Depuis trois semaines, dirigeants, médias et diplomates du monde entier ne rêvent que d'une chose: s'immiscer dans les recoins de l'indéchiffrable cerveau de Vladimir Poutine et comprendre ce qui peut bien s'y tramer.
Faute de pouvoir lire dans la tête la plus scrutée de la planète, on peut toujours se plonger dans la vie mouvementée du dirigeant russe, âgé de bientôt 70 ans. Voici les dates-clés qui ont marqué son parcours.
Rien ou presque ne prédestine Vladimir Vladimirovich Putin à devenir le dirigeant de la Russie, lorsqu'il voit le jour à Léningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) le 7 octobre 1952, au sein d'une famille extrêmement modeste.
Des trois fils de Maria Ivanovna et Vladimir Spiridonovitch, il est le seul survivant. Ses deux frères aînés sont décédés en bas âge. Sa mère est ouvrière, son père ancien combattant. Quant à son grand-père, Spiridon Poutine, que Vladimir adule, il a été cuisinier au service de la famille impériale des Romanov, puis de Lénine et Staline.
Au coeur de la Léningrad des années 50 et 60, tenue par la pègre, le chemin du petit Vladimir Poutine semble tout tracé. C'est un élève «médiocre et bagarreur», selon sa propre biographie officielle. Toutefois, les règles de conduite, qui régissent ce milieu mafieux, lui forgent un caractère et une discipline de fer.
Dans ce contexte, le sport sert rapidement de pilier pour le futur leader russe. Il se passionne pour le judo, qu'il découvre à l'âge de 11 ans et maîtrise au point de devenir ceinture noire.
Vladimir Poutine maintient toute sa vie cette intense pratique du sport. Aujourd'hui, il s’impose encore une séance quotidienne d’une heure et demie.
Tout jeune déjà, Poutine se rêve en espion. Il échoue à intégrer les rangs du KGB vers l'âge de 16 ans. Il poursuit alors des études de droit à l'université de Leningrad, où il se révèle être l’un des meilleurs élèves. Il obtient son diplôme en 1975.
La porte des services secrets s'ouvre enfin. Le jeune homme sert pendant plusieurs années, d'abord comme subalterne, puis au contre-espionnage. Il est notamment chargé, au sein de la police politique, de la lutte contre les dissidents et autres «éléments anti-soviétiques». Bien qu'ayant assouvi ses rêves d'espionnage, il n'a pas encore gradé.
En 1982, Vladimir Poutine rencontre Lyudmila Alexandrovna Chkrebneva, une jeune hôtesse de l'air. Ils se marient l'année suivante. Union de laquelle naîtront deux filles, Maria, en 1985 et Ekaterina, en 1986. Toutes les deux brillent par leur absence de la scène médiatique.
Selon une enquête de l'agence Reuters, publiée en 2015, les filles de Vladimir Poutine sont des universitaires chevronnées. Maria est spécialisée en endocrinologie et mariée à un homme d'affaires hollandais. La cadette travaillerait à l'université d'État Lomonossov de Moscou, où elle a intégré le conseil scientifique.
Poutine s'est toujours montré extrêmement discret sur sa vie de famille. «Peut-être parce qu’il les voit (sa femme, ses enfants) comme des vulnérabilités», analyse Vladimir Fédorovski, diplomate, historien et écrivain, interviewé par Le Parisien.
Trente ans plus tard, le couple présidentiel confirme son divorce à la presse et met fin à des années de spéculations.
Deux autres femmes, au moins, vont marquer la vie sentimentale de Vladimir Poutine: Svetlana Krivonogikh (qui donne naissance à leur fille Elizaveta en 2003). Elle sera suivie de la gymnaste, Alina Kabaeva, de trente ans sa cadette, et avec laquelle il aurait eu trois enfants. Elle a disparu de la circulation depuis deux ans.
À partir du mois d'août 1985, Poutine officie à Dresde, en RDA, pour son premier poste à l'étranger.
Le trentenaire retourne en Russie à la fin des années 80. Survient alors un évènement historique qui le marque profondément: la chute de l’Allemagne de l’Est. Selon l'historien, Vladimir Fédorovski, c'est un véritable traumatisme:
Dès 1992, Poutine devient gentiment l’une des personnalités les plus influentes de la politique municipale de Léningrad - qui vient tout juste de reprendre son nom de Saint-Pétersbourg. Au cours de la même période, l'ancien espion de 37 ans construit autour de lui un véritable «modèle de corruption», dont l'entourage le suivra jusqu'au Kremlin.
Tout s'accélère lorsque le maire de la ville, Anatoli Sobtchak, le choisit comme secrétaire. En 1994, Poutine devient même son premier adjoint. Malin, l'ancien espion joue à merveille le second «docile, fidèle, inoffensif, sur qui l’édile peut compter».
Selon l'ancien enquêteur, Andreï Zykov, relayé par Mediapart, «Sobtchak et son adjoint Vladimir Poutine sont, en quelque sorte, devenus les chefs de la mafia de Saint-Pétersbourg».
Poutine s’impose rapidement comme l’une des figures de Saint-Pétersbourg. L'ascension se poursuit, discrètement. En mars 1997, avec l'aide d'influents oligarques, il intègre l’administration du président de la Russie, un certain Boris Eltsine.
Le président de l'époque est confronté à d'innombrables difficultés: entre scandales à répétitions, soupçons de corruption, vidéos sulfureuses avec des jeunes femmes, sa réputation est catastrophique. Il plonge à 2% d’opinions favorables.
Selon le média Correctiv, le scandale qui met définitivement fin à la carrière de Boris Eltsine aurait, en fait, été inventé de toutes pièces par Vladimir Poutine, afin de mettre la main sur le système judiciaire russe.
En trois ans au service du président Eltsine, «le pantin, choisi par les oligarques, va devenir un marionnettiste sans que personne ne le voie vraiment venir», résume au Parisien l'historien Vladimir Fédorovsk. Poutine en veut et gravit tous les échelons:
C'est alors le deuxième homme du pays et le successeur tout désigné de Boris Eltsine.
Une anecdote en dit long sur son influence: en 1999, lors d’une conférence de presse, Poutine arrache le micro des mains du président et lâche:
Une phrase choc plus tard et le voilà propulsé à plus de 40% d’opinions favorables.
Poutine, lui-même, est scandalisé par les abus d'alcool de son supérieur - au point d'empoigner le problème à bras-le-corps une fois au pouvoir, rappelle Le Monde. Aujourd'hui encore, il ne s'accorde un verre d'alcool qu'à titre exceptionnel.
Le 31 décembre 1999 marque la démission surprise de Boris Eltsine, pour des raisons de santé. Et la nomination de Vladimir Poutine comme président par intérim. Premier acte officiel? Un décret présidentiel assurant à son prédécesseur une immunité totale pour toute poursuite judiciaire possible le concernant, lui, ou les membres de sa famille.
Avec la complicité des gouverneurs, des oligarques et des médias, Vladimir Poutine devient officiellement le président de la Fédération de Russie, dès le premier tour de l'élection présidentielle.
Très vite, le ton est donné. Il réunit une vingtaine de ces milliardaires, venus fêter sa victoire. Il leur dit, sans détour, qu’ils ont volé la Russie comme nul autre auparavant:
«Tous se hâtent à prêter allégeance et se mettre au pas», raconte Vladimir Fédorovski.
Ça vous a plu? Au menu du prochain épisode: des manœuvres politiques pour garder le pouvoir sur le Kremlin, une image travaillée à coups de doses de testostérone et la passion de Poutine... pour les chiens.