Dans une salle de réunion de l’administration communale de Wiler (VS), Matthias Bellwald a installé son poste de travail avec une précision militaire. Ordinateur portable, dossiers et stylos sont parfaitement alignés au bout d’une grande table. Entré en fonction en janvier, cet ancien officier de carrière s’est retrouvé propulsé chef de crise, après le terrible glissement de terrain du 28 mai dernier qui a englouti le village de Blatten (VS).
Rapidement, l'élu a trouvé les mots justes pour rassurer la population. Son calme et son engagement dans la gestion de la catastrophe ont été salués de toutes parts. Mais pour certains, son calendrier pour la reconstruction semble trop ambitieux.
Récemment, plusieurs étapes importantes ont été franchies. Une route d’accès provisoire mène désormais jusqu’au village enseveli, les travaux de déblaiement ont commencé, des tranchées pour les réseaux électriques et d'autres infrastructures ont été creusées jusqu’à la limite de la commune, et l’approvisionnement en eau devrait bientôt être rétabli.
Matthias Bellwald, comment jugez-vous ces avancées?
Ces progrès sont essentiels à double titre. D’un côté, ils montrent aux habitants que le retour au village devient un objectif concret. De l’autre, ils illustrent l’élan de solidarité dont nous avons bénéficié et bénéficions encore depuis toute la Suisse. Nous envoyons un message fort:
Etes-vous satisfait du travail accompli jusqu’à présent?
Je suis très content. Sur certains points, nous avons même de l’avance sur notre calendrier. Et c’est crucial. Ici, dans le Lötschental, on ne sait jamais quand l’hiver va frapper.
La montagne reste instable et un énorme amas de glace et de gravats recouvre encore le village. Fin juin, lors d’une assemblée communale, vous avez présenté un calendrier ambitieux, avec une reconstruction dès 2028, un retour des habitants en 2029. N’avez-vous pas peur de trop promettre?
Non, je suis convaincu que c’est possible. Il faudra évidemment beaucoup d’énergie, de patience, et surtout un soutien de la part de toute la Suisse. C’est un marathon que nous avons entamé. Mais notre rythme est bon, c’est ce que me confirment les habitants, tout comme les échanges avec les représentants cantonaux et fédéraux.
D’où tirez-vous cet optimisme?
Mon expérience m'a montré que chaque catastrophe offre une chance de rebondir plus haut. Nous voulons prouver qu’avec cette solidarité, uniquement possible en Suisse, nous pouvons concrétiser notre vision. Notre pays est l’un des plus modernes, innovants et prospères au monde. Sa capacité à entreprendre et à créer est incroyable.
Le Lötschental sans Blatten, ou Blatten sans le Lötschental, ce n’est pas envisageable. Les trois autres communes de la vallée – Ferden, Kippel et Wiler – sont ensemble plus petites que Blatten. Il n’est pas question d’abandonner la moitié supérieure de la vallée. C’est notre chez-nous.
Vous êtes en poste depuis le début de l'année. Avez-vous déjà atteint les limites de votre résilience?
Je n'ai jamais atteint mes limites, malgré une pression énorme qui persiste. Chaque président ou présidente de commune peut un jour être confronté à une telle situation. A Bâle, un séisme peut survenir demain, à Berne, une crue millénaire dans le quartier de la Matte peut arriver. Il faut en être conscient.
L’important, c’est de toujours se relever une fois de plus que ce que l’on est tombé. Le temps ne s’arrête pas, il y a toujours une solution, même si elle coûte cher. Ma plus grande source de motivation, c’est la responsabilité que les habitants m’ont confiée. Pour cette génération, et les suivantes. Comme nos ancêtres l’ont fait pour nous...
Traduit de l'allemand par Joel Espi