Quiconque s'est déjà promené en Lavaux, sur les hauteurs du Léman, le sait: non seulement beaucoup de vignes bordent le chemin, mais aussi pas mal de maisonnettes inhabitées.
Ce que l'on sait moins en revanche, c'est que ces maisonnettes, qui servaient autrefois à entreposer des outils, font débat depuis des années dans le canton de Vaud. Nombre d'entre elles restent vides, car en raison de leur taille, les machines sont généralement rangées dans les bâtiments principaux des exploitations. Les viticulteurs ont donc eu l'idée d'utiliser ces «capites» à des fins touristiques.
Mais les lois sont complexes – voire bizarres. C'est ce qu'a également remarqué en 2015 le directeur de l'économie vaudoise, Philippe Leuba (PLR). Il s'est demandé pourquoi on avait le droit d'offrir un verre de vin dans les capites et de vendre des bouteilles fermées, mais pas de proposer du vin au verre pour la consommation sur place. Son département a donc adopté sans hésiter une directive pour assouplir les règles et ouvrir la voie aux bars à vin.
Cela n'a guère aidé. «La frustration est grande», raconte Jean-François Neyroud, qui possède un domaine viticole à Chardonne et qui a expérimenté la situation:
Jean-François Neyroud a commencé à prêter sa capite de deux étages à un particulier à l'été 2021. Celui-ci proposait du vin et des apéritifs sur la terrasse. Au bout d'un mois, la police a mis fin à cette activité et a infligé une amende de 4000 francs au viticulteur.
Les forces de l'ordre reprochaient à Jean-François Neyroud de n'avoir pas tenu compte du fait que les dégustations payantes et la restauration dans les capites nécessitent une autorisation de la police du commerce. Pour l'obtenir, des règles d'hygiène doivent être respectées, ce qui nécessite souvent de légères adaptations du bâtiment. Pour cela, il faut à nouveau une autorisation cantonale. Et comme les capites sont situées hors zone constructible, c'est quasiment impossible.
C'était du moins le cas sous l'ancienne loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Selon l'interprétation du canton de Vaud, celle-ci n'offre aucune marge de manœuvre pour la transformation des capites en bars à vin. En effet, l'œnotourisme n'est pas considéré comme une activité agricole, selon un porte-parole.
Mais avec la session d'automne qui vient de s'achever à Berne, la situation a un peu changé. Vendredi, le Parlement a adopté la loi révisée sur l'aménagement du territoire, connue comme la LAT2.
Les cantons disposent ainsi d'un nouvel instrument de planification: ils pourront à l'avenir créer des zones spéciales en dehors des zones à bâtir, dans lesquelles il sera possible de déroger aux règles restrictives. Par exemple, les agriculteurs pourraient transformer les granges inutilisées en logements.
Le réaménagement des bâtiments pour le tourisme, comme dans le cas des capites en Lavaux, serait également possible, explique Thomas Kappeler de l'Office fédéral du développement territorial:
Ce qui est déterminant, c'est que le territoire soit globalement revalorisé. Les nouvelles utilisations doivent donc être compensées par la démolition d'autres constructions. De plus, des mesures de revalorisation telles que de nouvelles haies sont obligatoires.
Parmi les plus de 400 000 constructions inhabitées situées hors zone à bâtir en Suisse, les maisonnettes de vignoble pourraient être parmi les premières à profiter de la nouvelle marge de manœuvre légale. Des parlementaires vaudois font en effet déjà pression sur le Canton.
Leur chef de file n'est autre que le PLR Maurice Neyroud, lui-même viticulteur et parent éloigné de Jean-François Neyroud. Avec 32 cosignataires, il a déposé mardi une motion au parlement cantonal. Elle vise à charger le gouvernement vaudois d'élaborer des solutions pour les capites, afin que les viticulteurs puissent les utiliser pour la commercialisation du vin.
«C'est à l'exécutif de déterminer dans quelle mesure la loi révisée sur l'aménagement du territoire offre de nouveaux instruments à cet effet», explique Maurice Neyroud:
En attendant, les viticulteurs se sont débrouillés seuls pour trouver une parade transitoire: contourner le flou juridique grâce à des autorisations pour des manifestations temporaires. Cette année, la capite de Jean-François Neyroud se transforme ainsi en bar à vin pendant cinq week-ends au total. Cinq demandes d'autorisation, soit le maximum autorisé par an selon les dispositions cantonales. L'avis de Jean-François Neyroud? «Mieux que rien, mais tout sauf efficace.»
Traduit de l'allemand par Valentine Zenker