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Santé mentale: les jeunes hommes suisses souffrent aussi

La dernière étude sur la santé CSS révèle que 10% des jeunes hommes, en Suisse, âgés de 18 à 30 ans ne vont pas bien.
La dernière étude sur la santé CSS révèle que 10% des jeunes hommes, en Suisse, âgés de 18 à 30 ans ne vont pas bien.Image: Shutterstock
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Santé mentale: les jeunes hommes souffrent aussi

Comment la pandémie a-t-elle affecté les jeunes hommes âgés de 18 à 30 ans? Jusqu’à présent, le bien-être de ce groupe n’avait pas retenu beaucoup l’attention. A tort selon l’étude sur la santé CSS, qui révèle que pas moins de 10% d’entre eux qualifient leur état émotionnel de mauvais. Explications sur cette situation.
11.10.2022, 10:51
Sidonia Küpfer
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Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes forment sans conteste le groupe d’âge qui a le plus souffert des conséquences de la pandémie. De nombreux sondages montrent par ailleurs que l’état psychique des femmes s’est particulièrement détérioré. Or la dernière étude sur la santé CSS révèle que 10% des jeunes hommes âgés de 18 à 30 ans ne vont pas bien, faisant ainsi la lumière sur la santé psychique d’un groupe peu étudié jusqu’à présent.

Les hommes souffrent plus de solitude

Ce pourcentage élevé surprend, puisqu’ en règle générale, les hommes ont tendance à minimiser, voire à nier leurs difficultés d’ordre psychique ou leurs craintes, répondant ainsi à des stéréotypes bien ancrés alors que dans les faits, ils ne se portent pas mieux que les femmes.

Reste à savoir comment cette étude sur la santé CSS est parvenue à un tableau quelque peu différent et vraisemblablement plus nuancé de la situation. Cela tient peut-être à la formulation de la question: «Comment est votre état émotionnel et psychique?» En raison de la stigmatisation des maladies psychiques, la focalisation sur l’aspect «émotionnel» au lieu du seul aspect «psychique» a déclenché des réponses différentes.

En révélant que les hommes se sentaient plus seuls que les femmes, tous groupes d’âge confondus, dans l’étude Loneliness Experiment, la BBC a également obtenu des conclusions qui ne correspondaient pas aux résultats d’enquêtes antérieures. L’équipe de recherche a rapidement trouvé l’explication: en supposant que les hommes n’avoueraient pas qu’ils souffrent de solitude puisqu’ils sont souvent stigmatisés lorsqu’ils font un tel aveu, la BBC a tout simplement renoncé au mot «seul» et évalué ce sentiment grâce à d’autres formulations. Résultat: le sondage indique que les hommes souffrent plus souvent de solitude que les femmes.

Les hommes souffrent différemment des femmes

Pourquoi non moins de 10% des jeunes hommes âgés de 18 à 30 ans ont-ils affirmé ne pas se sentir bien dans l’étude sur la santé CSS? Alain Di Gallo, directeur de la clinique psychiatrique universitaire pour enfants et adolescents de Bâle, sait par expérience que les hommes ne souffrent pas moins que les femmes. Il observe cependant que les troubles psychiques se manifestent souvent différemment, en particulier chez les jeunes hommes:

«Ils ont tendance à extérioriser davantage leurs problèmes émotionnels, ils sont plus tendus, plus agités et plus agressifs»

Il affirme que ce rapport à ses propres difficultés, qui s’apparente à un refoulement, enclenche une spirale négative vers le bas. Il poursuit:

«Il est important que notre société s’intéresse à ce problème. Les jeunes hommes souffrent souvent en silence avant de montrer des signes manifestes, beaucoup de symptômes passent inaperçus»

Le pédopsychiatre estime que la pandémie de Covid-19 n’a pas été un déclencheur, mais plutôt un catalyseur, en accélérant une évolution que les psychiatres et les psychologues observaient depuis 2010 déjà et dont certaines causes peuvent être avancées.

Une pression liée à la performance

Alain Di Gallo, qui est également coprésident de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent, observe que la pression liée à la performance joue un rôle toujours plus déterminant.

