Suisse
Lausanne

«Un petit sans histoire»: les amis de Marvin se confient

Marvin, tué lors d'un accident de scooter à Lausanne en août 2025
Marvin, 17 ans, est décédé suite à un accident de scooter le dimanche 23 août 2025 instagram

«Vous avez vu ce qu'on a écrit sur lui?»: les amis de Marvin se confient

Après deux soirées d'émeutes, le quartier de Prélaz, à Lausanne, a vécu une soirée calme ce mardi 26 août. Durant la nuit, des amis de Marvin se sont rendus spontanément sur le lieu de l'accident pour se recueillir et nous ont livré leurs sentiments. Témoignages.
27.08.2025, 16:0927.08.2025, 16:16
Plus de «Suisse»

Le quartier de Prélaz, à Lausanne est particulièrement calme ce mardi 26 août, après deux nuits d'émeutes. A 23h alors que les journalistes se préparent à quitter le quartier faute d'événements à couvrir, nous décidons de nous rendre sur le lieu de l'accident qui a coûté la vie à Marvin, lausannois de 17 ans. Là, nous avons rencontré des amis du défunt. Récit.

«La joie de vivre»

A l'avenue de Sévery, des bouquets de fleurs, des photos et des mots sont laissés sur un mausolée improvisé. Là, six jeunes se recueillent en silence devant les portraits du «petit» comme ils aiment à l'appeler. Le groupe s'enquiert de la famille, mais un prénom est sur toutes les lèvres, celui de Dayron, l'un des grands frères de Marvin. «Il va comment Dayron? Il tient le coup?», demande un jeune attristé: «ça va, mais il est tout seul dans sa chambre maintenant, il n'y croit toujours pas», répond un autre. Le silence s'installe avant qu'un autre groupe nous rejoigne. On remet en place quelques fleurs, on essaie de protéger le carnet de condoléances mis à disposition des amis du quartier.

Lorsque nous nous présentons en tant que journalistes, le groupe n'émet aucune réaction particulière, nous comprenons que l'heure n'est pas aux interviews et restons debout en silence. L'un d'eux, que nous appellerons François* nous interpelle:

«Franchement, Madame, vous qui êtes journaliste, vous avez vu ce qu'on a écrit sur lui? Les médias et la police le font passer pour un criminel, ce sont des mensonges, Marvin n'a jamais été une racaille ni un voyou, c'est comme notre petit frère à tous.»
François

Au milieu des fleurs, nous voyons une photo portrait de Marvin, micro à la main et des photos de famille. «Regardez-le bien, il a un visage de voyou, selon vous? C'est un gamin, il aimait la musique et ses copains, franchement j'ai plus les mots», lance un de ses amis avant de se murer dans le silence. Paul*, un proche de la famille, évoque la passion qu'avait Marvin pour la musique: «Son rêve était d'être rappeur, c'était un petit sans histoire, il enregistrait des sons, avait fait des clips, se produisait dans des fêtes, il était toujours joyeux, c'est pour ça que tout le monde l'aimait ici», notre voisin renchérit:

«C'est vrai, tu le voyais à 20 mètres, il était content de te voir, il souriait toujours, Marvin c'est la joie de vivre».

Le groupe discute à bâton rompu évoquant des souvenirs et des chansons écrites par l'adolescent, mais l'atmosphère est lourde, impossible de ne pas parler les émeutes qui se sont déroulées dans le quartier des deux derniers jours.

Racisme et révolte

«On leur a dit d'arrêter leurs conneries, c'est pas comme ça qu'on fait un deuil mais, en même temps, on comprend leur colère», lance François* qui ajoute qu'au sein des jeunes émeutiers, «il y a des gosses de 14 ans qui ne savent pas comment exprimer leur colère».

Son ami Paul* nous explique que certains jeunes du quartier sont en total désaccord avec ces comportements et ont tenté d'éteindre les incendies des conteneurs: «Mais ça, vos collègues journalistes ne l'ont pas montré», lance-t-il en notre direction. La discussion s'oriente spontanément sur «le racisme de la police» et les contrôles au faciès qui légitiment en partie la révolte des jeunes du quartier, selon nos interlocuteurs.

«Vous ne savez pas ce qu'on vit tous les jours. Regardez-moi, j'ai une vie tranquille, j'étudie à l'université, mais quand je conduis une voiture, je me fais tout le temps contrôler»
François

Son ami Paul* rajoute qu'il ne fait aucun doute que la police est raciste, prenant pour exemple les dernières révélations des groupes WhatsApp contenant des propos discriminatoires👇🏽.

