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Qui est Poutine

Biographie de Vladimir Poutine, épisode 2: l'invasion de l'Ukraine

Qui est Poutine

Comment la personnalité de l'année 2007 est devenue un «criminel de guerre»

Dans cet épisode, retour sur la manière dont Vladimir Poutine a gardé la main-mise sur le Kremlin depuis vingt ans et s'est attiré les foudres des Occidentaux avec l'Ukraine.
Dans cet épisode, retour sur la manière dont Vladimir Poutine a gardé la main-mise sur le Kremlin depuis vingt ans et s'est attiré les foudres des Occidentaux avec l'Ukraine.image: keystone
Dans cette série en deux épisodes, watson retrace le parcours d'un homme que rien, ou presque, ne prédestinait à devenir l'ennemi déclaré des puissances occidentales. Episode 2: sa gestion implacable du pouvoir.
20.03.2022, 08:0221.03.2022, 07:28
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Bien malin serait celui capable de lire dans les pensées de Vladimir Poutine. Faute de détenir ce pouvoir, nous nous sommes plongés dans la biographie de celui qui contrôle la Russie depuis plus de vingt ans.

Si vous avez manqué l'épisode 1, qui raconte son ascension, par ici 👇

Reprenons le fil où nous l'avons laissé: le 26 mars 2000, lorsque Vladimir Poutine devient officiellement président de la Fédération de Russie.

Dès le début de son mandat, Poutine engage des réformes socio-économiques et politiques d'envergure qui transformeront sensiblement son pays:

  • Il renforce le pouvoir en place en le rendant plus vertical, concentré et efficace.
  • Il accroît le poids des services de renseignements, dont il a fait partie, ainsi que ceux de la police et de l'armée.
  • Il favorise une économie qui renoue avec la croissance, favorable aux échanges commerciaux et propice aux grands contrats, ce qui lui vaut l'approbation des Occidentaux.
  • Il instaure une «dictature de la loi».
  • Il lutte contre la mafia para-étatique et les fraudes fiscales des oligarques industriels et financiers, dont la mainmise sur l'économie russe est alors une préoccupation majeure de la population.
  • Il entreprend de nombreuses réformes fiscales.
  • Il renforce le contrôle et la pression de l'Etat sur l'information de masse, induisant une censure nuisible au pluralisme politique.
Poutine à l'ouverture d'un conseil de sécurité au Kremlin, le 22 novembre 2000.
Poutine à l'ouverture d'un conseil de sécurité au Kremlin, le 22 novembre 2000.image: keystone

11 septembre 2001: le rapprochement avec les USA

Lorsque les tours du Wall Trade Center s'effondrent, Poutine est en train de s'adonner à sa séance de sport quotidienne. Il s'empare du fameux «téléphone rouge» qui permet d'entrer immédiatement en contact avec le président américain. Durant l’appel à George W. Bush, Poutine propose son aide aux Etats-Unis.

Ce soutien affiché augure d'une nouvelle ère de cordialité et d'entente entre les deux grandes puissances. La Russie et l’Occident se sont désigné un nouvel ennemi commun: le terrorisme islamiste.

President Bush, left, and Russia's President Vladimir Putin, right, take part in a joint news conference after meeting for the first time, Saturday, June 16, 2001, in Ljubljana, Slovenia. After m ...
Les attentats du 11 septembre 2001 représentent une occasion rêvée pour Poutine de revenir sur la scène internationale. Mais Bush ne l'entend pas de cette oreille.Image: AP

Pour Poutine, c'est une chance: replacer durablement la Russie sur la scène internationale et construire ensemble un monde nouveau. Mais il va vite devoir déchanter: George W. Bush rejette cette main tendue – blessant définitivement, au passage, l'ego de son homologue russe.

Début 2007, Poutine hausse le ton dans ses relations avec l'Occident. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité, Poutine renonce à une adhésion à l’Otan, qu’il a pourtant envisagée d'intégrer sous la présidence de Bill Clinton.

