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Tirage au sort des juges fédéraux, mais sur quoi vote-t-on?

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Tirer au sort des juges fédéraux? De quoi parle-t-on vraiment?

La population suisse se rend aux urnes le 28 novembre prochain pour se prononcer sur la «désignation des juges fédéraux par tirage au sort» ou «initiative sur la justice». Quelle est l’idée derrière?
07.11.2021, 09:37
Team watson
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Le 28 novembre 2021 la Suisse vote pour introduire dans la Constitution des articles qui modifient fondamentalement la façon dont sont désignés les juges fédéraux. A l’heure actuelle, ces juges sont élus par le Parlement tous les six ans. Afin de respecter une représentation proportionnelle des partis politiques, c’est la Commission judiciaire qui, selon la Confédération:

  • Met au concours les postes vacants et examine les candidatures.
  • Propose des candidats justifiant des aptitudes professionnelles et personnelles requises.
  • Veille, de sa propre initiative, à ce que les langues et les forces politiques soient représentées le plus équitablement possible.

Ainsi étiquetée politiquement, les juges fédéraux versent généralement à leur parti une part de leur traitement.

Pourquoi on vote?

Cette façon de procéder déplaît à certaines personnes, qui ont décidé de lancer une initiative. A son origine, on trouve la «Stiftung für faire Prozesse» (traduction: Fondation pour des procès équitables). Le comité est composé notamment d’Adrian Gasser, un multimillionnaire thurgovien, du politologue Nenad Stojanović et de Karin Stadelmann, collaboratrice scientifique et présidente du Centre (ex-PDC) lucernois.

L’initiative a été lancée en mai 2018 et déposée en août 2019, munie de 130 100 signatures valables sur les 100 000 nécessaires. En août 2020, le Conseil fédéral propose au Parlement de rejeter le texte (ce qu’il a fait entre mars et juin). Le 30 juin, le Conseil fédéral décide de soumettre l’initiative à la votation populaire du 28 novembre.

Que demande l’initiative?

En substance, l’initiative demande que les juges fédéraux ne soient plus élus par le Parlement, mais désignés par tirage au sort. Ce tirage serait organisé de façon à ce que l’ensemble des langues officielles du pays soient équitablement représentées. L’initiative laisse au législateur le soin de définir les détails de la mise en œuvre de la procédure.

Concrètement, une commission indépendante déciderait qui peut participer au tirage au sort. Elle ne pourrait admettre que les candidats légitimes, qui peuvent justifier des compétences professionnelles et personnelles pour l’exercice de la fonction de juge. Le législateur (le Parlement) devra définir ce qui est entendu par la notion d’aptitude professionnelle et personnelle.

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C’est le Conseil fédéral qui déciderait des membres de cette commission. Ils seraient nommés pour une durée unique de douze ans. Durant leur activité, ils devraient aussi être indépendants des autorités et des partis politiques.

Une fois tirés au sort, les juges du Tribunal fédéral pourraient rester en fonction jusqu’à cinq ans après avoir atteint l’âge ordinaire de la retraite. Contrairement à aujourd’hui, ils n’auraient pas à se présenter à une réélection. Ils pourraient être révoqués par le Parlement, sur proposition du Conseil fédéral, dans deux cas seulement:

  • S’ils ont violé gravement leurs devoirs de fonction.
  • S’ils ont durablement perdu la capacité d’exercer leur fonction (par ex. pour des raisons de santé).

Le texte complet

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Trois arguments pour

  • Meilleure séparation des pouvoirs
    La séparation des pouvoirs (Parlement, gouvernement, justice) fait partie des principes fondamentaux essentiels de la démocratie. Or, le système actuel rend dépendants les juges des partis.
  • Supprimer la pression des partis
    La nécessité d’être affilié à un parti pour être élu juge est plus importante que les compétences professionnelles. De plus, les juges se sentent redevables envers leur formation politique. En outre, les «gêneurs» courent le risque de ne pas être réélus, ce qui crée une menace permanente qui peut influencer négativement la qualité des arrêts.
  • Rendre la justice plus indépendante
    De plus en plus de décisions politiques sont prises non pas par le Parlement, mais par le Tribunal fédéral. Ce dernier fait en tant qu’instrument des autorités et des partis, contournant les droits populaires. Dès lors, la Suisse ne méprisera plus la séparation des pouvoirs entre politique et justice.

Trois arguments contre

  • Le hasard n'est pas démocratique
    L'élection d'un juge est, aujourd'hui, un processus démocratique. Les opposants estiment qu'avec la désignation par le hasard, ce ne seront pas les plus compétents, mais les plus chanceux qui se verront choisis. Ce n'est plus une élection démocratique et publique, mais un jeu de hasard.
  • Crainte pour la représentativité
    Le Parlement, au moment de l'élection d'un juge, tient compte de la force électorale des partis. Les différents courants de pensées sont ainsi représentés de façon équilibrée. A noter que les députés considèrent l'âge, le genre et l'origine du juge avant de l'élire. Le hasard ne tient pas compte de l'ensemble de ces éléments.
  • Les juges sont déjà libres
    Dans les faits, les juges fédéraux rendent leur décision en toute indépendance. Cette dernière est protégée par la Constitution. Enfin, il n'est jamais arrivé qu'un juge ne soit pas réélu à cause d'un arrêt qu'il aurait rendu.

Qui est pour? Qui est contre?

Ceux qui sont pour

  • Au niveau politique, on ne trouve que le comité d'initiative et ses sympathisants.

Ceux qui sont contre

  • L'ensemble des six partis qui dominent le parlement.
  • Le Conseil fédéral a rejeté le texte.
  • Les Chambres fédérales ont rejeté le texte.

Que disent les sondages?

Selon le dernier sondage Tamedia paru le 3 novembre l'initiative «Désignation des juges fédéraux par tirage au sort»:

  • Est actuellement soutenue par 44% des sondés, soit 4 points de pourcentage de moins que lors du premier sondage. A noter que ceux en faveur du texte se trouvent majoritairement parmi les sympathisants des Verts.
  • Est rejetée par 39% des sondés. Ce qui signifie que le camp du «non» est plus fort de 6 points de pourcentage que dans le premier sondage.

Il est intéressant de noter la forte proportion des indécis: 17%. Autrement dit, ce texte est encore peu connu du grand public et particulièrement chez les jeunes.

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