Pour lutter contre le terrorisme, faut-il donner plus de moyens à la police?
Sur quoi vote-t-on?
Sur la «Loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme» (MPT). En clair, celle-ci a pour objectif de permettre à la police d'agir rapidement quand un acte terroriste est très concrètement prévisible, mais qu'aucune infraction n'a (encore) été commise.
En ce qui concerne maintenant les mesures concrètes relatives à cette action policière, la nouvelle loi renforce le dispositif existant de lutte contre le terrorisme par diverses mesures préventives comme l'obligation de participer à des entretiens ou de se présenter, l'interdiction de contact, de quitter le territoire ou l'interdiction géographique ou encore l'assignation à résidence.
Ces mesures seront limitées à six mois et pourront être reconduites pour six mois supplémentaires. La décision et l'autorisation de ces mesures reviendra à l'Office fédéral de la police (Fedpol). Elles ne pourront être ordonnées qu'en dernier ressort, ont affirmé mardi les autorités fédérales. Il faudra auparavant que toutes les mesures sociales, éducatives ou thérapeutiques envisageables aient été mises en œuvre et soient restées sans effet, a souligné Fedpol dans un communiqué.
En outre, le recrutement, la formation et le voyage en vue d'un acte terroriste seront réprimés, ainsi que les activités de financement. Les personnes qui soutiennent des organisations criminelles ou terroristes pourront être punies d'une peine privative de liberté de dix ans au plus.
Pourquoi vote-t-on?
Comme la Loi Covid-19 sur laquelle nous voterons également le 13 juin, la nouvelle loi anti-terroriste MPT, votée par le Parlement, est sujette à référendum: si des citoyens réunissent au moins 50 000 signatures pour s'opposer à la loi, celle-ci fera l'objet d'un vote populaire.
C'est ce qui s'est passé: le comité «NON aux détentions arbitraires», porté par les Jeunes vert'libéraux, les Jeunes Vert-e-s, les Jeunes socialistes et le Parti pirate, a déposé le 14 janvier dernier 141 264 signatures, dont 76 926 valables, comme l'a indiqué la Chancellerie fédérale. La Suisse se prononcera donc sur cette loi le 13 juin.
Quels sont les arguments des opposants à la loi?
- Il suffira que la police suppose que quelqu’un soit éventuellement dangereux pour qu’elle puisse prendre des mesures telles que l'interdiction de contact ou l'assignation à domicile. Ces mesures violent l'exercice des droits humains et fondamentaux, y compris ceux des enfants.
- Certaines mesures coercitives pourront être appliquées à des enfants dès 12 ans. De quoi contredire les principes de protection de l’enfance et de la jeunesse et violer plusieurs droits de l’enfant.
- La loi change la définition du terrorisme. Pour être considéré comme un terroriste, il n’y a plus besoin de planifier ou d’exécuter un acte criminel: il suffit d'être soupçonné de commettre des «actions destinées à influencer ou à modifier l’ordre étatique et susceptibles d’être réalisées ou favorisées par des infractions graves, la menace de telles infractions ou par la propagation de la crainte». Ainsi, des politiques, journalistes, observateurs qui émettraient des avis controversés pourraient se retrouver sous l'étiquette de «terroristes». La loi introduirait ainsi un précédent pour l'étouffement des opposants politiques dans le monde.
Quels sont les arguments des partisans de la loi?
- Le Service de renseignement de la Confédération signale depuis 2015 une menace terroriste élevée en Suisse, au milieu d'une Europe ayant connu des dizaines d'attentats depuis six ans. Il faut donc répondre à cette menace par des moyens politiques suffisamment adaptés.
- Les moyens de lutte contre le terrorisme ont été continuellement développés et la loi soumise au vote le 13 juin vient «combler une lacune». Elle offre en effet une base légale pour que la police puisse agir vite face à une menace solidement étayée dans le cas où aucune infraction n'a encore été commise.
- Les policiers sont déjà autorisés à intervenir de manière préventive dans d’autres contextes tels que le hooliganisme ou la violence domestique. Et de telles mesures de prévention antiterroristes sont déjà en vigueur dans certains pays tels que la France, l'Allemagne ou la Belgique.
Risque-t-on par exemple d'être embêté par la police si on regarde une vidéo à caractère djihadiste?
Selon les autorités fédérales, qui se sont exprimées à ce sujet à la conférence de presse de ce mardi 13 avril, non. Seuls des indices concrets pourront justifier l'application de mesures de contrainte chez un individu suspecté. Le fait de regarder une vidéo de propagande islamiste pour des raisons professionnelles (journalisme, prévention, ...), par voyeurisme ou encore par un simple hasard ne constitue pas un indice.
Reste que la nature de ces fameux indices, qui ne seraient pas suffisants pour ouvrir une procédure pénale mais suffisants pour que la police impose à elle seule des mesures contraignantes, est un peu floue. Un point qui jouera peut-être dans l'issue du vote du 13 juin.
Qui est pour? Qui est contre?
- Pour: Conseil fédéral, Conseil national, Conseil des Etats, UDC, PLR, Le Centre (ex-PDC), PEV.
- Contre: PS, Les Verts, Vert’libéraux, Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), Grève du Climat, Grève des femmes.