Le 4 juin, à la veille du sommet du G8 à Rostock, il brandit la menace de l'arme nucléaire si les Etats-Unis se déploient aux frontières russes.

2007: les manoeuvres politiques

La même année, le maître du Kremlin est nommé personnalité de l'année par le Time. Titre hautement controversé du fait de l'assassinat en 2006, à Londres, d'Alexandre Litvinenko, que plusieurs journalistes et enquêteurs britanniques imputent au pouvoir russe.

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image: time magazine

Alors qu'il approche du terme de son deuxième mandat présidentiel, Poutine affirme à plusieurs reprises qu'il ne compte pas demander une modification de la Constitution pour en briguer un troisième, en mars 2008. La Constitution russe impose en effet une limite de deux mandats consécutifs.

Toutefois, Poutine n'est pas contre la perspective de conserver un certain pouvoir: le 2 décembre 2007, son parti «Russie unie» remporte les élections législatives. Une victoire qui lui confère un «droit moral», selon ses propres termes, pour continuer à gouverner.

Le 10 décembre 2007, Poutine soutient officiellement son premier ministre Dmitri Medvedev pour le remplacer à la présidence. Lequel sort vainqueur de l'élection, le 2 mars 2008, et offre alors à son acolyte le poste de premier ministre du gouvernement, une fois celui-ci parti du Kremlin.

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En octobre 2007, le premier Dmitri Medvedev et le président russe Vladimir Poutine. Image: EPA

En août, au plus fort de la guerre avec la Géorgie, dans laquelle la Russie intervient militairement, comme le rappelle Slate, la cote de popularité de Poutine atteint près de 60%.

4 mars 2012: réélection pour un troisième mandat

Trois ans plus tard, en 2011, retour de manivelle: le président Dmitri Medvedev propose la candidature de Vladimir Poutine à l'élection présidentielle. L'intéressé confirme sa candidature à la tribune le jour-même.

Le 4 mars 2012, Vladimir Poutine est donc élu au premier tour pour un mandat de six ans, après avoir raflé 63,6% des suffrages. Le jour de son investiture, le nouveau président de la Fédération propose donc la candidature de son prédécesseur, Dmitri Medvedev, au titre de premier ministre du gouvernement. Enième retour d'ascenseur.

L'année 2013 permet à Poutine de renforcer le rôle de son pays sur l’échiquier politique international. Il gère habilement l'affaire des écoutes révélée par le lanceur d'alertes Edward Snowden, ainsi que les manœuvres diplomatiques autour de la Syrie.

Dans le même temps, le président russe prend des décisions qui lui valent quelques critiques occidentales: l'instauration d'une loi prohibant la «propagande homosexuelle auprès des mineurs» ou encore la dissolution de l'agence de presse officielle RIA Novosti, au profit d'un nouvel organisme pro-russe, Rossia Segodnia.

Russian President Vladimir Putin attends the figure skating competition at the Iceberg Skating Palace during the 2014 Winter Olympics, Sunday, Feb. 9, 2014, in Sochi, Russia. (AP Photo/Bernat Armangue ...
Poutine assistant à une compétition de patinage artistique, aux JO d'hiver de Sotchi, le 9 février 2014.Image: AP

En février 2014, Poutine veut faire des Jeux olympiques de Sotchi le symbole d'une Russie moderne et toute puissante. Une «véritable opération de séduction», résume Franceinfo. L’investissement est colossal. Le plus lourd jamais alloué pour accueillir une compétition olympique.

Février 2014: l'annexion de la Crimée

En 2014, le président russe doit faire face au soulèvement inattendu du peuple ukrainien contre son dirigeant prorusse, Viktor Ianoukovitch. Poussé dans ses retranchements, désireux de mieux camoufler sa défaite, Poutine enterre l'idée d'une paix avec les Occidentaux et envoie des troupes pour annexer la Crimée.