«L’emploi du temps est très serré, bon nombre de jeunes veulent être partout à la fois et tout le temps joignables. Tout cela constitue un stress énorme»

L’étude sur la santé CSS corrobore ces données: près de 60% des jeunes de 18 à 30 ans considèrent le stress professionnel comme particulièrement néfaste pour la santé, plus encore que le manque d’activité physique (32%) ou les mauvaises habitudes alimentaires (36%). Selon le psychiatre, les jeunes adultes plutôt timides, réservés et issus de milieux défavorisés seraient particulièrement vulnérables:

«En cas de crise, il ne faut pas grand-chose pour qu’ils se referment complètement. Certains vont jusqu’à abandonner l’école ou leur formation ou à quitter leur emploi»

La société du «tout est possible»

Paradoxalement, les libertés dont bénéficie la nouvelle génération, jusqu’à la liberté de créer et de réinventer sans cesse sa propre identité, plongent de nombreux jeunes dans une profonde incertitude. Alain Di Gallo explique:

«Malgré les nombreuses libertés, la pression normative est forte. Aujourd’hui, un jeune qui s’affiche sort rapidement du lot»

Le poids des stéréotypes

Markus Theunert, spécialiste des questions masculines et de genre et psychologue de formation, fait remarquer qu’il est difficile de savoir qui on est vraiment. Cette quête identitaire s’avère particulièrement ardue pour les jeunes hommes:

«Lorsqu’on atteint la vingtaine, il faut savoir trouver sa place dans la société. Les jeunes hommes doivent alors apprendre à naviguer entre différentes valeurs: les enseignements qu’ils ont reçus, l’image qu’ils ont d’un «vrai homme» et qui ils sont réellement. C’est un processus laborieux»

Selon Markus Theunert, les hommes font face à des attentes contradictoires: l’homme d’aujourd’hui doit être un père attentionné et engagé, un interlocuteur socialement compétent et un amant empathique, en plus de savoir travailler en équipe.

Markus Theunert croit néanmoins que ces exigences n’ont pas remplacé le vieux stéréotype masculin du pourvoyeur performant. Il ajoute:

«Ces valeurs coexistent et sont parfois en concurrence directe les unes avec les autres. Malheureusement, ces thèmes sont peu abordés sur la place publique»

Pour lui, ces deux images concurrentes de l’homme jouent un rôle dans le risque de burnout:

«De jeunes pères, par exemple, souhaitent être des pères modernes et différents du père qu’ils ont eux-mêmes connu, sans toutefois vouloir abandonner le rôle de pourvoyeur. Ce mélange entre l’ancien et le nouvel état d’esprit est clairement une source de stress»

Un manque de perspectives et une crainte face à l’avenir

Selon Markus Theunert, la confiance dans les promesses du capitalisme tardif patriarcal est mise à mal, en particulier pour les jeunes hommes:

«De plus en plus d’hommes sont désillusionnés: ils ne croient plus qu’une brillante carrière les attend et qu’ils seront capables de séduire de jolies femmes. Ils ne se sentent pas à la hauteur et baissent les bras»

Des conclusions qui rejoignent les observations du pédopsychiatre Alain Di Gallo:

«Les critères d’embauche sont de plus en plus élevés et on met volontiers l’accent sur la perméabilité du système en Suisse. Cela donne l’impression qu’il faut toujours aller plus haut. Dans un tel contexte, plusieurs personnes ont peur de rater le coche et craignent l’avenir»

L’étude sur la santé CSS vient confirmer ces hypothèses: les jeunes adultes entre 18 et 30 ans sont prompts à citer le manque de perspectives comme facteur de stress pour leur propre santé.

Causes et ressources

Sans vouloir minimiser l’influence de la société sur la santé mentale, il est important de préciser que les maladies psychiques sont souvent multifactorielles et parfois héréditaires. Alain Di Gallo explique:

«Souvent, les antécédents d’une personne sont déterminants. Si, par exemple, quelqu’un dans la famille a déjà souffert de dépression, le risque est plus élevé. Cela vaut également pour des expériences douloureuses comme les séparations, les cas d’abus ou de violence. Enfin, les pressions actuelles telles que le harcèlement et les crises familiales peuvent aussi déclencher ou renforcer des problèmes psychiques»

Il n’y a rien d’anormal à ce qu’un jeune ait parfois un passage à vide ou des sautes d’humeur. En revanche, un sentiment de tristesse qui perdure, un manque d’entrain et d’intérêt ou une grande fatigue peuvent être des signes de dépression. Les symptômes de troubles anxieux sont très marqués et peuvent affecter passablement la qualité de vie et le quotidien des personnes concernées. Dans ce cas, la prudence est de mise.

Le site Web Comment vas-tu?, une campagne de Promotion Santé Suisse, offre un bon aperçu des différentes offres de soutien. Il est possible de rechercher sur ce site spécifiquement des psychiatres et psychothérapeutes pour enfants et adolescents, ou sur ce site, des psychiatres et psychothérapeutes pour adultes.

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