prend ensuite les valeurs empiriques moyennes.
Le problème de ce système, tout d'abord, est qu'il ne prend pas en compte certains cas particuliers, comme celui de la femme paraplégique élevant seule son enfant. De plus, l'outil de calcul «Fakt2» est loin de la réalité, du moins pour évaluer combien il faut s'impliquer pour élever un enfant: il a calculé qu'une mère paraplégique n'a besoin que de quatorze heures d'aide par semaine, soit deux heures par jour.
Parce que ce nombre d'heures est bien trop bas, a décidé le Tribunal fédéral. Pour arriver à cette conclusion, il s'est appuyé sur une enquête représentative de la Confédération (l'enquête suisse sur la population active), qui a conclu que les femmes consacraient en moyenne 23 heures par semaine et les hommes 14,8 heures à l'éducation d'un enfant. Cela comprend les tâches quotidiennes telles que:
C'est donc bien plus que ce que l'AI avait calculé avec son outil Fakt2. C'est pourquoi le Tribunal fédéral a annulé les rapports de ce dernier, pour le motif qu'ils étaient «contraires au droit fédéral», et leur a dénié toute valeur probante. Pour la mère, cela signifie concrètement qu'elle recevra plus d'argent pour la période suivant la naissance de ses deux enfants. La question de savoir combien exactement reste ouverte et doit être a nouveau tranchée par l'AI.
Ce jugement a eu un autre impact qui concernera tous les parents qui pourraient un jour se retrouver à l'AI. En effet, le Tribunal fédéral a, en plus, ordonné à l'assurance-invalidité de clarifier l'ampleur du besoin d'aide pour l'éducation et la prise en charge des enfants.
Pour d'autres personnes en conflit avec l'AI, ce jugement a une certaine importance: le Tribunal fédéral a en effet révisé une décision antérieure dans laquelle l'outil Fakt2 était «fondamentalement» considéré comme un «instrument approprié pour déterminer l'ensemble des besoins d'aide». Dans les futures procédures judiciaires, il pourrait ainsi être plus facile de contester les décisions de l'AI.
Arrêt du Tribunal fédéral 9C_538/2021 du 6 septembre 2022
Traduit de l'allemand par Tanja Maeder