L’Ukraine, qui devait être pour Poutine un trait d’union entre la Russie et l’Occident, est un échec. Ce jour-là, analyse Vladimir Fédorovski, «l’Occident a certes gagné l’Ukraine, mais a définitivement perdu la Russie».

Russian President Vladimir Putin attends the closing ceremony of the 2014 Winter Paralympics at the Fisht Olympic stadium in Sochi, Russia, Sunday, March 16, 2014. (AP Photo/Dmitry Lovetsky)
image: keystone

Si cette crise vaut au chef du Kremlin la désapprobation durable de l'Occident, déclenchant la pire crise depuis la fin de la Guerre froide, elle augmente nettement sa cote de confiance dans son propre pays: celle-ci atteint 87% en août 2014. Le même mois, Poutine signe un décret aux accents vengeurs interdisant les importations de produits alimentaires et agricoles, en provenance de pays qui ont imposé des sanctions à la Russie pour son annexion de la Crimée.

30 septembre 2015: l'intervention en Syrie

Dès le début de la guerre civile en Syrie, la Russie apporte son soutien militaire au régime syrien de Bachar el-Assad. Affaibli par plusieurs revers, le dictateur syrien appelle Moscou à la rescousse pour intervenir directement sur place: le 30 septembre 2015, l'aviation russe commence alors une série de frappes contre les rebelles et l'Etat islamique.

Un an plus tard, en 2016, le régime syrien et la Russie seront accusés de crimes de guerre de la part des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni, de l'Union européenne, ainsi que d'Amnesty International.

Des accusations qui n'influent guère sur la cote du dirigeant russe: en 2017, elle se situe autour de 85%.

In this photo taken on Wednesday, Dec. 7, 2016, and made available on Tuesday, Dec. 13, Russian President Vladimir Putin plays with his Akita-inu dog Yume before his interview with the Nippon Televisi ...
Et d'ailleurs, il préfère largement s'occuper de ses chiens, son animal fétiche. Ici, son akita-inu baptisé «Yume», cadeau du gouvernement japonais pour son aide après le tsunami de 2011. Image: AP POOL SPUTNIK KREMLIN
Son amour des chiens est tel qu'il en a également reçu un du Premier ministre bulgare, Boyko Borisov, en 2010. Son nom: «Buffy».
Son amour des chiens est tel qu'il en a également reçu un du Premier ministre bulgare, Boyko Borisov, en 2010. Son nom: «Buffy».image: keystone
Yume et Buffy ont fait l'objet d'un shooting en 2013.
Yume et Buffy ont fait l'objet d'un shooting en 2013.image: keystone

Mars 2018: il est reconduit pour un 4e mandat

L'année suivante, la popularité jusqu'ici incontesté du dirigeant russe rencontre une chute brutale de vingt points. En cause: la réforme des retraites et la baisse du pouvoir d’achat, qui ne passent pas au yeux du peuple russe. Quarante pour cent de citoyens russes se disent insatisfaits de leur président.

Poutine est pourtant parvenu jusque-là, en près de vingt ans aux commandes, à se maintenir en bonne posture dans l'opinion publique russe, malgré les contestations et les théories du complot dénoncées par l’opposition. Qu'à cela ne tienne: il brigue malgré tout un quatrième mandat. «Le chef de l'Etat est un homme fort», comme il aime à l'affirmer lui-même dans sa campagne électorale de 2018. Son credo?

«Strong president [means] strong Russia»
«Un président fort signifie une Russie forte»

Cette image d’homme puissant, sportif, charismatique et imposant, il la travaille au corps. C'est elle qui lui permet de conserver sa popularité. «Il veut être l’antithèse des "faiblards" qu’étaient Gorbatchev et Eltsine, qu’il méprise», analyse Vladimir Fédorovski au Parisien. «Il reste pour les Russes leur plus grand dirigeant, un symbole d’anti-corruption, même si on sait que, sur ce point, Staline diffère fortement de Poutine».

