A peine l'annonce tombée, c'était l'euphorie. Les terrasses peuvent rouvrir dès lundi. Libérés, délivrés, les Suisses pourront à nouveau aller boire un verre au soleil. Oui mais voilà, si les clients crient leur joie, les restaurateurs, eux, se montrent plus dubitatifs. «L'ouverture des terrasses, c'est plutôt des soucis supplémentaires pour nous», confie Maurice Paupe, président de GastroJura et patron du café de la Poste à Saignelégier (JU). Voici pourquoi:
«A cette période de l'année, la température varie beaucoup. Cela peut aller de 8 à 21 degrés, ce sera donc au jour le jour», souligne Maurice Paupe qui n'ouvrira pas sa terrasse pour le moment. Le président de GastroJura pointe également la difficulté de s'organiser face à l'imprévisibilité du vent et de pluie.
«Si on prépare de la marchandise et qu'on ne la vend pas parce qu'il pleut, on va avoir de sacrées pertes. Et c'est la même chose pour le personnel, on ne peut pas les appeler le matin en fonction de la météo», détaille-t-il. Le patron du café de la Poste rappelle que l'espace intérieur représente habituellement une soupape de sécurité en cas de mauvais temps soudain.
«C'est triste à dire mais c'est un peu une fausse joie pour le moment. On a la possibilité de travailler mais qui va manger dehors avec cette météo?», confirme Tamara Silva qui gère le café Le Kiwi à Morges. La Vaudoise pointe également les différentes orientations des terrasses. «Tout dépend de comment tu es placé. Nous, par exemple, au mois de mai, on est encore à l'ombre à midi.»
Autre difficulté pour les cafés-restaurants, trouver le bon équilibre entre ouvrir leur terrasse et continuer à recevoir les aides financières des autorités qui restent en vigueur. «On n'est plus des restaurateurs mais des comptables qui doivent faire de grands calculs pour savoir si ça vaut la peine d'ouvrir ou pas», regrette Tamara Silva tout en reconnaissant sa chance d'avoir une grande terrasse.
Car pour ceux qui n'ont qu'un petit espace extérieur, encore réduit par les mesures de distanciation sociale, faire travailler du personnel n'est absolument pas rentable. «Il faut aussi bien réfléchir, car le peu de chiffre d'affaires qu'on va faire sera pris en compte par l'administration. Mais on ne va pas pouvoir réaliser de grandes marges. Je m'attends plutôt à des pertes», observe Maurice Paupe.
Le président de GastroJura craint également que lui et ses confrères se retrouvent en porte-à-faux avec leurs clients: «Quand il va faire 20 degrés, ils vont nous reprocher d'être fermés. Les gens ont envie qu'on ouvre, mais nous, on ne peut pas le faire dans n'importe quelles conditions, surtout en ce moment.»
Tamara Silva abonde: «Nous, par exemple, on réfléchit si cela vaut la peine de faire des plats du jour. Mais certains clients risquent de nous reprocher d'être ouverts et de ne pas faire à manger.» La Vaudoise invite d'ailleurs les consommateurs à faire preuve de savoir-vivre. «J'espère qu'ils seront conscients de notre situation et qu'ils ne resteront pas une heure et demie à une table avec juste un café alors qu'il y a une famille de quatre qui attend.»
Si Maurice Paupe réfléchit encore, Tamara Silva a, elle, décidé d'ouvrir sa terrasse malgré toutes les difficultés. «On a envie de revoir du monde, de faire quelque chose, de retrouver un rythme de vie», assure-t-elle. Mais la Vaudoise souhaite également donner une lueur d'espoir aux gens. «Rien que le fait de pouvoir se faire servir, cela ramène au temps d'avant. C'est ce que j'aimerais pouvoir offrir à mes clients.»