A l'évocation des contrôles au faciès, un autre jeune tient à se faire entendre: «J'ai un pote qui a un scoot depuis des années, il s'est fait contrôler deux fois, mois je viens de l'avoir et vous n'imaginez pas combien de fois je me suis fait arrêter par la police.» Il assène:

«La différence entre moi et mon pote, c'est que je suis noir»

Quant à l'accident de Marvin, Paul est persuadé que «la police a quelque chose à cacher», expliquant que selon lui, il est impossible que l'adolescent de 17 ans ait pu fuir de la sorte pour un scooter signalé volé. Pour Paul*, «le petit» qui n'a jamais fait de «bêtises» et qui est inconnu de la police, a dû avoir «très peur». Il explique que l'adolescent a pu emprunter le scooter à des amis sans savoir qu'il était volé.

«Et qu'est-ce qu'il risquait? Une amende? On ne fuit pas comme ça pour une amende, il a dû se passer autre chose avec la police avant l'accident»
Paul, ami de la famille

Manque de respect

Il est bientôt minuit et le groupe d'amis reste debout sur le trottoir devant le mémorial, les clapotis de la pluie se font entendre sur les bouquets de fleurs. Nous sentons que le moment est chargé en émotion mais que les jeunes ont aussi envie de s'exprimer. «Vous avez vu que les médias ont dit que Marvin roulait à contresens? C'était un mensonge», relate Paul* en montrant au loin le panneau de signalisation qui annonce une interdiction de circuler à deux cents mètres.

Alors que nous lui expliquons que cette communication provenait de la police vaudoise et qu'elle s'est excusée de son erreur par la suite, il ne semble pas convaincu de la bonne foi des autorités.

«On a entendu dire qu'il n'avait pas de casque, qu'il était dans un sens interdit, tout cela était faux. Même en corrigeant, le mal est fait, on fait croire que c'était lui le responsable. On salit la mémoire d'un gentil gamin», explique François*. Il poursuit en dénonçant les articles «partiaux» des médias romands qui prennent au mot ce que dit la police. «Les journalistes auraient pu vérifier qu'il n'était pas dans un sens interdit, c'est facile à constater», rappelle-t-il. Quant à Paul, il explique que des journalistes sont allés frapper à la porte des parents de Marvin alors qu'ils n'étaient pas invités.

«Sa famille est en deuil, on écrit que leur fils est un délinquant et on se rend devant leur porte, c'est fou ce manque de respect»
Paul, ami de la famille

Evoquant ce qu'il considère comme un parti pris des médias, François nous explique que de nombreux jeunes n'auraient pas voulu nous parler ce soir et qu'il comprend cette méfiance. Il est 1h du matin, avant de quitter le groupe de jeunes, nous leur demandons combien de temps ils comptent encore rester devant ce mémorial. Le regard perdu, Paul nous répond qu'ils travaillent tous le lendemain, mais qu'il est difficile de s'en aller pour l'instant.

Il nous fait une dernière remarque avant que nous les quittions. «Si vous pouviez écrire une seule chose dans votre article, c'est que Marvin était un gamin aimé de tous, il nous manque énormément et personne ne mérite de mourir à 17 ans». Une marche blanche sera organisée ce samedi 30 août en mémoire de l'adolescent.

Les travaux à Lausanne
1 / 13
Les travaux à Lausanne

La gare de Lausanne

source: keystone
partager sur Facebookpartager sur X
Avec ceux qui vivent les micro-agressions
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
As-tu quelque chose à nous dire ?
As-tu une remarque pertinente ou as-tu découvert une erreur ? Tu peux volontiers nous transmettre ton message via le formulaire.
6 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Les commentaires de lecteurs les plus populaires
avatar
Captain Mayo
27.08.2025 17:21inscrit novembre 2024
Que ce petit ne méritait pas de mourir à 17 ans, c'est une évidence. Mais qu'il roulait sur un scooter volé, dont il n'avait pas le permis pour ce modèle, qu'il a fait un délit de fuite et perdu le contrôle de son véhicule seul, c'est désormais avéré. Où sont les mensonges? Ce sont ces gens qui sont dans le déni et refusent de voir la vérité en face.
216
Signaler
Au commentaire
6
Les CFF vont enfin développer cette offre dans les trains
Face à la hausse de la demande depuis la pandémie, les CFF vont augmenter le nombre de places pour vélos dans leurs trains. Actuellement, les convois disposent de 4 à 40 emplacements, parfois élargis lors des week-ends de pointe avec l’aide du personnel.
En augmenter le nombre de places pour les vélos dans les trains, les CFF réagissent ainsi à la forte augmentation du nombre de voyageurs qui se déplacent en transport public avec leur bicyclette depuis la pandémie de Covid.
L’article