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A grand renforts de muscles, d'armes et de testostérone, Poutine a toujours cultivé l'image d'un «tsar», qui ne pliera pas face aux Occidentaux.image: keystone

Le 7 mai 2018, Poutine prête serment pour un nouveau mandat et propose la reconduction de Medvedev à la tête du gouvernement. Dès sa réélection, il fait face à un climat politique tendu: l'opposition et plusieurs ONG dénoncent des milliers de fraudes et d'irrégularités, rappelle Le Figaro.

2020: réforme de la Constitution

Le 10 mars 2020, le Parlement russe (la Douma), vote un amendement du projet de révision constitutionnelle, proposée par Poutine en personne. Son objectif: avoir la possibilité de briguer deux nouveaux mandats consécutifs après 2024, lui ouvrant la voie pour rester au pouvoir jusqu’en 2036. Cette révision constitutionnelle est adoptée en juillet par 77,9% des suffrages.

L'année suivante, le très puissant maître du Kremlin est ébranlé par une vidéo publiée sur YouTube le 19 janvier 2021 par l'opposant Alexeï Navalny.

Dans cette enquête visionnée plus de 122 millions de fois, le journaliste dénonce le faste et les financements du «palais de Poutine», une demeure d'un luxe indécent qui appartiendrait au chef de l'Etat, ainsi que son goût «pathologique» pour l'argent.Vidéo: YouTube/Алексей Навальный

Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, assure que ces allégations sont anciennes et fausses... tout en admettant ne pas «bien connaître» cette enquête, rappelle la RTS.

Que peut-il bien se passer dans l'esprit du chef du Kremlin?
Que peut-il bien se passer dans l'esprit du chef du Kremlin?image: keystone

Dans le même temps, le parti présidentiel «Russie unie» parvient en tête des élections législatives de 2021 avec 49,8% des voix. Une victoire bienvenue qui renforce encore la main-mise de Poutine sur le pouvoir, en lui offrant une nouvelle majorité à la Douma, deux ans avant l'élection présidentielle de 2024.

Sans preuve à l'appui, l'opposition accuse le pouvoir de fraude électorale, évoquant de «bourrages d'urnes» et de «manipulation du vote en ligne». L'élection essuie également l'indignation de la communauté internationale: l'Union européenne dénonçant un «climat d'intimidation», les Etats-Unis estimant que «les Russes ont été empêchés d'exercer leurs droits civiques» et le Royaume-Uni déplorant un «grave recul des libertés démocratiques».

24 février 2022: l'invasion de l'Ukraine

Le 24 février, au cours d'une allocution télévisée désormais mondialement célèbre, Vladimir Poutine annonce l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Quelques minutes après cette déclaration, les forces armées de la Fédération de Russie pénètrent en territoire ukrainien.

Trois semaines plus tard, l'issue du conflit en Ukraine est plus qu'incertaine.

Le 16 mars, le président américain Joe Biden qualifie pour la première fois son homologue russe de «criminel de guerre»... Un titre qui tranche sèchement avec celui d'«homme de l'année», décerné quinze ans plus tôt par le magazine américain Time.

Epilogue

Que nous apprend le parcours de Vladimir Poutine, jalonné d'autant de coups de chance que de coups de maître? Ces mots de l'historien Vladimir Fédorovski pourront peut-être faire office de conclusion: «C’est un joueur d’échecs, un sportif tacticien, un espion, une marionnette devenue marionnettiste. (...) Il a voulu et calculé tout cela. Il est persuadé qu’il a été envoyé à la Russie par la providence».

Vous avez envie de vous replonger dans ses premières années? Par ici 👇

La guerre en Ukraine en images
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Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
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Guerre en Ukraine: un couple se marie en pleine guerre
Video: watson
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