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La Russie annonce son retrait de Kherson: et si c'était une feinte?

La Russie annonce son retrait de Kherson: et si c'était une feinte?

A Kherson, difficile de comprendre quels sont les objectifs des Russes, qui semblent battre en retrait. La libération de cette région ouvrirait aux Ukrainiens la voie vers la Crimée, mais rien n’est encore joué.
04.11.2022, 18:45
Martin Küper / t-online
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Pour la première fois depuis huit mois, aucun drapeau russe ne flottait jeudi au-dessus du bâtiment de l'administration régionale de Kherson, dans la capitale provinciale du même nom. Un tristement célèbre point de contrôle des forces d'occupation dans le quartier d'Ostrov semblait également abandonné, comme l'ont montré des images diffusées sur Twitter.

Dans un message vidéo diffusé depuis sa voiture, Kirill Stremousov, de l'administration de l'occupation, a certes fait savoir que «tout est sous contrôle» à Kherson – mais sur la banquette arrière, on peut apercevoir un sac à dos de voyage et autres effets personnels.

A première vue, cela semble être une bonne nouvelle pour les habitants de Kherson, la plus grande ville sous contrôle russe dans le sud de l'Ukraine. Mais la méfiance envers les occupants et la crainte d'une feinte de l'armée russe sont grandes.

Les Russes envoient des signaux contradictoires

Depuis que l'armée ukrainienne a gagné du terrain sur Kherson, les Russes envoient des signaux contradictoires. Mi-octobre, le chef de l'administration d'occupation russe, Vladimir Saldo, a appelé les habitants de la ville à fuir. Quelques jours plus tard, il a fait savoir que toute l'administration de l'occupation avait été transférée sur la rive gauche du Dnipro. Mardi, l'homme a finalement annoncé la «relocalisation» de 70 000 Ukrainiens.

Mais les dirigeants ukrainiens ne veulent pas croire à un retrait secret des Russes de cette ville stratégique. «Les Russes ont mis en place leurs meilleures troupes, personne n'est parti», a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky au journal italien Corriere della Sera. Une déclaration également soutenue par l'ancien général ukrainien, Ihor Romanenko, sur la chaîne Al Jazeera:

«L'évacuation de civils de la rive droite de Dnipro ne sert qu'à la préparation et à la propagande. En réalité, les Russes y renforcent leurs troupes avec des soldats frais et préparent même une contre-offensive.»

Des bunkers en béton sont installés

Les soupçons des Ukrainiens ne sont pas infondés. Après tout, la ruse est un sujet bien maîtrisé par les troupes de Zelensky. Rappelons-nous cet été, lorsque les dirigeants ukrainiens avaient annoncé avec fracas une contre-offensive dans le sud de l'Ukraine... L'armée russe a mordu à l'hameçon et a déplacé des troupes de la région de Kharkiv, au nord-est de l'Ukraine, vers le sud, permettant ainsi aux Ukrainiens de frapper au nord-est et de repousser les Russes hors de la région de Kharkiv en quelques jours.

Selon les forces ukrainiennes, l'armée russe a récemment placé 1000 soldats sur la rive droite du Dnipro, une manœuvre qui ne ressemble en tout cas pas à une retraite des troupes. Des images diffusées sur les réseaux sociaux laissent également penser que les troupes de Poutine se préparent plutôt à un combat défensif qu'à une retraite.

Ainsi, plusieurs bunkers en béton, posés sur des camions russes, ont été acheminés dans le sud de l'Ukraine comme le montrent ces vidéos, diffusées sur les réseaux sociaux:

Les infrastructures en béton munies de meurtrières ont par exemple été installées au centre de Hola Prystan, à dix kilomètres au sud de Kherson, comme le montre cette photo diffusée sur Twitter:

Les Russes veulent-ils sauter le barrage?

Les Ukrainiens ne sont pas les seuls à regarder avec inquiétude les activités russes sur le barrage du Dnipro à Nowa Kachowka, à environ 80 kilomètres en amont du centre-ville de Kherson. Le Kremlin a récemment accusé Kiev de vouloir faire sauter le barrage, ce qui a fait craindre que ce soit précisément ce que prévoit de faire la Russie.

C'est un stratagème bien connu des dirigeants russes que d'accuser leurs adversaires de ce qu'ils prévoient eux-mêmes de faire, ou qu'ils ont déjà fait. Selon le chef des services secrets ukrainiens, Kirill Budanow, l'armée russe a déjà miné le barrage en avril dernier. Récemment, deux camions chargés d'explosifs auraient en outre pris position près des écluses du barrage.

La destruction du barrage aurait des conséquences désastreuses. En effet, selon les données ukrainiennes, 80 localités seraient inondées et des dizaines de milliers de personnes pourraient se noyer. Le barrage est également central pour l'approvisionnement en eau du sud de l'Ukraine et alimente en eau de refroidissement la centrale nucléaire de Zaporijia, la plus grande d'Europe. La destruction du barrage pourrait donc, dans le pire des cas, déclencher une catastrophe nucléaire qui toucherait une grande partie de l'Europe.

Mais il y a aussi un risque pour les Russes: la destruction de cette infrastructure inonderait également les positions russes au sud du Dnipro.

«La situation est assez confuse» à Kherson

«La question est plutôt de savoir si les Russes vont faire exploser ou saboter le barrage lors de leur retrait», écrit sur Twitter l'expert militaire américain Michael Kofman. Ce dernier dirige le département de recherche sur la Russie au Center for Naval Analyses à Washington. Il est également considéré comme l'un des meilleurs connaisseurs de l'armée russe dans le monde.

«Cette possibilité me semble plus réaliste que le discours russe sur une "bombe sale"»

Bien que Michael Kofman ait récemment effectué une mission de recherche en Ukraine, il n'arrive pas à comprendre la situation à Kherson.

«La situation est assez confuse et les indices sont contradictoires. A certains endroits, les Russes se replient, à d'autres, ils renforcent leurs positions. Pour moi, il semble qu'ils veulent se retirer de manière contrôlée de la rive droite du Dnipro, en évitant d'être coupés de tout ravitaillement. Les Ukrainiens avec lesquels j'ai parlé étaient confiants dans leur capacité à chasser les Russes de la rive droite du Dnipro d'ici la fin de l'année. Cela permettrait à l'artillerie longue portée ukrainienne de se rapprocher suffisamment de la Crimée pour y attaquer les voies de ravitaillement russes».

«Il est peu probable que les combats s'arrêtent»

C'est avec cette tactique que les Ukrainiens préparent depuis l'été le champ de bataille de Kherson. Avec leurs lance-roquettes Himars, les Ukrainiens ont détruit ou endommagé les voies d'approvisionnement de la ville. L'attentat contre le pont de Crimée début octobre a encore aggravé les conditions d'approvisionnement des Russes dans le sud de l'Ukraine.

Mais ils ne semblent pas encore à court de munitions, comme le constate Michael Kofman. Selon lui, il est «peu probable» que les combats s'arrêtent cet hiver. «Les Ukrainiens continueront probablement à utiliser leur avantage en termes de portée et de précision pour user les troupes russes».

La précision des nouvelles armes livrées à l'Ukraine est redoutable
Video: watson
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