La guerre commerciale lancée par Donald Trump avec l'annonce de ses droits de douane est en train de rebondir et frapper de plein fouet sur l'économie américaine. Elle touche de nombreux secteurs, y compris l'armement. Hors, selon le Wall Street Journal, cela pourrait faire monter à la hausse le prix de l'avion de combat F-35, dont 36 exemplaires ont été commandés par la Suisse pour six milliards de francs.
La logique est simple: si les Etats-Unis appliquent des droits de douane sur des produits étrangers, les pays concernés les feront monter à leur tour. Sauf que la production du F-35 requiert un grand nombre de pièces et de matériaux de pointe, dont une partie est produite à l'étranger. Si le prix de ces pièces augmente, celui des F-35 devrait lui aussi subir une hausse à la sortie d'usine.
Selon le quotidien économique, 1200 fournisseurs participent directement ou indirectement à la production des F-35. Pas loin d'une trentaine de pièces essentielles sont construites à l'étranger, qu'il s'agisse du siège éjectable, du manche à balai, du train d'atterrissage, ou même d'une partie du fuselage et des ailes. Les entreprises qui construisent ces parts sont toutes occidentales. Elles sont basées au Royaume-Uni, au Danemark, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Italie, en Australie et au Canada.
Par effet boule de neige, des composants non-américains taxés, mais nécessaires à la fabrication de pièces produites aux Etats-Unis vont, eux aussi, faire monter les prix. Le patron de l'entreprise RTX, qui produit rien de moins que les moteurs du F-35, mais aussi plusieurs de ses capteurs, a ainsi déclaré au Wall Street Journal que sa société allait perdre 850 millions de dollars à cause des tarifs douaniers.
En février dernier, la NZZ avait déjà estimé à 20% l'augmentation possible des coûts du F-35 pour la Suisse. Les craintes publiques du CEO de RTX illustrent pratiquement les conséquences de la politique de tarifs douaniers de l'administration Trump. Tant le Département de la Défense américain que la Maison-Blanche n'ont pas donné leur avis au Wall Street Journal.
Le prix de six milliards convenu entre Washington et Berne est censé rester fixe, avait déclaré l'Office fédéral de l'armement Armasuisse lors de la signature des contrats, en septembre 2022.
Les parlementaires membres des commissions politiques de sécurité eux-mêmes n'ont pas eu accès aux contrats. Mais selon les informations de la NZZ, le gouvernement américain doit vendre les avions au prix convenu à la Suisse, peu importe les frais de production supplémentaires.
Mais le conseiller national Fabien Fivaz (Verts/NE), membre de la commission de politique de sécurité, n'y croit pas. «J'imagine mal les Etats-Unis absorber l'augmentation des coûts supplémentaires et demander aux contribuables de payer 1 ou 1,5 milliard supplémentaire.» Sa conclusion?
L'écologiste analyse les différents scénarios. «Si nos autorités l'acceptent, on piétine la décision de la population qui a accepté un crédit de six milliards en votation populaire», note-t-il. «Dans ce cas, ce sera au DDPS d'assumer ces surcoûts et de faire des économies ailleurs.» Et l'autre scénario?
Du côté d'Armasuisse, on assure à watson que «les hypothèses concernant l'impact des droits de douane» sur un possible surcoût du F-35 «ne reposent sur aucune base solide et sont spéculatives». On indique toutefois que «plusieurs négociations commerciales ont lieu entre les Etats-Unis et d'autres pays» et que «la Suisse est en pourparlers avec les autorités américaines».
Plusieurs membres du Congrès américain ont appelé à faire des exceptions sur les affaires de Défense. Un chapitre des contrats d'armement, le numéro 98, permettrait une disposition les faisant passer en «matériel de guerre d'urgence», permettant d'éviter de payer les droits de douane.
Cet argument a notamment mis en avant, car de nombreux F-35 ont été vendus à «des alliés des Etats-Unis». Il n'est pas sûr que la Suisse, qui n'est pas membre de l'Otan, fasse partie de cette liste. D'ici à ce que les décisions du Congrès soient connues, Berne va continuer de naviguer dans un contexte incertain.