Des peines de 14 mois de prison avec sursis à six mois de prison ferme - aménagés sous bracelet électronique - ont été prononcées vendredi à Paris à l'encontre de six ex-collégiens jugés pour leur implication dans l'assassinat du professeur Samuel Paty par un jeune djihadiste en 2020.
Des peines ordonnées au regard «de la gravité des faits», de leur «personnalité» et «évolution», et alors que les infractions sont «parfaitement établies», a déclaré le tribunal pour enfants dans son jugement, lu en audience publique après deux semaines d'un procès à huis clos.
La présidente a appelé un à un à la barre les adolescents, aujourd'hui âgés de 16 à 18 ans, pour détailler leurs condamnations, globalement conformes aux réquisitions du parquet antiterroriste. «Vous avez compris?», a-t-elle demandé à chacun.
Le procès s'était tenu sous strict huis clos au vu de leur jeune âge à l'époque des faits - entre 13 et 15 ans.
Cinq des adolescents, âgés de 14 et 15 ans étaient jugés pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées. Ils sont accusés d'avoir surveillé les abords du collège et désigné le professeur à l'assaillant, contre rémunération.
Ce «alors que vous aviez connaissance des reproches formulés», au collège «et sur les réseaux sociaux» à l'encontre de Samuel Paty, leur a dit la présidente. La peine la plus lourde - deux ans de prison dont six mois ferme aménagés sous bracelet électronique - a été prononcée à l'encontre de l'ex-collégien abordé par l'assaillant Abdoullakh Anzorov.
«Vous avez communiqué à l'assaillant la description physique et vestimentaire» du professeur et son «trajet habituellement emprunté», «vous êtes resté pendant plusieurs heures» avec lui et avez «favorisé» sa «dissimulation», lui a dit le tribunal:
Quatre autres jeunes ont été condamnés à des peines allant de 14 mois avec sursis probatoire (c'est-à-dire assorti d'une série d'obligations, notamment de suivre un enseignement ou une formation et d'être suivi par des professionnels de l'enfance) à 18 mois avec sursis probatoire.
Une sixième adolescente, âgée de 13 ans au moment des faits, a été condamnée à 18 mois de sursis probatoire pour dénonciation calomnieuse. Cette collégienne avait, à tort, soutenu que Samuel Paty avait demandé aux élèves musulmans de la classe de se signaler et de sortir de la classe avant de montrer les caricatures de Mahomet. Elle n'avait en réalité pas assisté à ce cours.
Le tribunal a souligné devant elle «l'existence d'un mensonge persistant» que l'adolescente a «reconnu» et qui avait été «matérialisé» par un dépôt de plainte à l'encontre de la victime.
Son mensonge a été à l'origine d'une violente campagne alimentée sur les réseaux sociaux par son père, Brahim Chnina, et par un militant islamiste, Abdelhakim Sefrioui, auteur de vidéos qui avaient attiré l'attention sur le professeur. Ils seront jugés lors d'un second procès avec six autres adultes, devant la cour d'assises spéciale de Paris fin 2024.
Les prévenus étaient arrivés au tribunal portant un masque chirurgical pour certains, ou une capuche sur la tête qu'ils ont retirée en rentrant dans la salle d'audience à la demande des huissiers, avant de s'installer au premier rang.
Enseignant en histoire-géographie de 47 ans, Samuel Paty avait été poignardé puis décapité en octobre 2020 près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d'origine tchétchène abattu dans la foulée par la police. L'affaire avait suscité un immense émoi en France et à l'étranger.
Le jeune islamiste radicalisé de 18 ans reprochait au professeur d'avoir montré des caricatures de Mahomet, lors d'un cours sur la liberté d'expression. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d'avoir «vengé le Prophète».
L'enquête avait retracé comment, en dix jours, le piège s'était refermé sur l'enseignant: du mensonge de la collégienne aux attaques sur internet, jusqu'à l'arrivée de l'assaillant le 16 octobre devant le collège où il avait donné 300 euros à des élèves pour identifier l'enseignant. (ats/jch)