C'est la dernière affaire en date qui illustre la violence en milieu scolaire. Excédé par l'attitude d'un élève, un enseignant de Genolier (VD) l'a frappé au visage au point de lui occasionner une blessure au nez. Selon 24 heures, l'enseignant a été suspendu.
Autre exemple symptomatique de cette violence, qui va souvent dans les deux sens, une enseignante valaisanne révèle à watson qu'elle a été mordue par un élève de 6-7 ans l'année passée. «Il était souvent très excité. Je lui ai signalé que son comportement était inadapté, mais il recommençait au bout de quelques jours. Il a jeté tout ce qui se trouvait à sa portée. J'ai essayé de le maintenir. Il s'est débattu et s'est mis à me donner des coups de poings et de pieds.»
La question de la discipline en milieu scolaire est un sujet qui fait bouillonner tous les esprits - professeurs, parents, élèves, justice - depuis des années. Mais que sait-on des mécanismes qui poussent élèves et enseignants à «aller trop loin»?
A des degrés variables, toutes les écoles sont confrontées à des phénomènes d'indiscipline et de violence. Entre chahut, bavardage, refus d'étudier, retards systématiques et cours perturbés, bagarres, la liste est longue. «Les sanctions disciplinaires qui peuvent découler du franchissement des limites sont définies dans les lois cantonales», souligne Samuel Rohrbach, président du Syndicat des enseignants romands. Il rappelle, par ailleurs, que la grande majorité des règlements des écoles prévoient un point sur les comportements, l’attitude, le respect, la relation avec les camarades et les adultes de l’école ainsi que sur la politesse.
En Suisse, depuis le début des années 2000, les problèmes de discipline en milieu scolaire ont commencé à occuper, de plus en plus, l'opinion publique, les médias, mais aussi les autorités. Pour endiguer ces phénomènes de violences physiques et verbales, Berne a été l'un des premiers cantons à avoir légiféré pour élargir les compétences de l’école en termes de sanctions disciplinaires. Des parents d'élèves s'étaient insurgés contre ce changement majeur. L'affaire avait atterri au Tribunal fédéral. Un autre cas avait défrayé la chronique: un élève saint-gallois de neuvième année avait tabassé le concierge de l’école. Après son expulsion, sa maman avait saisi le Tribunal fédéral. Selon les juges fédéraux, l'élève ayant déjà été averti et sanctionné plusieurs fois, son renvoi définitif constituait la dernière mesure possible. Toutefois, Mon-Repos a bien indiqué qu'il s'agissait d'une solution de dernier recours et que, pour le bien de l'élève et de la société, les renvois de longue durée étaient à éviter.
Selon les données disponibles, en Suisse, au moins une classe sur quatre est considérée comme «difficile» en raison des problèmes que rencontrent les enseignants. Celui de la prise en charge des élèves perturbateurs, en particulier dans le cadre de la scolarité obligatoire, se pose avec acuité dans toutes les régions linguistiques du pays.
D'après une étude menée en 2019 et commanditée par les responsables de l'instruction publique des cantons latins (Suisse romande et Tessin), les violences et incivilités sont devenues «plus visibles et fréquentes du fait de la massification scolaire et de l’allongement des études». Malgré la présence de psychologues, d'infirmières scolaires, de médiateurs et d'assistants socio-éducatifs. Les experts sont d'avis que les élèves qui «font péter une classe» existent aussi bien en milieu urbain que rural, dans les petits comme les grands établissements. Mais le constat suivant a été fait: mieux prises en charge en amont, beaucoup de situations de crises auraient pu être évitées.
Les résultats de cette étude intitulée Analyse de situations de perturbation scolaire dans les cantons romands ont été publiés cette année. Responsable du Master en enseignement spécialisé de la Haute école pédagogique du Valais, Corinne Monney en est la co-auteure. Elle est d'avis que «les faits de violence en milieu scolaire décrits dans la presse relèvent plutôt d’un effet loupe qui ne tient pas compte de la complexité des situations». D'ailleurs, selon elle, l'étude démontre que «malgré des faits ponctuels constatés et la mention d’une augmentation de signalements en début de la scolarité dans plusieurs cantons, les situations de perturbation graves n’en restent pas moins rares».
«Tous les cantons ont des projets et des dispositifs d’encadrements allant dans le sens d’un vivre-ensemble fort et tentent (entre rejet de la désignation et désignation tout de même), d’œuvrer encore plus en amont en termes de prévention», rappelle Corinne Monney. Comme le relève l'étude codirigée par l'experte valaisanne, «les diverses interventions sont à la recherche d’un équilibre entre la nécessité de tenir compte de la classe et de son climat de travail ainsi que celle de l’élève singulier au cœur de la situation perturbée pour lui permettre de reprendre goût au travail et de retrouver une assise scolaire».
Pour Corinne Monney, plusieurs pistes existent. «De manière très raccourcie, des dispositifs favorisant la pleine participation sociale et la parole de l’enfant, de sa famille au sein de projets pédagogiques interdisciplinaires explicites et soutenus par les Directions montrent des résultats prometteurs.»
Pour les cas graves, une prise en charge psycho-médicale ou judiciaire est mise en place. Une exclusion temporaire peut aussi être prononcée. Mais en Suisse comme sur le plan international, bon nombre d'experts indiquent que l’écoute et la prise en compte de la parole des élèves permettent de prévenir la violence. Au lieu de mesures punitives, il serait donc, d'après eux, préférable d’envisager l’instauration d’une justice «restaurative» et préventive par le biais de mesures qui contribuent au développement des compétences sociales des élèves. «S’intéresser aux perturbations scolaires», analyse Corinne Monney, «demande de prendre en compte les effets des changements structurels sur les acteurs scolaires, leurs attentes, leurs compétences, leurs craintes et leurs résistances, mais aussi de vérifier comment ces attitudes et attentes nouvelles agissent sur les comportements des élèves et des enseignants».
Les problèmes de comportement à l'école ne datent pas d'aujourd'hui. Saint Augustin déplorait déjà l’indiscipline de ses élèves: «Ces insensés qui perturbent l’ordre institué pour leur bien même». Corinne Monney explique que «l’attention plus grande portée aux besoins des élèves, les différentes réformes scolaires, l’injonction à la fois à l’inclusion et à la sélection peuvent avoir contribué à renforcer une perception plus aigüe des situations».